Les gestes barrières portent le virus de la tech
Avant d’entrer dans le dictionnaire, l’expression distanciation sociale s’est, avant tout, ancrée dans nos habitudes. L’éloignement physique, forcé par les différentes règles sanitaires et confinements, a accéléré des changements parfois timidement amorcés jusque-là. C’est ce qui se dégage des dix tendances 2021 qui façonneront le paysage technologique selon GP Bullhound, banque d’affaires et investisseur spécialisé dans la tech.
Apprendre, travailler, se soigner et faire du sport depuis son salon
Les écoles fermées, 90 % des pays du monde ont organisé des formes de cours à distance selon l’Unicef, qui rapporte cependant qu’environ 500 millions d’étudiants n’y auraient pas eu accès par manque de moyens. La multiplication et la sophistication des plateformes d’e-learning font entrer l’éducation dans le XXIe siècle. Avec une croissance annuelle annoncée de 18 % par la société d’études de marchés Grand View Research, le marché de l’edutech avance deux fois plus vite que l’industrie du logiciel. En France, Openclassroom, 360 Learning ou encore Coorpacademy connaissent un franc succès. C’est l’heure du rattrapage scolaire par rapport à l’edtech en entreprise, déjà en fort développement.
Quand les plus jeunes étudient, les parents travaillent. La mise en place du télétravail des collaborateurs a très fortement accéléré le déploiement de solutions comme Zoom ou Teams. À l’avenir, nombre de sociétés intègreront ce mode opératoire à distance dans les usages, et ce, dès le recrutement. Les outils qui permettent de faciliter les échanges, comme ceux de la start-up rennaise Klaxoon qui a vécu une très belle année 2020, seront donc amenés à se multiplier.
L’inquiétude face à la propagation du virus aura également vidé les salles d’attente des médecins. Balbutiante avant la pandémie, la téléconsultation occupe désormais une place essentielle dans les moyens de recours à la médecine. Le cabinet de conseil Frost & Sullivan estime que leur volume augmentera de 38 % par an, soit une multiplication par sept d’ici 2025. Plus confortable, mais surtout plus sûre qu’une visite à l’hôpital, la téléconsultation augmente l’expertise du médecin grâce à l’intelligence artificielle. Si la healthtech a pris son temps pour se numériser, le contrôle des coûts, dans un Occident vieillissant, rend la marche arrière impossible. Des sociétés françaises comme Lifen, dans le partage de données entre hôpitaux, ou Doctolib
s’imposent comme des championnes européennes dans le domaine.
Les salles de sport, elles aussi fermées, se sont transposées dans les salons. Les applications payantes bien-être et fitness ont séduit investisseurs comme consommateurs, et atteint des niveaux de rentabilité et de croissance jusque-là inégalés. Si le modèle a vocation à perdurer, l’Europe est encore sous représentée dans cette catégorie. Et la française Gymlib ne compte pas encore parmi les sociétés de taille dans un marché qui reste à investir.
Le consommateur au centre des préoccupations
Les barrières d’usage du commerce en ligne chez les plus de 40 ans n’auront pas, elles non plus, résisté au confinement. Les investisseurs misent désormais sur une croissance des achats sur Internet dans la durée. Un écosystème verticalisé s’est mis en place, à l’image de ManoMano ou Selency, quand d’autres outils viennent en aide aux commerçants qui cherchent à vendre en ligne leurs produits, à l’instar de Webinterpret pour répondre à la demande internationale. Les modèles s’hybrident, depuis le drive jusqu’à la livraison et au retrait en magasin. Le taux d’adoption est tel qu’il faudra faciliter le paiement et la livraison à temps.
Les règlements en espèces reculent également. Les mesures d’hygiène nous ont habitués au paiement sans contact. Les Gafa sont entrés en force dans le secteur et les acteurs traditionnels ont accéléré la croissance externe. Un début de consolidation s’amorce, avec l’acquisition de Tink par Visa ou de Bypass par Fiserv, qui devrait durer jusqu’en 2025. En France, des sociétés comme Lemonway, Lydia ou Sinpay ont mené de belles levées de fonds.
Naviguer, partager et se protéger en ligne
L’augmentation du temps passé en ligne aura également poussé le marché du marketing digital. Celui-ci continue de croître, car sa part reste faible en proportion du budget des marques. Pour cela, il se recentrera notamment autour des données de mise en relations avec le consommateur et les moyens de mettre celui-ci au centre des décisions marketing. La multiplication du nombre de canaux augmente le besoin de recentraliser la donnée afin d’obtenir les recommandations les plus précises possible et un meilleur retour sur investissement des campagnes marketing. Si Critéo monopolise la partie cookies, des solutions comme Contentsquare se concentrent sur des besoins spécifiques.
Contrecoup du ciblage soutenu de l’analyse des comportements, consommateurs et régulateurs revendiquent une meilleure confidentialité des données, alors qu’elle n’est appliquée que de manière limitée pour l’instant. Désormais, toute technologie construite pour être durable, traitant les besoins de données de façon anonyme, marque sa différence. Si les sociétés de publicité, de paiement ou d’open banking s’inscrivent déjà dans cette tendance, les annonces des grands groupes se font attendre.
Enfin, la convergence de deux tendances de fond que sont les jeux vidéo et les réseaux sociaux a fait naître de nouveaux lieux d’échanges entre joueurs en ligne. De nouvelles sociétés émergeront pour faire du marketing ciblé et monétiser ces plateformes de rencontres de cloud gaming. Par ailleurs, une autre bataille s’engage. Celle de la monétisation des frais de commissions avec des leaders du gaming qui viennent contrer le poids des Gafa sur leurs marchés locaux.
Nul doute que la pandémie mondiale aura offert à l’univers de la tech une accélération de son omniprésence sur notre quotidien, professionnel comme personnel. Une évolution inévitable et qui offre de belles opportunités aux investisseurs du secteur.
AGM