M. Legardez : "Dans le transport et la logistique, tout est affaire de volume car les marges sont faibles"
Décideurs. Vous projetiez de réaliser une nouvelle levée de fonds en 2019 pour finalement accepter l’offre de sennder. Pourquoi avez-vous pris cette décision ?
Maxime Legardez. À l’été 2019, deux options se présentaient. La première était de lever un nouveau tour de financement en série B. En parallèle, nous avons également pris le temps de rencontrer les acteurs de l’industrie. Ces deux pistes ont été étudiées avec nos investisseurs et, après plusieurs semaines de discussion avec le management de sennder, nous avons fait le pari de la fusion. Nous avons alors réalisé que cette opération entre le numéro un français et le numéro un allemand allait favoriser la création, de facto, d’un leader européen.
Une fois le projet abouti, cela nous a permis de rassurer les investisseurs. Si nous avions cherché individuellement à prendre une place de leader au niveau européen dans ce secteur, cela aurait pris beaucoup plus de temps et demandé des investissements encore plus importants. Cela faisait aussi sens pour nos clients, qui sont majoritairement de très grands groupes comme Casino, Henkel ou Unilever. Cette fusion leur offre un accompagnement européen plus performant. En outre, elle clarifie les choses pour nos partenaires transporteurs en leur assurant plus de fret et plus de données pour augmenter leur taux de remplissage. C’est une problématique clé dans cette industrie car un tiers des kilomètres parcourus par les camions le sont à vide. Notre mission est d’utiliser la data pour optimiser leurs trajets.
Quels ont été les effets de la crise sanitaire sur le déroulement de l’opération ?
Dans notre industrie, nous avons eu beaucoup de chance car nous avons été très peu touchés par la crise sanitaire. La grande majorité de nos clients sont de grands groupes du secteur de la grande distribution qui a été sur-sollicitée pendant cette période.
Pour ce qui est des négociations, bien sûr, celles-ci ont pris plus de temps. Réaliser une opération de fusion en pleine crise a entraîné des réticences. Dans un contexte de tensions économiques, la résistance de notre modèle s'est démontrée. Finalement, les négociations ont juste pris un peu plus de temps.
Hormis la création d’un leader européen, quels sont les objectifs de la fusion d'Everoad avec sennder ?
Dans le transport et la logistique, tout est affaire de volume car les marges sont faibles. Avec cette opération, nous couvrons tout le périmètre européen. Nous disposons désormais de bureaux en France, en Allemagne, en Espagne, en Lituanie, en Pologne, en Italie au travers d’un partenariat avec la poste italienne, et la récente acquisition d’Uber Freight Europe nous a permis d’ouvrir un septième bureau aux Pays-Bas.
Les objectifs sont également de favoriser la croissance du chiffre d’affaires et de mutualiser les talents.
"Dans un contexte de tensions économiques, la résistance de notre modèle s'est démontrée"
Vous avez créé Everoad il y a quatre ans, que signifie cette fusion pour vous, en tant qu’entrepreneur ?
Si je me retourne, quelques mois après la fusion maintenant, je peux dire qu’on n’aurait pas pu faire de meilleur choix, surtout après l’acquisition d’Uber Freight Europe. Aujourd’hui, je suis très content mais cela vient clore un premier chapitre de l’entreprise créée il y a quatre ans sous un toit du deuxième arrondissement de Paris. Tout entrepreneur a un petit pincement au cœur quand il passe par là.
Rejoindre sennder a forcément généré des changements, je suis ainsi devenu Managing Director France. Et il ne faut pas oublier que l’opération accélère la croissance. Elle va dans la même direction que celle fixée il y a quatre ans : fonder un leader européen.
Comment se passe votre intégration depuis la finalisation de l’opération ? N’est-elle pas plus difficile en ce moment ?
Bien évidemment, nous préférerions nous déplacer plus facilement entre l’Allemagne et la France et le contact humain reste essentiel, pour tout échange, et ce, encore plus dans le contexte d’une intégration. Cependant, nous avons la chance d’évoluer au sein de sociétés jeunes et agiles pour lesquelles passer du jour au lendemain sur Zoom n’a pas été un obstacle.
De plus, nous nous sommes entourés d’une équipe dédiée pour organiser et accompagner toutes les étapes de cette union.
Quelles sont les ambitions du nouvel ensemble pour 2021 ?
Avant tout, nous allons terminer la fusion et l’intégration d’Everoad et d’Uber Freight Europe afin d’offrir dès le début de l’année 2021, une équipe et un produit résilient. Notre chiffre d'affaires devrait progresser naturellement non seulement avec nos clients existants mais aussi grâce à de nouveaux.
Par ailleurs, nous allons continuer à investir dans la tech. Grâce à un produit solide et performant, nous serons ainsi encore plus pertinents et nous nous démarquerons de la concurrence.
Enfin, nous allons continuer à faire notre maximum pour être un acteur clé de la transformation de cette industrie et qu’elle devienne plus verte et moins polluante.
La crise va-t-elle accélérer le phénomène de consolidation du marché du fret routier ? Doit-on s’attendre à de nouvelles fusions-acquisitions dans le secteur en 2021 ?
Ce phénomène de consolidation va s’intensifier dans cette industrie, ce qui est d’ailleurs commun à tous les secteurs extrêmement morcelés. Aujourd’hui, il y a des milliers de petits acteurs. Les grands groupes, d’autant plus avec l’arrivée des nouvelles technologies, vont racheter les plus petits pour les rendre plus efficients.
Propos recueillis par Béatrice Constans