Qu’apporte la certification B-Corp ? Comment l’obtenir ? Quelle est sa plus-value ? Réponse avec Bruno Goré, président du directoire de Caisse d’Epargne Normandie.
Bruno Goré : "L’adhésion B-Corp exige une démarche d’amélioration permanente"
Décideurs. Vous avez été certifié B Corp. Pourquoi avoir demandé cette certification ?
Bruno Goré. Nos valeurs sont un atout et contribuent à notre identité. Mais encore faut-il montrer qu’elles se traduisent en actions. Nous avons choisi la certification B-corp car elle émane d’un organisme indépendant, qui utilise des grilles de mesures solides applicables à de nombreux secteurs. Enfin, l’organisme B Corp décerne une certification qui a une portée internationale.
Cette démarche nous engage vis-à-vis de nos parties prenantes. Elle nous permet aussi de collaborer avec une communauté exigeante, et nous demande d’œuvrer pour la promotion de l’Impact. Ces exigences, en phase avec nos valeurs, nous ont plu. Les enjeux de transition sociale et environnementale sont tels qu’ils appellent des réponses locales, collectives et volontaristes. Chacun seul, y compris nous, Caisses d’Épargne, ne pouvons prétendre avoir la solution. Grâce à cette démarche, plusieurs clients ont salué notre approche et renforcé leurs liens avec nous. Nous avons même été contactés à l’international par de nouveaux clients, exigeant un partenaire français labellisé B-corp.
La Certification B-Corp est très exigeante, comment se matérialise-t-elle ?
Oui, l’exigence est là mais elle a du bon. Nous ne pouvons être certifiés qu’après une analyse approfondie de notre modèle d’affaires, de nos relations avec chacune de nos parties prenantes : clients, fournisseurs, salariés, environnement…
Il ne suffit pas de répondre ou de fournir des efforts pour être certifié. Il faut au moins 80 points sur 200 pour obtenir la certification. Beaucoup échouent et le meilleur ne dépasse pas 135 points. Nous sommes à 83 points et travaillons à améliorer nos modèles d’affaires et de relations. L’adhésion B-Corp exige cette démarche d’amélioration permanente. L’exigence est aussi interne : nous nous sommes donné 5 objectifs assortis de 12 leviers d’actions pilotées et évaluées. Du côté de la gouvernance, l’exigence est aussi là mais, sur ce point, notre modèle coopératif est un atout. Dans nos instances, un homme vaut une voix, c’est-à-dire que chacun a le même pouvoir, quels que soient le nombre d’actions et la part de capital qu’il détient.
Pouvez-vous nous donner des dispositifs conçus pour leur vertu, environnementale ou sociale ?
Sur le fléchage de l’épargne, nous proposons des produits verts et à impact, orientés notamment sur le financement des énergies et infrastructures renouvelables, via Mirova, filiale de BPCE. Autre exemple, nous avons développé des solutions d’épargne innovantes dédiées à la région et à notre territoire avec un impact écologique positif : nous promouvons des plateformes participatives locales, en apportant notamment des garanties aux particuliers qui s’engagent pour le financement des projets. Les souscriptions par projet (750 000 euros en moyenne) se bouclent souvent en quelques heures et permettent de financer des infrastructures d’énergie décarbonée.
Du côté de l’impact social, vis-à-vis de nos salariés notamment, nous nous sommes dotés de plans d’actions depuis plusieurs années. L’effort a porté sur le management, la gouvernance, la diversité. Notre score égalité Femme-Homme est de 93/100, les femmes représentent 45 % des cadres, et mon directoire comprend plus de femmes que d’hommes. Nous prenons des initiatives en matière de santé, de formation et d’inclusion, et soutenons des associations actives sur ces sujets.
Enfin, l’impact sociétal, en dehors de nos murs, auprès des associations, dont nous sommes l’une des toutes premières entreprises mécènes de France. Exemple, l’association "Finances et Pédagogie", fondée et soutenue par les Caisses d’Épargne, forme chaque année plus de 30 000 personnes aux questions budgétaires et d’argent, pour éviter l’exclusion consécutive à un manque de compréhension du système économique et financier. Nous aidons aussi les incubateurs de l’innovation sociétale partout en France, et particulièrement en Normandie avec "Katapult".
"La certification B-Corp a été choisie car elle émane d’un organisme indépendant, de grilles de mesures solides et de portée internationale"
Votre score sur l’environnement pourrait être plus fort. Pourquoi ce moindre score ?
C’est vrai. Nous y travaillons beaucoup, mais depuis moins longtemps que les critères sociaux. La mesure nous montre le chemin restant à parcourir. D’où notamment les initiatives évoquées ci-dessus. Une difficulté que nous devons gérer, c’est la réconciliation du social et de l’environnemental : exemple des logements dits "passoires thermiques". Devons-nous financer leurs cessions ou leurs rénovations ? Comment s’assurer que les cessions seront suivies de rénovations ? Il a fallu modifier nos systèmes informatiques pour identifier ces logements dans nos financements et adapter notre offre en conséquence.
Sur le sujet des mobilités, tant que les offres de voiture électrique écarteront les ménages modestes, il n’est pas de notre ressort de les exclure d’un financement pour l’achat d’un véhicule thermique : ce dilemme relève de nos élus. Pour autant, nous tentons de nous rendre utiles, c’est pourquoi nous avons bâti des offres pour permettre par exemple à 600 personnes modestes l’an dernier d’accéder à des véhicules fiables, abordables et faiblement émetteurs, via une offre de LOA adaptée et financée grâce à notre microcrédit personnel.
Nous tentons également d’accélérer les transformations de nos clients en les aidant à être eux-mêmes des acteurs de la transition. Exemple les prêts à impact, réservés au départ à nos clients bailleurs sociaux et que nous élargissons désormais aux collectivités et aux entreprises. Sur la base d’une méthodologie développée avec Vigéo Eiris, leader européen de la notation extra-financière (racheté par Moody’s), notre client choisit un indicateur d’impact social ou environnemental comme le nombre de logements basse consommation. Si l’objectif est atteint, son prêt est bonifié, il peut même choisir de reverser toute ou partie de cette bonification à une association de son choix.
En synthèse, à quoi sert la mesure d’Impact ?
D’abord à agir rapidement ou progressivement, à prendre conscience des effets de son activité sur la société et l’environnement et à s'interdire des produits à externalités négatives au profit de produits à externalités positives. Cette mesure nous permet de nous approprier des sujets complexes et de participer à des mécanismes incitatifs : le financement des industries, parfois vu comme polluantes, ne doit pas se tarir, surtout si ces industries créent de l’emploi et qu’elles sont vertes et bas carbone. La mesure de l’impact permet d’accélérer, car elle est aussi la mesure de l’accélération de la transition. C’est pour cela que les Caisses d’Épargne participent le 13 février à l’Assemblée nationale au premier Sommet de la mesure d’impact, un rassemblement organisé par l’Impact Tank.
Propos recueillis par Pierre-Étienne Lorenceau