Le secteur de l’aéronautique a été l’un des plus touchés par la crise sanitaire et ses effets. Safran, l’un des acteurs majeurs de ce segment d’activité a pourtant su rester bénéficiaire lors de l’année 2020. Bernard Delpit, son CFO revient sur la stratégie du groupe avant et pendant la période de relance.

Safran est un des seuls acteurs du secteur aéronautique à avoir su rester bénéficiaire l’année passée. Quelle stratégie avez-vous menée en tant que directeur financier pour faire face à cette période de crise ? 

Il est plus exact de parler de discipline dans l’exécution que de stratégie. Nous avons emprunté plusieurs voies. La première a été d’enclencher un réflexe vital, en portant une attention quotidienne au cash et en décidant rapidement sur des sujets tels que la suppression du dividende ou les nouveaux financements externes.

Dans un second temps, avec des rituels managériaux très efficaces, nous avons mis en place un pilotage très serré des plans d’adaptation afin d’aligner les coûts à l’activité. Grâce à cela, nous avons été l’une des rares entreprises à avoir pu communiquer dès juillet 2020 de nouvelles prévisions financières pour l’année, et à les avoir tenues.

Enfin, le troisième point tient à la grande proximité avec toutes les parties prenantes, et notamment avec nos actionnaires. Dès que nous avons eu plus de visibilité, nous avons réintroduit un dividende, voté lors de la dernière assemblée générale en mai 2021. Entre-temps, il a fallu communiquer avec beaucoup de transparence et d’intimité avec le marché.

Cette proximité s’est aussi naturellement développée avec l’ensemble de nos collaborateurs sous un angle de solidarité. En France, cela s’est traduit par un accord unanime entre les organismes syndicaux et l’entreprise afin d’éviter un plan de suppression d’emplois, en contrepartie d’une discipline salariale temporairement plus stricte. Enfin, cette solidarité s’est également étendue à notre écosystème avec un plan d’actions articulé entre les industriels du secteur et les pouvoirs publics. Et ce, notamment pour que les dispositifs d’activité partielle soient adaptés à la crise qui frappe particulièrement notre secteur, ainsi que pour la mise en place d’un fonds d’investissement dédié aux fournisseurs.

Quelles sont les clés pour assurer une reprise dans cette période de relance ? 

La manière dont nous avons abordé 2021 est différente par rapport à 2020. L’année dernière, l’activité s’était quasiment arrêtée et nous n’avions aucune certitude sur une reprise. Désormais, la reprise est en cours, même si elle est incertaine.

Il est donc important d’avoir les bons capteurs et indicateurs sur l’ampleur, la vitesse et la nature de la reprise de l’activité. Il ne faut pas faire d’annonces ou d’investissement hâtifs. La relation avec les clients permet également de mieux saisir ce qui se passe dans notre écosystème pour prendre les décisions les plus adaptées. Il est primordial de conserver ce lien dans les périodes de crise.

De même, les coûts fixes doivent le rester. Ils sont souvent plus variables qu’on ne le pense, y compris à la baisse, mais lors de la reprise, il faut réussir à conserver les baisses de coûts obtenues pendant la crise le plus longtemps possible pour améliorer la rentabilité. Cela passe par un dialogue nourri avec les différents business afin de déterminer comment garder la base de 2020 tout en remettant au travail certaines ressources qui avaient été mises entre parenthèses et dont ils ont besoin pour accompagner la reprise. Un vrai problème serait d’avoir de l’activité et ne pas pouvoir la satisfaire faute d’anticipation.

Nous devons aussi être très sélectifs sur les investissements. Nous avons vécu en apnée en 2020 et suspendu un certain nombre d’investissements tout en maintenant l’essentiel des projets de R&D. Si l’on revient au rythme de 2019 trop vite, on risque de surestimer les investissements dont Safran aura besoin pour l’avenir. L’après-crise ne ressemblera pas à l’avant-crise, il faudra s’adapter en termes de rythme, notamment dans la maîtrise des investissements.

"Nous devons aussi être très sélectifs sur les investissements."

Quels sont aujourd’hui les projets de Safran ? 

Nous réfléchissons à l’adaptation de notre stratégie au contexte actuel. Le cadre stratégique, les clients, le marché, les produits vont évoluer. Nous communiquerons sur ces sujets lors du capital markets day que nous organisons le 2 décembre prochain avec nos investisseurs.

Nous devons perpétuer les qualités opérationnelles du groupe, la solidité de son organisation et son ADN technologique, qui font partie de notre identité. Un nouveau programme technologique majeur – "RISE" – pour la motorisation d’un avion « décarboné » a été annoncé le 14 juin dernier. Nous sommes également en train d’accélérer la digitalisation de l’entreprise, nous réalisons une revue du portefeuille d’activités et nous renforçons l’axe ESG.

Qu’en est-il de la stratégie ESG de Safran ?

L’ESG est depuis longtemps dans l’ADN de Safran. Ce qui est nouveau, c’est la communication qui en est faite vers les investisseurs. De tout temps, nous avons eu à cœur de réduire la consommation de kérosène et donc les émissions de CO2, mais aujourd’hui, c’est encadré et la manière d’exprimer cet objectif a pris de l’ampleur.

Propos recueillis par David Glaser

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