Dans la finance, l’inégalité salariale femmes-hommes ne s’efface pas
Le saviez-vous ? Dans le secteur de la finance, l’inégalité salariale entre hommes et femmes est "pire" qu’ailleurs. C’est ce que révèle une étude menée par Spendesk qui se place au niveau européen. Cet écart apparaît dès l’entrée dans la vie active.L’enquête menée sur plus de 800 professionnels du secteur – dont la plupart sont des hommes – CFO et directeurs financiers européens issus d’entreprises de moins de 250 salariés, dresse un constat sans équivoque : partout dans la fonction, les hommes gagnent plus que les femmes. Alors qu’en France l’écart de salaire entre femmes et hommes dans le secteur privé atteint 5,3 %, le différentiel est de 15 % pour le secteur financier d’après la deuxième édition du CFO Salary Benchmark.
Le différentiel est particulièrement spectaculaire entre les pays étudiés. Là où le salaire annuel moyen pour un financier en France est de 90 500 € pour un homme, il est de 78 500 € pour une femme (soit un écart de 15%). En Allemagne et en Angleterre, les hommes travaillant dans la finance gagnent en moyenne 30% de plus que leurs homologues féminins, et ce, avec des montants globalement plus élevés : en moyenne 156 000 € par an pour les CFO en Allemagne et 162 000 € pour leurs collègues britanniques.
Pour expliquer les écarts de salaires entre hommes et femmes entre ces pays, Stéphane Baranzelli, Country Manager France de Spendesk, avance : "La France légifère depuis une vingtaine d’années et, de facto, le marché arrive à des points plus proches de l’équilibre comparé à d’autres pays". Il est vrai que la France étoffe son arsenal législatif depuis longtemps : la loi Génisson de 2001 a introduit l’obligation dans le secteur privé de négocier sur les écarts de rémunération, plus récemment la loi du 24 décembre 2021 vise à accélérer l’égalité économique et professionnelle. En comparaison, l’Allemagne, a peu l’habitude d’encadrer les niveaux de rémunérations – le salaire minimum n’a été introduit qu’en 2015 – ce qui limite les possibilités de combler l’écart existant.
Un schéma d’écart salarial propre au secteur
Côté tranche d’âge, il est aussi surprenant de constater que les écarts se réduisent dans la fonction finance entre 30 et 40 ans à 10% de revenu supplémentaire pour les hommes alors qu’ils gagnent 24% de plus que les femmes en moyenne entre 25 et 30 ans et 20,5% entre 40 et 50 ans.
L’augmentation globale de cet écart avec l’âge est alignée avec la moyenne nationale : les femmes gagnent en moyenne 11% de moins que les hommes entre 5 et 10 ans après la fin de leurs études et 18% de moins au-delà de onze ans après. Cependant, la réduction du différentiel entre 30 et 40 ans est propre au secteur financier. L’arrivée d’un enfant en milieu de carrière pour le reste du privé provoque un écart de revenu de 25% en moyenne. Là encore, le monde de la finance irait en sens inverse : la situation familiale n’aurait pas d’incidence. D’après l’étude, pour les professionnels ayant des enfants, l’écart est plus faible (8%) que pour ceux qui n’en ont pas (16,5%).
Autre élément atypique : la variation des niveaux de salaires au sein d’un même niveau hiérarchique. Alors que les chiffres de l’Insee montrent des inégalités salariales plus élevées chez les cadres : 18,4% contre 6,1% chez les employés, pour les professionnels de la finance, plus leur fonction est élevée plus la différence hommes-femmes est faible : 0,3% d’écart chez les VP Finance contre 7,5% chez les managers et 17% chez les directeurs financiers. Si la faible part de femmes à ces fonctions empêche une comparaison solide, l’explication donnée par Stéphane Branzelli penche pour une capacité de négociation qui s’accroît avec l’ascension professionnelle : "L’aptitude à renégocier un salaire vient avec la profession, plus on monte en grade plus on en a l’expérience".
En Allemagne et au Royaume-Uni, les hommes travaillant dans la finance gagnent 30% de plus en moyenne que leurs homologues féminins.
La négociation, le nerf de la guerre ?
Une capacité de négociation très distinctive dont témoignent les niveaux de satisfaction liés au revenu : là où les hommes de la finance sont 55% à être insatisfaits de leur niveau de salaire, 67% de leurs consœurs se sentent équitablement rémunérées. Un paradoxe quand on voit l’écart moyen au sein du secteur. Un indicateur qui permet toutefois de déduire qu’un professionnel insatisfait de sa rémunération aura plus tendance à vouloir l’augmenter et donc à la négocier… à la hausse !
Pour autant, doit-on considérer la capacité de négociation comme le seul levier pour aligner les salaires du secteur ? Selon Stéphane Baranzelli, l’évolution passe par une prise de conscience : "Il faut continuer à en parler et à sensibiliser. L’écart de salaire pour une mission et avec une formation identique, n’est pas acceptable. Les entreprises qui ne vont pas dans la bonne direction le regretteront, notamment en termes d’attractivité et de marque employeur". Néanmoins on notera un bon signal pour le futur : c’est la première fois cette année que le CFO Salary Benchmark intègre la variable de genre, même si les écarts mis en lumière restent à combler.
Céline Toni