3 questions à L. Demasles (Les Zelles), lauréat du Prix Ulysse 2022
Décideurs: Lors de la remise du prix, Alexandre Saubot, président de France Industrie, a insisté sur la particularité des lauréats de cette année : tous deux issus du secteur industriel. Dans un contexte ou la production industrielle recule en France, est-ce une fierté particulière pour l’entreprise ?
Laurent Demasles: Notre principale fierté est premièrement d’avoir pu redresser l’entreprise. Certes, ce prix manifeste une belle reconnaissance pour les ETI du secteur industriel qu’on a trop longtemps délaissé en France alors qu’il est la clé du succès allemand. D’ailleurs, la crise sanitaire avec ses ruptures de chaines d’approvisionnement ainsi que la crise ukrainienne l’ont démontré: sans une industrie solide, le tissu économique est fragile, or nous sommes à cheval entre le BTP et l’industrie, deux secteurs particulièrement impactés par l’actualité des deux dernières années. Cette récompense est aussi un signal positif pour les ETI des territoires [Les Zelles est un groupe vosgien, NDLR], des éléments essentiels à la création de valeur dans les régions, qui ancrent l’emploi et constituent un socle la fois économique et sociétal. Le principal intérêt que je vois dans ce prix est la démonstration du succès des méthodes amiables.
"Les chefs d’entreprises ne sont pas des experts de la faillite, au contraire, d’où l’importance d’être bien entouré pour être guidé vers ce type de procédures amiables."
En quoi la conciliation a été un élément clé de ce retournement ?
La méthode est trop peu connue par les entreprises, cependant, si on anticipe suffisamment et qu’on arrive au moment propice avec une conciliation et les bonnes personnes autour de la table il s’agit d’une vraie opportunité. Les chefs d’entreprises ne sont pas des experts de la faillite, au contraire, d’où l’importance d’être bien entouré pour être guidé vers ce type de procédures (conseils, commissaires au compte, actionnaires,…) et pour la mettre en œuvre (avocats conseils, mandataire ad-hoc, auditeur,…). Dans notre cas au bout de quatre mois, en discutant avec les banques du haut et les banques du bas, les assureurs crédits, les fournisseurs, les salariés, nous avons restructuré la dette sénior, investi dans un plan de croissance, associé 100 % des salariés au capital et ils sont aujourd’hui actionnaires majoritaires à hauteur de 36 %. Depuis mars 2021, nous avons fait 30 % de croissance, l’EBITDA a été multiplié par cinq et nous sommes devenus une entreprise à mission.
"Il faut communiquer au plus vite [...] pour maintenir la confiance, car avec l’empilement des crises actuelles c’est un tsunami qui arrive."
Alors que les défaillances connaissent une nouvelle hausse en ce début d'année 2022, entre les tensions inflationnistes et les ruptures sur les chaines d’approvisionnement, quelle recommandation faites-vous aux entreprises pour faire face à ces difficultés ?
Il faut communiquer au plus vite, avec les salariés, les clients, les fournisseurs, les partenaires financiers et l’ensemble des parties prenantes pour maintenir la confiance, car avec l’empilement des crises actuelles c’est un tsunami qui arrive. Il faut savoir entreprendre des conciliations ou autres procédures amiables maintenant, dans quelques mois il sera trop tard pour restructurer ses dettes et financer des plans de retournement. Pour Les Zelles, en 2018 nous avons tout réglé en quatre mois, c’est l’avantage de la procédure: rapide, confidentielle et structurée par le tribunal de commerce. Enfin, promouvoir l’actionnariat salarié est aussi une solution pour impliquer dans la sauvegarde et le retournement les acteurs les plus concernés par l’entreprise tout en répondant au besoin de refinancement de capital.
Propos recueillis par Céline Toni