D. Bruno (ELEVA Capital) : "Une société n’est pas growth ou value toute sa vie"
Décideurs. La hausse des marchés financiers s’est accélérée depuis l’annonce de la découverte d’un vaccin contre la Covid-19. Malgré cela, voyez-vous encore un potentiel d’appréciation sur le segment des small & mid-caps ?
Diane Bruno. Oui. Si on regarde l’évolution de l’indice Stoxx Europe small 200, celui-ci a déjà gommé la crise du Covid-19. Un grand nombre de sociétés vont sortir renforcées de cette crise. L’horizon sanitaire et économique s’éclaircit. Ces entreprises profiteront progressivement d’un retour à la normale. À y regarder de plus près, les performances sont cependant très différentes selon les entreprises et le style de gestion, qui reflète par nature les secteurs d’activités. Il faut donc distinguer le style Growth du style Value. L’indice Stoxx Growth enregistre une légère remontée : + 2 % en novembre et + 3 % en depuis le début d’année. L’indice Stoxx Value a connu une progression de + 16 % en novembre mais demeure toujours en baisse depuis le début de l’année. Durant les dix premiers mois, les investisseurs se sont donc largement tournés vers les valeurs de croissance. L’annonce du vaccin a toutefois entraîné un rééquilibrage du marché.
La dépendance aux fondamentaux macroéconomiques est-elle plus importante pour les petites et moyennes valeurs que pour les plus grandes ?
On dit effectivement qu’elles sont davantage corrélées à l’environnement macroéconomique. Le pan le plus important de ce segment, l’industrie et le service, est lui-même très corrélé au cycle économique, ce qui confirme cette idée. De plus, les années de sous-performance coïncident avec celles sur lesquelles ont plané des interrogations sur le cycle économique, comme en 2008, en 2011 ou en 2018. Le constat n’est pas le même cette année même si les petites et moyennes valeurs ont sous-performé pendant la période de baisse (janvier à juin). Elles ont fortement surperformé lors de la phase de reprise (juin à décembre) et sont à mi-décembre en surperformance par rapport aux grandes valeurs.
"Les performances des petites et moyennes valeurs se tiennent bien vis-à-vis des grands indices"
Avec la reprise qui se dessine, pourriez-vous être amenés à réduire vos positions dans les secteurs de la santé, de la consommation et des technologies, aujourd’hui bien représentés dans vos portefeuilles ?
Si ELEVA Leaders Small et Mid Cap Europe est avant tout positionné sur des entreprises de croissance, nous sommes aussi pragmatiques. Une société n’est pas growth ou value toute sa vie. Nous sommes donc à la recherche de sociétés qui ont été impactées par cette crise Covid mais dont l’horizon commencent à s’éclaircir avec l’arrivée des vaccins. Cette période nous offre donc la possibilité de rééquilibrer nos positions sur les différents secteurs. La santé est, par exemple, passée de 16 % de notre portefeuille à la fin du mois d’octobre à 11 % début décembre. Nous avons réalloué une partie de nos investissements dans le secteur de l’industrie et des services. Celui-ci représente à fin octobre près de 22 %, contre 17 % quelques mois auparavant. Dans un monde marqué par la Covid-19, la croissance est rare et se paye donc très cher. Cela sera moins le cas en sortie de crise, tous secteurs confondus. La valorisation devient excessive dans un environnement économique où il est plus facile de retrouver le chemin de la croissance. Des opportunités se présenteront alors.
Comment cette rotation sectorielle s’est-elle traduite dans vos portefeuilles ?
Nous avons par exemple cédé notre investissement dans Sartorius Stedim Biotech, un fournisseur d'équipements pharmaceutiques et de laboratoire. Certes, cette société est de grande qualité et a connu un rythme de croissance incroyable. Mais en 2021, elle vaut plus de 60 fois ses profits. En parallèle, nous avons fait le choix de nous renforcer sur des sociétés avec des managements de qualité qui bénéficieront d’une accélération de leur croissance avec une valorisation attractive. C’est notamment le cas du groupe de Blanchisserie industrielle Elis. Le cours de son action a rebondi de 32 % au mois de novembre et pourtant elle demeure toujours en baisse de 25 % sur l’année 2020.
Comment gérez-vous le risque de liquidité, plus important pour les small et mid-caps ?
Notre fonds ELEVA Leaders Small et Mid Cap Europe a une capitalisation médiane autour de 4 milliards d’euros (en ligne avec celle de son indice, le Stoxx Small 200). Les micro-caps n’entrent donc pas dans notre champ d’action, et les larges caps peuvent représenter jusqu’à 15 % de notre fonds. Nous ne regardons pas non plus les valeurs qui enregistrent moins d’un million d’euros d'échanges par jour. En parallèle, nous nous imposons notamment de pouvoir être en mesure de vendre potentiellement 50% du fonds en l’espace de cinq jours. Nos équipes chargées du contrôle des risques nous alertent également dès qu’on s’approche des ratios clés fixés.