Y. du Rusquec (Eurazeo Growth) : "De nombreuses start-up françaises sont des licornes potentielles"
Décideurs. Votre activité en Growth equity a été particulièrement soutenue au cours des derniers mois. Parmi vos prises de participation au sein des pépites françaises, on relève notamment celles de PayFit, Vestiaire Collective ou encore Back Market. Comment se comportent-elles aujourd’hui ?
Yann du Rusquec. Il s’agit de très beaux investissements qui vont continuer de progresser car ces entreprises possèdent un ancrage profond et un leadership incontesté sur leurs marchés respectifs. Par exemple, PayFit s’adresse aux TPE et PME afin de digitaliser leurs processus de gestion de paye et de ressources humaines. Outre la France, cette société distribue déjà son logiciel dans des pays limitrophes. Son coup de maître a été de le rendre accessible à des entreprises de petite taille n’ayant pas les moyens des grands groupes et qui pourtant constituent en Europe un marché de plusieurs milliards d’euros.
Quant à Vestiaire Collective et Back Market, ce sont des pionniers de l’économie circulaire, que ce soit sur les biens de luxe ou les produits électroniques. Ces deux sociétés qui surfent sur un marché de l’occasion en plein essor utilisent l’innovation technologique pour rendre l’expérience d’achat du produit d’occasion presque comparable à celle du neuf. Présentes en Europe, en Amérique et en Asie, elles connaissent une croissance annuelle de près de 100 %.
Nous avons beaucoup d’autres sociétés dans notre portefeuille en France et en Europe qui suivent des trajectoires similaires, ce qui démontre la très bonne santé du secteur technologique.
Dans quelle mesure la crise sanitaire a-t-elle affecté votre approche d’investissement ?
Avant la pandémie, nos interactions avec les dirigeants étaient surtout physiques. Il nous était impensable de juger de la qualité d’une équipe ou d’une entreprise autrement. Nous avons fait évoluer notre méthode de travail, avons appris à interagir à distance et avons probablement aussi gagné en efficacité.
Par ailleurs, en bouleversant notre paradigme économique ainsi que notre façon de consommer, la crise a dynamisé l’Europe et fait office d’accélérateur pour les nouveaux géants du numérique. Les consommateurs se sont notamment tournés vers l’achat en ligne comme l’atteste l’explosion des ventes de ManoMano, place de marché digitale de bricolage et jardin.
À travers notre stratégie de growth equity, nous souhaitons accompagner ces entreprises qui, j’en suis convaincu, intégreront bientôt des indices comme le CAC 40. Ainsi, nous recrutons davantage et adaptons nos métiers afin de répondre à l’émergence des futures licornes.
"La crise a dynamisé l’Europe et fait office d’accélérateur pour les nouveaux géants du numérique"
Selon vous, quelles seront les licornes de demain ?
De nombreuses start-up françaises sont des licornes potentielles ! Avec des croissances et des valorisations qui grimpent en flèche, beaucoup passeront le cap dans les prochains mois. Au-delà de la licorne, nous devons viser la “déca-corne”. Pour y parvenir, il est nécessaire d’encourager la création de beaux groupes comme PayFit en soutenant les entrepreneurs, qui sont à l’origine des nouvelles pépites, en leur offrant les moyens et l’accompagnement pour les emmener le plus loin possible.
Quelle place accordez-vous à l’ESG dans votre stratégie ?
En 2020, Eurazeo a intensifié son engagement ESG avec O+, un programme ambitieux vecteur de changements positifs dans la société, qui comporte deux engagements phares : atteindre la neutralité nette carbone et favoriser l’inclusion. Notre engagement ESG se concrétise à toutes les étapes du processus d’investissement et notamment aux trois phases clés de préinvestissement, détention et sortie. Nous avons fait le choix d’accompagner la mise en place de reportings spécifiques en aidant nos sociétés de portefeuille à évoluer dans cette direction. Aujourd’hui, l’ESG c’est tout aussi important que la performance financière.
Propos recueillis par Emeric Camuset