F. Lemery (Legrand) : "La performance RSE du groupe aide la performance financière"
Décideurs. En tant que directeur financier, quel rôle jouez-vous en matière de responsabilité sociétale et environnementale (RSE) ?
Franck Lemery. Le rôle du directeur financier est multiple. Tout d’abord, il doit faire preuve de conviction et d’exemplarité pour que le groupe honore ses engagements RSE. Renoncer en 2020 au report de certaines charges fiscales que les États proposaient dans le contexte Covid exprime notre conviction citoyenne. Ensuite, la direction financière met les process de performance financière au service de la RSE. Deux exemples : une fois par trimestre, toute filiale rend compte au groupe de ses résultats financiers comme extra-financiers au cours du même rendez-vous et le calcul de rentabilité des programmes de nouveaux produits prend en compte un coût du carbone. La direction financière porte également certains objectifs RSE comme l’éthique des affaires. Enfin, comme tous les managers du groupe, j’agis directement sur différents leviers comme la consommation énergétique ou la diversité. En la matière, la direction financière représente un bon exemple de nos ambitions avec 50 % de femmes parmi les postes de management.
La crise sanitaire a-t-elle accéléré ou freiné l’intégration des enjeux RSE dans les organisations ?
La période conduit à confirmer et affirmer nos engagements RSE. La crise de la Covid-19 n’est pas seulement économique, elle a un enjeu humain. Dès les premiers jours, nous avons pris des décisions à caractère solidaire, par exemple en adaptant une usine pour fabriquer des masques aux États-Unis, en dotant un fonds en faveur des Ehpad en France, ou encore en distribuant des repas en Inde. La rémunération des dirigeants a été ajustée à la baisse et l’instruction de respecter toutes les échéances de paiements partout dans le monde a été donnée. Au cœur de la crise sanitaire qui se traduisait par une forte baisse de notre chiffre d’affaires, nous avons publié de nouvelles ambitions en termes de neutralité carbone, avec des premières échéances dès 2022. C’est aussi dans les moments de crise qu’il faut se rappeler que l’un des enjeux est le long terme.
"La crise sanitaire conduit à confirmer et affirmer nos engagements RSE"
Comment allier croissance et exigences environnementales ?
L’activité de Legrand participe à verdir la planète, avec une offre qui contribue à économiser l’énergie. Aujourd’hui, 40 % de l’énergie mondiale est consommée dans le bâtiment et Legrand agit dans l’amélioration des espaces de vie. Les enjeux RSE tirent ainsi la croissance du groupe. Par ailleurs, la croissance externe constitue l’un de nos deux piliers de développement et chaque fois qu’une société est acquise par Legrand, elle intègre le programme environnemental du groupe et devient donc plus vertueuse.
Les indicateurs extra-financiers pèsent-ils sur les résultats financiers ?
La notion de performance intégrée est historique chez Legrand. L’engagement RSE s’est structuré il y a plus de quinze ans. Depuis, le groupe a plus que doublé de taille et sa marge opérationnelle est passée d’une moyenne inférieure à 15 % à environ 20 %. Cette amélioration ne peut être imputée à la RSE mais cela prouve que performances financière et extra-financière sont compatibles. On ne peut pas performer sur un périmètre d’indicateurs limités. Difficile d’établir une corrélation mathématique entre résultats financiers et extra-financiers, mais dans un groupe avec un tel sens de la performance comme Legrand, la performance RSE aide la performance financière. Elle permet de déployer beaucoup de bonnes pratiques et elle est également, avec la promotion de la diversité et de l’inclusion par exemple, source de motivation des équipes et d’attraction de talents.
Propos recueillis par Anne-Gabrielle Mangeret