Cabinet concentré sur les produits qui nécessitent une connaissance experte des marchés, Mayer Brown couvre une large palette de conseils en financement. Les associés de l’équipe reviennent sur les moments forts de l’année et leur développement pendant cette période.

Décideurs. Quel bilan tirez-vous des douze derniers mois en ce début de second semestre 2021 ?

Patrick Teboul. Sur le segment du financement LBO, l’activité s’est révélée extrêmement soutenue, contrairement à toutes les prévisions. Le premier semestre 2020 et la crise de Covid nous ont beaucoup occupés, notamment pour des demandes de waivers, et depuis le rebond phénoménal d’activité amorcé en juillet, le nombre de dossiers entrants ne faiblit pas. Quant aux restructurations, elles se maintiennent à un niveau résiduel. La maturité de la place en la matière fait sortir par le haut beaucoup de cas négociés.

Maud Bischoff. Nous sommes intervenus, notamment au dernier trimestre 2020, au titre des clauses de rendez-vous insérées dans les documentations de financement lors du premier confinement. Dans ce contexte, de nouvelles périodes de covenant holiday ont été agréées et pour les dettes en fin de vie, des prolongations de maturité ont été obtenues. Certains groupes qui n’avaient pas encore eu recours au PGE en ont souscrit. Par ailleurs, les fonds disposent actuellement de liquidités très importantes et on observe davantage de demandes d’investissement que d’offres. Ils se concentrent sur un nombre restreint de dossiers très concurrentiels, en equity comme en dette, ce qui mène les valorisations à des niveaux très élevés.

François-Régis Gonon. Dans une moindre mesure, notre activité en matière de financements structurés et titrisation est demeurée stable, notamment car ce type de financement, qui mobilise des postes de créances ou d’actifs, représente un moyen d’apport complémentaire en liquidités pour se financer ou refinancer.

Alban Dorin. Le financement d’actifs aériens a évidemment subi le contrecoup des mesures sanitaires l’an dernier et le pic de la crise n’est pas encore atteint. Quant à la partie de financement de projet, elle se défend bien. Même si l’année dernière a été assez agitée politiquement en Afrique, les projets continuent et de nouveaux émergent, notamment en minier, énergie et infrastructure.

"La plupart des entreprises ayant eu recours aux PGE ont levé l’option de prorogation de la maturité de cette dette"

Comment les prêts garantis par l’État ont-ils été traités ?

M. B. La plupart des entreprises ayant eu recours aux PGE lors du premier confinement ont levé l’option de prorogation de la maturité de cette dette, pour une durée de cinq ans. Ce qui leur permet de bénéficier d’un niveau de trésorerie suffisant pour passer la crise et se laisser un peu de temps pour évaluer les conséquences de la pandémie. Les PGE ont également aidé la catégorie des entreprises moins affectées, qui ont profité de cette mise à disposition de liquidités peu onéreuse pour se refinancer. Quant à l’éventuelle solution avancée par les créanciers, d’essayer d’avoir des sponsors qui injectent du cash pour ne pas être les seuls contributeurs au renflouement de la trésorerie des entreprises, la question ne s’est finalement pas posée.

F.-R. G. Le déferlement de restructurations n’a pas eu lieu, grâce à la prorogation des PGE et la reprise d’activité entre les confinements. Si l’année dernière, on redoutait les vagues de restructuration, il n’est pas exclu que cela se produise cet hiver avec l’arrêt des mécanismes d’aide.

En matière transactionnelle, quels sont les secteurs porteurs ?

P. T. Aujourd’hui, l’éducation constitue l’un des secteurs les plus actifs en matière de LBO, grâce aux perspectives de revenus résiduels et réguliers. On assiste à ce qu’on a vu sur les établissements de santé il y a six ans, avec une activité de fond, économique. La privatisation de la santé avait entraîné de nombreux mouvements sur les cliniques et cet élan perdure actuellement avec les Ehpad.

M. B. Du fait des montants de liquidités à placer par les fonds, il n’y a pas forcément de domaine d’activité sacrifié. Les valorisations dépassent parfois de 15 fois l’Ebitda sur l’upper mid-cap. Positionnés sur le mid-cap, nous investissons le marché du small-cap. Depuis quatre ans, nos efforts se portent sur ce segment avec de nombreuses transactions.

"Il est évident que l’aérien est une industrie d’avenir"

Dans quelle mesure le financement LBO a-t-il évolué ?

M. B. L’offre de financement s’est diversifiée. Les banques ne détiennent plus le monopole et les fonds de dette pénètrent le marché, à des prix légèrement plus élevés, mais la différence s’amenuise avec le temps. La dette unitranche est passée sous la barre des 7 %, avec un levier de 4, contre des term loan C, syndiqués, entre 4 et 5 %. Il y a toujours un écart, mais la souplesse de la documentation de la dette unitranche lui confère un avantage stratégique pour des groupes enclins à la croissance externe et dont le périmètre évolue. Ces acteurs penchent également davantage vers la négociation que vers des schémas classiques de restructuration. Le nombre de waivers obtenus en est la preuve.

P. T. L’activité a clairement repris. Les niveaux de levier, en dehors de certains deals avec des courbes de croissance exceptionnelles, restent raisonnables, avec une moyenne de 4,5 fois l’Ebitda alors qu’ils étaient délirants lors des subprimes. Chaque crise est différente et le marché parisien est bien plus mûr en restructuration qu’il ne l’était en 2008.

Quelles sont les perspectives dans le domaine aérien ?

A. D. L’industrie a été touchée par de nombreux facteurs, avec des avions cloués au sol par la pandémie, une baisse d’activité économique qui réduit les transports ou encore les problèmes du 737 Max. Malgré un contexte déjà tendu pour les bailleurs et les compagnies, on ne prévoit pas de faillites en masse, mais il y aura des consolidations et il faudra un peu de temps pour que le secteur se remette complètement sur pied. Ces mouvements se traduisent par une bonne coopération entre les banques que nous accompagnons et les compagnies aériennes, car les acteurs ont tout intérêt à une solution amiable.

Sur le long terme, il est évident que l’aérien est une industrie d’avenir. Le développement des échanges et la croissance démographique impliquent une augmentation du nombre de vols. L’industrie connaît par ailleurs un mouvement de fond et prend un tournant plus écologique et durable, autant sur les avions que sur les carburants.

"L’éducation constitue l’un des secteurs les plus actifs en matière de LBO"

Quelles sont les avancées en matière de titrisation ?

F.-R. G. Nous avons réussi à pérenniser le mouvement de consolidation débuté l’année dernière, à savoir se positionner sur des transactions de taille plus importante. Aujourd’hui, j’interviens sur plusieurs opérations au-dessus du milliard, sur une base française ou européenne. Ce gain de visibilité permet d’accéder à un certain nombre de dossiers phares de la place. Il peut s’agir de la mise en place de nouvelles opérations qui concernent des flottes automobiles ou bien des actifs comme des contrats de location de longue durée. Sur le marché, nous constatons que les temps de transaction se sont légèrement allongés. Des dossiers existants sont renégociés et de nouvelles lignes de titrisation sont mises en place. La nouveauté réside également dans le nombre d’acteurs anglo-saxons qui pénètrent le marché avec des mandats d’arrangement significatifs. Ce qui peut être lié à la taille des transactions sur lesquelles j’évolue désormais.

Souhaitez-vous développer d’autres segments ?

P. T. Nous traitons toutes les matières du financement, sans distinction d’industrie. En ce moment, nous sommes par exemple actifs en matière de clubs de football et travaillons sur le financement de l’audiovisuel avec la mise en place d’une société pour gérer les droits de diffusion. Nous cherchons en permanence à nous développer, plutôt de manière opportuniste, et avons ainsi élaboré le financement de fonds en equity bridge, pour soutenir le secteur très actif du private equity et répondre à ses besoins de financement à court terme.

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