P-M Relecom (Relecom & Partners) : "Quand on s'internationalise, il faut intégrer la différence culturelle"
Décideurs. Vous avez créé Relecom & Partners en 2007. Quels constats dressiez-vous à l’époque ?
Pierre-Marie Relecom. À ma sortie de Dauphine, j’ai beaucoup voyagé et j’étais déjà doté d’un historique familial dans les "émergents". J’ai regardé ce que proposait le marché comme points d’entrée dans des zones comme l’Amérique latine, l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie du Sud-Est. Entre chaque pays, même ceux qu’on qualifie de latins, il y a des fossés culturels. En France, on a tendance à être trop formel voire arrogant et à oublier de tisser des liens personnels. Je passe mon temps à faire accepter aux exécutifs des entreprises la manière d’aborder efficacement ces économies.
Quelle est-elle ?
Il faut se comporter avec humilité, identifier et être à l’écoute des décideurs clés, savoir perdre son temps avec eux. Il faut s’impliquer personnellement. C’est ce que j’appelle le réseau barbecue. Je suggère aux dirigeants d’interagir eux-mêmes avec leurs contreparties, de se dévoiler, passer du temps à table, partager des loisirs ou fumer une chicha pour nouer des liens forts. Les patrons doivent intégrer que le temps passé en amont en sera autant d’économisé pour finaliser une bonne affaire. Oui, il faut des années avant que son travail ne porte ses fruits dans un pays comme l’Inde, mais peut-on faire abstraction d’un marché de 1,3 milliard de personnes ? Idem pour l’Indonésie : 270 millions d’habitants et 1 500 milliards de dollars de besoins en infrastructures ?
"Il faut se comporter avec humilité, identifier et être à l’écoute des décideurs clés, savoir perdre son temps avec eux"
Quel est votre rôle ?
Il consiste à rendre effectives, et de la manière la plus rapide possible, les stratégies arrêtées avec nos clients et à les accompagner dans l’exécution. Nous identifions des entreprises susceptibles de les intéresser, à vendre ou non. Notre talent consistera alors à identifier leurs rêves et difficultés à atteindre ceux-ci, et de construire un projet commun, gagnant. Une fois ces questions levées, on peut contourner tout point de blocage. Sur 39 entreprises achetées pour nos clients, 37 n’étaient pas à vendre. Nous montons aussi des offres non sollicitées dans les utilities/infrastructures avec constitution de consortia, incluant la structuration de financements.
Vous avez également une activité "contentieux"…
Nous ne sommes pas des avocats. En revanche, nous avons la capacité à intégrer les points de vue dans la construction d’une solution gagnante-gagnante. On fait appel à nous pour des litiges qui durent depuis des années et qui ont déjà coûté des millions en honoraires. En quelques mois, nous pouvons débloquer la situation. N’oubliez pas que, selon les pays, la loi locale pour les locaux est différente de celle appliquée pour les étrangers…
À quels défis les entreprises qui s’internationalisent sont-elles confrontées ?
Ils sont culturels, financiers, concurrentiels et linguistiques. Cessons de penser que la France est encore le centre du monde. Ensuite, nos outils de financement ne sont pas compétitifs face à la concurrence des Exim asiatiques. Je mets à part Bpifrance dont je salue le travail remarquable. Nous nous devons d’être disruptifs et trouver de l’argent ailleurs : pour financer des projets en Afrique, on cherche en Afrique du Sud ou au Moyen-Orient ; sur l’Asie, on va se tourner vers Singapour. Ultra compétitives et rapides d’action, ces solutions s’avèrent indispensables pour des offres non sollicitées. La compliance est aussi un vrai sujet. L’un des défis consiste à annihiler les risques de corruption, en interagissant directement avec le décideur final, ce qui est encore une de nos marques de fabrique.
Propos recueillis Olivia Vignaud