Le réseau de crèches Babilou a fait le choix de réaliser sa croissance internationale en démarrant toutes ses implantations par une acquisition. Désormais implanté dans douze pays à travers le monde, le groupe continue de conserver cette dynamique. Xavier Ouvrard, son président-directeur général, détaille les raisons de cette stratégie et les erreurs à éviter lorsqu’une entreprise se lance dans la conquête internationale.

Décideurs. Pourquoi avoir fait le choix de vous étendre à l’international par le biais d’acquisitions ?

Xavier Ouvrard. L’une de nos premières implantations à l’international a été menée via une expérience d’investissement greenfield à Dubaï, et force a été de constater que nous avons fait beaucoup d’erreurs. Nous sommes arrivés avec l’idée de répliquer notre concept franco-français puis nous avons nommé un dirigeant sur place sans vraiment le connaître et, enfin, nous nous sommes retrouvés face à une exigence administrative que nous ne maîtrisions pas. Autant d’aspects difficilement gérables à distance.

Pour rectifier le tir, j’ai tout d’abord fait le choix de passer une année à Dubaï afin de me confronter à la réalité du marché. Après réflexion, nous avons finalement décidé de changer la marque, d’acquérir une entreprise locale et de positionner une collaboratrice historique qui parlait parfaitement l’arabe et l’anglais à la tête de notre filiale. En revoyant ces trois points stratégiques nous avons pu amorcer notre déploiement au Moyen-Orient, devenu depuis une zone géographique stratégique pour notre groupe.

Quelle est votre recette pour que cette stratégie de croissance externe soit un succès ?

Tout d’abord, nous permettons au fondateur ou aux actionnaires de l’entreprise cible de rester minoritaires un certain temps. La transition peut ainsi se faire en douceur et un réel échange de compétences peut s’opérer en reconnaissant le savoir-faire de ceux qui ont créé l’entreprise. D’un autre côté, nous envoyons un ou deux expatriés sur place qui pourront apporter la plus-value du groupe, en particulier sur le plan digital.

Par ailleurs, il est essentiel de rester humble malgré notre expérience en la matière. Il ne faut jamais négliger d’embrasser la culture locale et de se plier aux exigences administratives ainsi qu’aux business models locaux.

Enfin, deux grands critères sont particulièrement déterminants pour croître : avoir des équipes de très bon niveau et ne jamais négliger la digitalisation.

"Ce n’est pas parce qu’un business est rentable qu’il est réplicable à l’ensemble du groupe"

Et quels sont les écueils à éviter ?

Je ne pense pas qu’il soit possible de faire une acquisition de taille significative sans faire une évaluation de l’ensemble de l’équipe dirigeante. Cela nous permet de savoir si la trajectoire annoncée est soutenable dans le temps et d’avoir une idée de ce que nous pourrions approfondir ensemble.

Par ailleurs, à l’international, il faut être très focus sur le cash, ce qui n’est pas automatique pour des dirigeants français. Chaque pays peut avoir un modèle de cash différent. Les consommateurs ne payent pas forcément au même moment et les subventions gouvernementales ne sont pas toujours versées à la même période. Or, une géographie vertueuse est une géographie qui peut autofinancer à moyen terme son propre développement. Il faut aussi s’adapter aux spécificités locales, notamment aux systèmes de régulation. Ce n’est pas parce qu’un business est rentable qu’il est réplicable à l’ensemble du groupe.

Quels sont vos projets de développement ?

Nous avons passé beaucoup de temps à construire des équipes puissantes en Asie, au Moyen Orient, en Europe et aux États-Unis et à mettre en place des systèmes digitaux efficaces. Désormais, nous nous appuyons sur ces acquis pour aller plus loin. Par exemple, ces derniers mois nous avons réalisé de belles acquisitions en Allemagne, en Hollande et au Moyen-Orient.

En France, les entreprises qui se développent à l’international ont souvent le réflexe de privilégier la proximité, notamment les pays latins. Je ne suis pas certain que cela soit la meilleure approche, mais nos a priori culturels sont très ancrés et il faut aller vers une compréhension culturelle beaucoup plus vaste. Quand la stratégie de développement international de Babilou a été lancée, nous avons passé six mois à voyager, à rencontrer les autorités, les conseils et nos concurrents locaux. Ce temps passé sur le terrain est le meilleur des investissements.

Il y a également un aspect gouvernance très important. On ne peut pas réussir seul. Il est donc essentiel de se faire challenger par son board pour prendre les bonnes décisions.

Comme ne pas perdre sa raison d’être lorsque les croissances se multiplient ?

Chez Babilou nous avons la certitude que notre cœur de métier est l’éducation. Chaque fois que nous envisageons une acquisition nous nous demandons comment elle permettra d’enrichir cette expertise et non pas l’inverse. J’en reviens à l’humilité qui doit toujours guider ces stratégies de croissance.

Propos recueillis par Béatrice Constans

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