Le cabinet croit en 2023
Décideurs. Comment avez-vous appréhendé la jurisprudence relative aux management packages ?
Pauline Corouge. Les arrêts du conseil d’État de juillet 2021 en matière de management packages ont entraîné des répercussions importantes sur notre activité. Ils ont fait bouger les lignes et entraîné de nombreux débats et insatisfactions sur la place. Nos clients qui avaient réalisé des opérations de LBO dans un passé proche nous ont grandement sollicités pour comprendre les tenants et les aboutissants de telles décisions. Au-delà, il a fallu déterminer les clefs à mettre en place pour les opérations futures. Aujourd’hui, cette préoccupation est toujours d’actualité.
Arnaud Viard. Nous avons effectivement dû repenser la façon dont les opérations de LBO étaient mises en place et plus particulièrement les biais d’intéressement des cadres. Nous avons ainsi choisi une position de repli en adoptant des mécanismes plus classiques comme les attributions gratuites d’actions ordinaires ou de préférence (AGAO ou AGADP). Ce dispositif nous a paru le plus sécurisant et optimal dans la mesure où il se place sous un régime légal tout en ayant une capacité de transfert d’une quote-part de la plus-value des fonds vers les managers. En revanche, le sujet d’attention réside dans la valeur des AGADP au jour de leur acquisition pour éviter les courbes trop exponentielles de valeurs.
Avez-vous constaté une recrudescence de certaines typologies d’opérations ?
A. V. Nous avons remarqué une forte concentration dans le secteur de la gestion patrimoniale et plus particulièrement des cabinets de CGP. Nous venons de terminer l’opération sur le cabinet Linard Charbonnel au sein duquel le groupe Premium a pris une participation et nous avons également réalisé le rapprochement entre la Financière Tiepolo et J. de Demandolx Gestion. De grands fonds de private equity se lancent également dans des prises de position minoritaire ou majoritaire dans les cabinets de CGP.
P. C. Cette mouvance est en quelque sorte la contrepartie d’une défi ance envers les entreprises de la tech qui ont récemment perdu de la valeur. Les fonds, et plus généralement les investisseurs, sont rassurés de se rapprocher d’activités moins déstabilisantes et moins volatiles. D’ailleurs, nous avons réalisé beaucoup plus d’opérations majoritaires en la matière.
Post-Covid, avez-vous remarqué une recrudescence des contrôles engagés par l’administration fiscale ?
P. C. Nous n’avons pas constaté au sein du cabinet d’augmentation des contrôles ou des contentieux mais un durcissement des positions de l’administration fiscale. Pourtant celle-ci avait l’an dernier annoncé un renforcement des contrôles sur les particuliers notamment dans le contexte d’une situation post-Covid qui a significativement fragilisé les entreprises.
Quelles sont les ambitions de PGA ?
A.V. Le cabinet prend un tournant cette année avec la volonté, déployée au cours du premier semestre, de passer à la vitesse supérieure. Le cabinet ayant été créé autour du private equity, l’adjonction de notre équipe a tout d’abord permis d’apporter une pratique fi scale entraînant de nombreuses synergies notamment cette année. La prochaine étape sera l’arrivée de nouveaux associés dans des practices complémentaires.
P. C. Par ailleurs, comme les équipes ne cessent de croître, nous déménageons dans de nouveaux bureaux qui nous donneront les moyens de grandir en passant de 270 à 500 m2 au sein d’une adresse prestigieuse. Cela crée en interne un dynamisme très positif et contribue également à faire évoluer notre image avec une ouverture plus étendue sur le marché. La fiscalité est un droit mouvant qui doit s’adapter en permanence aux sujets d’actualité.
Quels sont ceux que vous observez ces derniers mois ?
A. V. Il s’agit tout d’abord des cryptomonnaies qui sont de nouveaux instruments et génèrent un tout nouveau droit. Le cadre fiscal ne prévoit pas aujourd’hui toutes les possibilités que ces nouvelles monnaies offrent aux investisseurs. Nous sommes aux prémices de la compréhension globale quant au fonctionnement de ces outils et de la manière dont la fiscalité va devoir intervenir. Notre objectif est d’anticiper l’évolution de ce marché et d’envisager les pistes de réflexion afin d’optimiser la fiscalité future. Cependant, depuis trois mois, avec la chute des cryptomonnaies, ce sujet est un peu relégué.
P. C. Dans un autre domaine, la fiscalité de l’art urbain est aujourd’hui en totale construction. Elle soulève des problématiques très concrètes. Par exemple, lorsqu’un street-artiste est sollicité pour intervenir sur un ensemble immobilier, la question va être de savoir s’il s’agit d’une oeuvre d’art et dans l’affirmative comment l’oeuvre qu’il réalise sera traitée fiscalement : incorporée à l’immeuble ou non. L’exemple peut paraître anecdotique mais nous recevons également de plus en plus de demandes dans le cadre de l’urbanisation des friches urbaines. Autant de questions nouvelles liées à la réappropriation de l’espace urbain par les citoyens et les artistes. Ces initiatives sont majoritairement soutenues par les pouvoirs publics avec des financements dédiés mais qui entraînent des questions en matière de TVA et d’imposition des gains pour les intermédiaires et les artistes.
Quels vont être les défis à relever ?
P. C. Un des défis de la rentrée sera sans doute celui des effets de l’inflation sur le capital-investissement mais aussi sur nos clients possédant un patrimoine immobilier important compte tenu de la baisse anticipée de ce marché. Nous allons devoir jouer les équilibristes dans cette situation économique, source de difficultés comme d’opportunités.
A. V. Les fonds ont toujours des liquidités importantes. Les effets d’aubaine liés à la déflation donneront lieu à de très belles opérations. En revanche, les opérateurs sur l’immobilier devront notamment faire face à la hausse des taux.
Propos recueillis par Béatrice Constans