Yan Liu (Xiaomi) : "Nous voulons démocratiser l'innovation"
Décideurs. La 5G est le sujet phare de l’innovation en matière de télécommunications. Qu’est-ce que cela change et quels sont les enjeux auxquels fait face Xiaomi dans ce domaine ?
Yan Liu. La 5G est une innovation qui booste la créativité des marques et permet de faire travailler tout un environnement, notamment les chercheurs, les fabricants, et les développeurs. Nous avons la chance d’évoluer dans l’écosystème de la téléphonie, car il se transforme encore et contribue à renouveler la technologie. Le passage de la 4G à la 5G est un changement radical. La 5G a un temps de réaction largement inférieur qui se ressent dans l'utilisation quotidienne rendue plus rapide et plus fluide. Les connexions interactives en sont également améliorées. Près de vingt mille objets pourront être connectés simultanément sur une seule antenne, ce qui facilitera les échanges lors de rassemblements sportifs ou la communication en centre-ville notamment.
Contrairement à d’autres fabricants de téléphonie, Xiaomi ne participe pas au déploiement du réseau 5G des opérateurs télécoms, car cela ne figure pas dans l’ADN initial de notre marque. En revanche, nous nous concentrons sur le grand public pour qui le lancement de la 5G est l’occasion de rendre la technologie dernier cri accessible à tous. C’est là tout l’enjeu et notre volonté : démocratiser l’innovation.
Le premier smartphone 5G à moins de 250 euros a été commercialisé par Xiaomi au début du mois. Comment la marque peut-elle garantir une innovation à si petit prix ?
C’est ça le secret de Xiaomi ! Pour rendre l’innovation accessible à tous, nous avons fait le choix d’une marge constructeur de 5%. Nous préférons également fixer un prix à chaque lancement, plutôt que de lancer une promotion qui pourrait créer la confusion auprès du consommateur sur la valeur du produit. Le Redmi Note 9T est le parfait exemple de l’innovation par Xiaomi, car c’est un smartphone compatible avec la 5G vendu en dessous du seuil des 250 euros. Il possède aussi quatre antennes pour assurer les performances de détection de signal, qu’on le tienne à l’horizontale ou à la verticale. De plus, notre marque est l’une des seules à proposer la double SIM en 5G. Ce qui n’est pas le cas du haut de gamme de Samsung.
"Pour rendre l’innovation accessible à tous, nous avons fait le choix d’une marge constructeur de 5%"
En outre, se placer toujours du côté de l’utilisateur demande de faire des choix, notamment celui des coupes budgétaires sur le marketing. La firme dispose ainsi d’un budget communication en France beaucoup moins important...
Il y a quelques années, Xiaomi était fière de se présenter comme une marque qui fonctionnait uniquement grâce au bouche à oreille. Désormais, on peut voir des publicités Xiaomi un peu partout : sur les réseaux sociaux, à la télévision, sur les panneaux publicitaires, etc. Pourquoi ce changement de stratégie ?
Il n’y a pas de changement de stratégie, c’est une question de volume et de moyens. En 2019, nous comptions entre 300 000 et 500 000 utilisateurs Xiaomi en France, contre près de 3,8 millions aujourd’hui. Leur nombre a grimpé en flèche ce qui explique que nous communiquons davantage. Si notre budget communication reste moins important que celui de nos concurrents, nous avons évolué dans notre manière de communiquer. Nous ne nous limitons plus uniquement aux réseaux sociaux comme c’était le cas il y a encore quelque temps, car nous en avons désormais les moyens.
Il a aussi fallu adapter la marque au marché local. La population française n’est pas aussi jeune et connectée qu’en Chine. Ici, les canaux de communication traditionnels comme la télévision fonctionnent mieux sur la tranche d’âge 35-45 ans. Un récent sondage mené par Xiaomi démontre que 70% des Français nous identifient. L’objectif n’est donc plus de se faire connaître, mais de devenir une marque de préférence. Actuellement, elle est la marque de téléphonie favorite de 14 français sur 100. C’est un chiffre que nous essayerons d’accroître, sans pour autant transformer ni la stratégie ni l’ADN.
"La qualité permet d’éviter les réparations ou les changements de composants et contribue déjà à la protection de l’environnement."
Xiaomi promet de l’innovation pour tous à petit prix. À l’heure où l’on entend beaucoup parler des politiques RSE, de l’impact sur l’environnement des nouvelles technologies et des déchets qui en découlent, comment se situe Xiaomi et qu’en est-il de l’espérance de vie des ses produits ?
Cela fait maintenant deux ans et demi que Xiaomi est installé en France. Nous avons donc un recul suffisant pour évaluer le taux de retour et de panne de nos produits. Je peux vous dire qu’ils sont parmi les plus faibles du marché ! La qualité permet d’éviter les réparations et les changements de composants, elle contribue déjà à la protection de l’environnement. Nous organisons également des actions locales avec des bonus de reprise. Au lieu de reprendre les anciens téléphones pour 1 euro, nous proposons de les recycler afin qu’ils soient centralisés, réparés puis reconditionnés à la vente. Nous multiplions ces actions auprès des distributeurs et travaillons en partenariat avec Orange dans le cadre d’une démarche verte et RSE.
"Au lieu de reprendre les anciens téléphones pour 1 euro, nous proposons de les recycler afin qu’ils soient centralisés"
Quant à l’emballage plastique, qui pollue énormément, nous nous efforçons de le réduire. Xiaomi fournit systématiquement une coque avec chaque téléphone, pour éviter à l’utilisateur d’en acheter une emballée sous PET. Enfin, pour pousser les politiques RSE plus loin, il faudrait que les normes françaises évoluent. En Chine et en Inde, la marque vend déjà les téléphones seuls, sans chargeurs ni écouteurs. Cela se vend même mieux à l’unité qu’avec la boîte complète ! En France, cela n’est pas autorisé. Pour chaque téléphone vendu, la réglementation exige de fournir tous les câbles. Or, beaucoup de consommateurs ont déjà tout cela chez eux, ce qui fait doublon, voire plus.
Outre la téléphonie mobile, Xiaomi est très bien positionné sur le marché des petits objets connectés. Qu'en est-il de la gamme concernant la maison que la marque souhaitait développer ?
Presque toutes les pièces de la maison disposent d’objets connectés Xiaomi dédiés. De la caméra de surveillance, à l’aspirateur ou encore la télévision, tout est contrôlable depuis l’application Mi Home. Chez moi, déjà vingt-sept ampoules et dix-huit objets sont connectés sur un seul téléphone. Mais actuellement, il n’est encore pas simple d’équiper une maison en smart home. Même si Xiaomi propose déjà une large gamme, les Français sont globalement encore assez réticents à l’idée de mettre de la technologie connectée partout chez eux. La 5G démocratisera cela, car elle permet d'optimiser ces objets sur un seul réseau.
Propos recueillis par Laura Breut