Réflexion sur le monde d'après
Les temps changent vite mais pas au point d’oublier le post-confinement où nous, entrepreneurs encore sous le choc, dûmes subir stoïquement les leçons "d’experts" de tout et surtout de rien, sur des enseignements économiques qu’il faudrait tirer d’une crise sanitaire.
C’est à longueur de plateaux que nous avons eu droit à des cours de management, de nos propres entreprises, où se mélangeaient les concepts à la mode du moment : digitalisation à tout-va, recours massif au salvateur télétravail, start-up attitude. L’été 2020 oscillait entre rouge et vert, utopisme et étatisme pendant que nos entreprises prenaient l’eau de toutes parts pour une dramatique raison, qui n’avait absolument rien à voir avec notre management, et dont les premières victimes étaient, à notre plus grand malheur, nos salariés.
La croissance n’est pas l’ennemie de la planète
L’automne avec la saison 2 de la Covid-19 et son reconfinement a sifflé le retour aux réalités avec, enfin, une prise de conscience généralisée des conséquences d’une crise qui pourrait faire disparaître des centaines de milliers d’entreprises, et modifier durablement notre façon de vivre et de travailler. Un contexte explosif que les entrepreneurs pourraient peut-être aider à désamorcer si on voulait bien leur reconnaître une certaine légitimité à participer aux réflexions sur un "monde d’après" vivable et viable avant d’être moderne.
Non, la croissance n’est pas l’ennemi de la planète. Elle est, au contraire, la seule voie pour ne pas opposer pouvoir d’achat et écologie. Si des dizaines de milliers d’entreprises disparaissent dans les mois à venir, cela génèrera un chaos qui rendra impossible toute transition écologique durable et finançable. La mère des priorités économiques, dans les mois à venir, est de redémarrer le moteur de la croissance, pas de faire le "tri sélectif" des entreprises qui devraient ou ne devraient pas être soutenues.
Si des dizaines de milliers d'entreprises disparaissent tous les mois, le chaos sera tel qu'il rendra impossible tout effort de transition écologique
Le télétravail et digitalisation, solutions miracles. Oui, mais…
Non le tout télétravail, star du confinement saison 1, n’est pas la solution miracle pour avoir des salariés heureux et productifs. Il sera au contraire très vite nuisible, non seulement aux employés, aux employeurs, mais également à toute la collectivité. Le tout télétravail est destructeur de lien social, il appauvrit et assèche les rapports professionnels, il déstabilise le droit du travail, il est une promotion monstrueuse pour l’univers toxique des Gafa, il est socialement injuste, il tue les centres-villes et leurs commerces. Mais espoir, la liste de ceux qui commencent déjà (ou enfin) à se poser des questions sur le "mirage" du tout télétravail s’allonge jour après jour.
Non, la digitalisation forcée et accélérée n’est pas la solution à tout ; c’est une arme à double tranchant potentiellement destructrice, elle aussi, de lien social. Le libraire du coin de la rue existe encore (difficilement) car il a su fidéliser une clientèle en la rencontrant et la conseillant ; c’est son seul atout contre Amazon. Là où les Gafa offrent de l’inhumanité performante, les petites et moyennes entreprises se démarqueront en offrant plus d’humanité professionnelle, bienveillante et pertinente. Le digital doit être un outil, parmi d’autres, au service d’une meilleure offre ou performance, pas le suppôt d’un changement civilisationnel !
Non, il n’y a pas des entreprises essentielles (autre star de la saison 1) et donc d’autres qui ne le seraient pas. Certaines sont vitales pour le pays mais toutes les entreprises sont essentielles à partir du moment où elles remplissent leurs Missions, à commencer par embaucher, rémunérer correctement et former leurs salariés, satisfaire leurs clients tout en s’acquittant des charges et impôts qui financent notre modèle social. Missions que ne remplissent pas (ou très peu) les Gafa qui sont donc eux non essentiels CQFD.
État : volontaire mais peut mieux faire
Non, la France ne peut pas juste fonctionner avec des multinationales et des start-up. Elle a viscéralement aussi besoin de TPE, de PME, de PMI, de commerçants, d’artisans, d’indépendants qui sont autant essentiels à l’emploi qu’à la transmission du "savoir", à la diversité de notre économie ou à la cohésion sociale de notre pays. Les Français ne s’y trompent pas en plébiscitant ces entreprises dans les sondages (77% de confiance dans les PME).
Et non, dans les faits, l’État n’aide pas encore assez les entreprises à traverser la crise. Le président de la République et son gouvernement pensent (et veulent) faire beaucoup mais chacune de leurs annonces est déformée, ralentie, vidée de sens par la bureaucratie. Ces distorsions, entre une volonté et son résultat, sont préjudiciable à la parole du Président, empêchent les entrepreneurs de se projeter et nuisent à l’espoir d’un "retour sur investissement" pour l’État.
Le président de la République doit aller jusqu’au bout de son choix politique du "quoiqu’il en coûte" en soutenant toutes les entreprises, solides et saines avant la crise, à la hauteur de leurs pertes d’exploitation et des spécificités de leur activité. L’État doit amortir plus, mieux et vite le coût réel de la crise pour les entreprises, si il veut qu’elles rebondissent dès le "Jour d’Après la Covid-19" ; c’est la seule voie possible pour que les dépenses publiques se transforment en investissement.
A côté d’un plan de relance trop dirigiste, c’est surtout d’un "plan d’amortissement de la crise" à la hauteur de nos pertes abyssales et d’un "plan de bienveillance étatique" dont nous avons besoin Maintenant pour que Demain ressemble à Hier en mieux.
Lionel Roques, Groupe Franco American, Entrepreneur, Communicant, Producteur