Le bureau parisien de White & Case a développé au cours de ces dernières années une expertise de pointe sur les opérations complexes. Du LBO large-cap au growth equity en passant par le distressed M&A, les Spac et les opérations P2P, les équipes interviennent sur l’ensemble du spectre transactionnel. Nathalie Nègre-Eveillard et Saam Golshani, associés, apportent leur éclairage sur les grandes tendances du marché.

Décideurs. Le contrôle des investissements étrangers en France (IEF) s’est intensifié depuis le début de la crise sanitaire. Pouvez-vous nous détailler la pratique de premier plan que vous avez développée en la matière au sein du bureau français ? 

Nathalie Nègre-Eveillard. Le champ de contrôle des IEF s’étend progressivement depuis environ cinq ans avec la volonté d’englober les secteurs d’avenir tels que la santé, les biotechnologies ou encore l’exploitation des données. La particularité en France tient, notamment, à l’absence de seuil de matérialité. Ainsi, une petite société pépite opérant dans ces secteurs sensibles peut parfaitement se retrouver dans le champ de surveillance. Par ailleurs, au-delà de l’élargissement du champ, le seuil de contrôle a été abaissé depuis la crise sanitaire. Une mesure qui a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2021. Ainsi, en 2020 en France, 275 opérations ont fait l’objet d’un examen au titre de la réglementation relative au contrôle des IEF, un record en Europe. 

Depuis plusieurs années, nous avons développé, au sein du bureau parisien, une expertise unique en matière de contrôle des IEF, animée notamment au niveau européen par Orion Berg. Nous traitons ces problématiques comme faisant partie du screening réglementaire d’une opération. Sur cette thématique sensible, nous accompagnons également nos clients de manière globale grâce à des antennes dans chaque pays qui déploient un tel dispositif de contrôle. Pour aller encore plus loin et dans un objectif d’anticipation, notre veille s’étend aussi aux pays qui ne l’ont pas encore mis en place mais pour qui le sujet est à l’étude. Ainsi, nous pouvons coordonner les éventuels ­filing multiples sur un même dossier.

"Depuis plusieurs années, nous avons développé, au sein du bureau français, une véritable expertise en matière de contrôle des IEF" N. Nègre-Eveillard

Le phénomène des Spac (Special ­Purpose Acquisition Companies) prend une ampleur de plus en plus importante en ­Europe et plus particulièrement en France. Quel regard portez-vous sur ce véhicule d’investissement ?

Saam Golshani. Le cabinet détient une expertise historique aux États-Unis en la matière, en France, nous sommes intervenus sur les deux premiers Spac – Mediawan et 2MX Organic – et notre bureau de Londres accompagne de nombreuses structurations à Amsterdam dont notamment Pegasus le dernier véhicule de Tikehau Capital, Financière Agache et Jean-Pierre Mustier. À Paris, nous travaillons actuellement sur deux nouveaux véhicules qui devraient se coter dans les prochains mois. Nous œuvrons afin que la France devienne une place importante pour ces véhicules qui se situent à l’embranchement entre le private equity et les marchés de capitaux, deux grandes expertises de notre bureau parisien. Et ce, d’autant plus que certains Spac ont pour sponsors des gérants d’actifs alternatifs. 

Ce marché va voir fleurir de plus en plus d’opérations de ce type dans les prochains mois. Bien sûr, cette dynamique reste sans commune mesure avec celle observée aux États-Unis où 248 Spac ont levé 83 milliards de dollars à Wall Street en 2020. Ce véhicule d’investissement a une vraie place à prendre dans un contexte où les introductions en Bourse se font de plus en plus difficilement et subissent les aléas du marché. En outre, il ne faut pas négliger le fait qu’ils vont permettre de rediriger les liquidités sur les marchés de capitaux européens.

Ma position a toujours été très prudente face au marché secondaire du LBO car j’estime qu’il n’est jamais très sain pour une société de multiplier les passages dans des structures avec des effets de levier. C’est un système qui peut être très autocentré car les fonds peuvent être tentés de se repasser le même actif au détriment d’une sortie qui pourrait être plus pérenne pour l’entreprise au regard de sa structure de capital ou de son ­endettement. La prise de risque est donc importante. Au-delà de l’acquisition par un corporate, l’introduction en Bourse via un Spac offre une réelle alternative de sortie, plus saine.

Ce modèle est vertueux et va permettre de renouer les fils du capital-investissement et de la Bourse. Un problème endémique en Europe qui explique la faiblesse de nos marchés de capitaux par rapport aux américains. Pour ce qui est des investisseurs, dans un monde où les taux sont négatifs, il est délicat de trouver une manière d’allouer son argent correctement. Les Spac représentent une alternative non négligeable. Les régulateurs devraient tout faire pour favoriser et inciter ce véhicule novateur en le facilitant et en le rendant plus lisible. 

"Les opérations complexes et restructurations financières, parfois avec un aspect boursier, se multiplient" S. Golshani 

Quelles sont les grandes tendances en matière de co-investissement aujourd’hui ?

N. N.-E. En matière de co-investissement, plusieurs tendances se dégagent actuellement. Tout d’abord, de plus en plus de vendeurs sont désireux de conserver une participation au sein d’un actif de bonne qualité. Ainsi, la flexibilité que peut offrir un sponsor majoritaire sur une option de réinvestissement du vendeur est de plus en plus regardée lors d’une cession. Ce réinvestissement peut se faire soit par le fonds en place soit, dans un certain nombre de cas, par un fonds successeur, ce qui permet alors une rotation de l’actif. Les problématiques juridiques que nous surveillons dans ces situations sont notamment les sujets de gouvernance avec des négociations de pacte multipartites mais aussi l’analyse des implications fiscales afin que ce réinvestissement ne soit pas qualifié de contrôle conjoint et pour ne pas se trouver face à des problématiques de type Charasse.

Par ailleurs, les GPs proposent de plus en plus aux LPs des tickets d’investissement ­directs dans les opérations. Le fait d’avoir des LPs prêts à venir en soutien de financement et donc en mesure de faire croître le ticket equity mobilisable, est aussi un avantage important dans les deals. C’est un renfort significatif qui permet aux fonds d’obtenir des capitaux additionnels et de sécuriser rapidement l’investissement tout en fidélisant les LPs.

Pensez-vous que dans les prochains mois les opérations de distressed M&A vont se développer ?

S. G. L’année a été très riche mais assez peu sur le distressed M&A comme on aurait pourtant pu s’y attendre. La combinaison de nos expertises en M&A et Restructuring nous positionne naturellement sur ce type de transactions mais je ne crois pas à une avalanche de dossiers en la matière, les mesures gouvernementales efficacement mises en place offrant un sursis aux entreprises. La tendance actuelle est plus orientée sur la consolidation, comme nous avons pu le voir entre Conforama et But ou encore entre Fraikin et Via Location mais aussi sur les ­asset deals, dont les récents carve-out d’Engie, Thales ou Worldline. 

Les opérations complexes et restructurations financières, parfois avec un aspect boursier, se multiplient. Nous accompagnons également actuellement des fonds d’investissement sur des transactions de P2P, qui nécessitent des compétences en Public M&A dont sont pourvues nos équipes. Nous avons aussi beaucoup travaillé sur des sujets d’activisme notamment dans les dossiers ­Lagardère ou Suez-Veolia, souvent aux côtés de fonds alternatifs capables de faire à la fois du ­private equity, de la dette ou de ­l’activisme. Ces fonds forment une clientèle particulièrement intéressante et très représentative du monde de demain. 

Propos recueillis par Béatrice Constans

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