Le groupe français de courtage en assurance April vient d’être racheté par le fonds américain KKR pour 2,4 milliards d’euros, un montant jamais vu en 2022, année d’accalmie pour le M&A large cap. Éric Maumy, à la tête d’April depuis 2019 revient sur la stratégie qui a fait exploser la valorisation du groupe et les atouts de KKR. Le grand gagnant de l’enchère.
Éric Maumy : "De nombreux fonds de grande qualité se sont intéressés à April"
Décideurs. Alors que les opérations sur le large-cap sont rares comment expliquez-vous celle entre April et KKR ?
Éric Maumy. Le courtage en assurance a depuis quelques années, les faveurs des fonds car c’est une activité aux revenus récurrents. Même dans un contexte économique difficile, les gens continuent de s’assurer, voire s’assurent davantage, ce fut le cas pendant la crise du Covid. Il y a aussi forcément les raisons propres à April. Nous ne sommes pas une "insurtech" prometteuse, l’entreprise a 35 ans et nous lui avons redonné ses couleurs d’origine en nous transformant et en renforçant les atouts qui ont toujours fait le succès d’April, avec l’ambition de bâtir un champion français dans notre secteur. La stratégie mise en œuvre depuis 3 ans, les résultats obtenus sur nos différents marchés en France et à l’international et les perspectives de croissance qui s’ouvrent à nous, ont contribué à valoriser le groupe et a beaucoup compté pour les actionnaires. Nous avons en parallèle, fortement renforcé nos capacités digitales et technologiques au bénéfice de nos partenaires courtiers et de nos assurés. Nous sommes devenus en deux ans, le leader du e-commerce dans le domaine de l’assurance en France. De très bons signaux pour des investisseurs.
Que s’est-il passé depuis l’arrivée de CVC pour que la valorisation du groupe monte si haut ?
Nous avons vécu une lune de miel avec CVC, c’est avec eux que nous avons opéré ce virage stratégique, en recentrant le groupe sur son métier cœur de la distribution d’assurance autour des marchés de l’emprunteur, de la santé/prévoyance, du dommage de niches, de la santé internationale et de la gestion de patrimoine. Cette transformation et notre dynamique commerciale dans les 18 pays où nous opérons nous ont permis de générer une croissance organique de 8% en moyenne dans un environnement pourtant très concurrentiel. CVC va nous manquer, nous avons mené ensemble cette séquence tambour battant avec des liens de confiance extraordinaires. Nous avons atteint un niveau de performance élevé qui nous permet aujourd’hui de voir encore plus grand plus loin. Dans le Private Equity, pour qu’une histoire soit belle il faut bien qu’elle se termine.
"J'espère que le deal que nous venons de sceller va inspirer d'autres acteurs du marché"
Pourquoi le choix s’est porté sur KKR ?
De nombreux fonds d’investissement de grande qualité se sont intéressés à April et le choix était cornélien. KKR l’a notamment emporté car l’équipe avec laquelle nous allons avoir le plaisir de travailler, a parfaitement endossé l’ambition de faire d’April un champion du courtage d’envergure mondiale. Cette nouvelle phase de croissance s’inscrit dans la durée, ce qu’a soutenu KKR en mobilisant son fonds core avec un horizon d’investissement à 10-12 ans. KKR est un des fonds les plus prestigieux au monde avec une forte expertise dans les secteurs de l’assurance et des services financiers. Ils sont dans une logique de développement et d’investissement à nos côtés et vont nous permettre d’élever encore notre niveau de jeu et nous donner les moyens d’aller plus loin, en matière de croissance externe, notamment à l’international, et en matière d’expérience client grâce à l’alliance du meilleur des relations humaines et du digital.
Le marché du M&A étant en plein ralentissement est-ce la bonne période pour une stratégie de Buy & Build ?
Il y a toujours une part d’aléa avec le M&A mais le ralentissement que vous évoquez concerne surtout les grosses opérations et j’espère que le deal que nous venons de sceller va inspirer d’autres acteurs sur le marché.
Résilient pendant les crises, valeur refuge des investisseurs, le secteur du courtage doit-il vraiment craindre quelque chose ?
L’assurance est souvent présentée comme une activité qui fait preuve d’une grande résilience dans les périodes de crises. Nous savons par expérience que les risques existent, notamment sur le terrain réglementaire. Ces menaces peuvent aussi se transformer en opportunité. Nous nous sommes notamment mobilisés pour que la loi Lemoine devienne une réalité en France et permette aux 7 millions d’emprunteurs de retrouver leur liberté de choix avec des économies substantielles à la clé. L’ouverture à la concurrence est toujours une excellente nouvelle pour les consommateurs et une chance pour les acteurs les plus agiles.
Propos recueillis par Céline Toni
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