V. Champagne : "Pour un DAF, l’anticipation est la clef"
Décideurs. Quelles grandes qualités un directeur financier doit-il posséder ?
Valérie Champagne. Le CFO est le gardien du temple. En cela, il doit être capable d’éclairer sur les incidences financières des décisions adoptées. Sa mission est de faire le pont entre le quotidien de l’entreprise, les femmes et les hommes sur le terrain, la comptabilité analytique et les résultats. Ainsi, il doit comprendre la technique pour savoir comment elle se traduira dans les comptes et aller au-delà des chiffres. Cela passe bien entendu par un intérêt profond pour le cœur de métier, les personnes et l’activité de l’entreprise.
Par ailleurs, le directeur financier doit toujours anticiper afin de préparer le chemin pour atteindre les objectifs. Cette posture permettra d’éviter les embûches et aux équipes d’avancer sereinement.
Ce qui est aussi très important pour moi, c’est de travailler dans la bonne humeur. C’est simple à dire et pourtant il est véritablement primordial d’instaurer les bonnes conditions pour que chacun s’épanouisse dans son travail.
Lors du Sommet des Leaders de la finance, vous êtes intervenue sur le thème "Innovation, management et vision : la DAF augmentée", comment parvient-on à la mettre en place ?
Je le répète, pour un DAF, l’anticipation est la clef ! Pour cela, il faut aussi savoir adapter les outils au bon moment. Lors de mon expérience chez RFF, j’ai été préfiguratrice de la fusion afin de préparer le futur SNCF Réseau. Le chantier le plus structurant a été celui des outils. Il a fallu extraire l’entité SNCF Infra de l’ERP du groupe SNCF et la fusionner dans celui de RFF. Pour guider tout le chantier des systèmes d’information, il était nécessaire d’avoir les idées claires sur les processus de la future entreprise et l’objectif, il fallait regarder loin devant. L’enjeu informatique est évident mais il ne faut surtout pas passer à côté de la transformation managériale et de l’évolution des professions. Un bon outil ne sert à rien si personne ne l’a compris, ne sait le conduire.
En tant qu’économiste, quel regard portez-vous sur la situation actuelle ?
Nous avons vécu un moment de sidération lors du premier confinement. Je ne suis d’ailleurs pas certaine que nous en soyons complétement sortis. Il reste un point d’interrogation et nous avons tous appris que les choses peuvent s’arrêter de manière brutale. Prévoir l’avenir est d’autant plus difficile.
Par ailleurs, les inégalités, en France comme dans le monde, se sont creusées. Par exemple, bon nombre de pays ne vivaient que du tourisme alors qu’ils ne voient plus aucun touriste depuis plus d’un an. Tous les gouvernements n’ont pas soutenu l’économie de la même façon qu’en France, ni même qu’en Europe. Je reste donc interrogative sur les répercussions de cette crise sanitaire sur l’équilibre macroéconomique et géopolitique mondial à moyen et long terme.
Malgré tout, n’oublions pas que, même si nous vivons une crise mondiale, l’appareil de production n’a pas été détruit mais a seulement été suspendu. Du jamais vu dans l’histoire car nos gouvernements occidentaux ont fait le choix d’arrêter l’économie plutôt que de laisser mourir les populations, contrairement à ce qu’ont connu nos grands-parents lors de l’épidémie de grippe espagnole. Notre époque fait passer l’humain avant l’économie, qui pourrait s’en plaindre ?
Propos recueillis par Béatrice Constans