À l’ère du numérique, les réseaux sociaux font désormais partie de notre quotidien. Que vous en fassiez un usage intensif ou pas, l’un d’eux se distingue des autres. La plateforme française Yubo créée en 2015, qui connaît une croissance incroyable outre-Atlantique, vient de réaliser une nouvelle levée de fonds, de 40,2 millions d’euros. Marc-Antoine Durand, son COO détaille ses objectifs et ses ambitions.

Décideurs. Ces derniers mois, la croissance de Yubo a explosé. En moins d’un an, vous réalisez deux tours de table, d’abord de 11,2 millions d’euros puis de 40,2 millions. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre plateforme ? Quel est le but de ces deux opérations ?

Marc-Antoine Durand. La génération Z est très connectée sur la plupart des réseaux sociaux et passe beaucoup de temps en ligne. Malgré tout, elle se heurte à des difficultés pour réellement sociabiliser et lier connaissance avec de nouvelles personnes virtuellement. Pour cette raison, nous avons créé Yubo, une plateforme sociale qui répond à cette aspiration et qui reproduit, d’une certaine manière, une façon authentique pour les jeunes de se rencontrer à travers la vidéo, le chat et l’audio, avec le pouvoir de la technologie.

Il y a un an environ, après avoir levé un peu plus de 11 millions d’euros, nous avons commencé à nous installer réellement aux États-Unis. Puis, notre croissance a explosé, notamment aux USA, en Angleterre, en Australie et au Canada. Les 100 000 lives vidéos quotidiens ont été dépassés. Pour les streamers, aux États-Unis, le temps passé sur les lives par jour a augmenté de 350 % en un an. Face à ces résultats, nos investisseurs ont proposé d’accélérer notre croissance. Pour la financer et prendre des parts de marché plus rapidement, nous avons levé 40 millions d’euros de plus. Car il faut vraiment avoir les reins solides pour s’établir durablement sur de tels marchés et, du coup, se donner les moyens financiers de ses ambitions.

L’application fonctionne sans publicité avec un business plan différent des autres réseaux. En quoi consiste-t-il ?

Effectivement, notre modèle économique se révèle très différent. Nos clients se connectent sur Yubo pour discuter, interagir et rencontrer de nouvelles personnes. Alors que sur d’autres réseaux, à l’instar du modèle économique de Facebook qui repose sur la diffusion de publicités, les utilisateurs consomment du contenu. Sur notre plateforme, il n’y a aucune publicité et nul besoin de payer pour utiliser l’application. Toutefois, si les usagers souhaitent bénéficier de plus de fonctionnalités, ou profiter de certaines options lors des lives, celles-ci sont payantes. Il leur suffit alors de souscrire à un abonnement. Dans ce cas, nous misons sur un modèle premium, qui va se rapprocher du gaming, par exemple comme Fortnite [un jeu en ligne, Ndlr]. Ainsi, notre modèle économique repose sur des achats au sein de l’application et des abonnements hebdomadaires ou mensuel.

Alors que Yubo a été créé par des Français, comment expliquez-vous qu’elle soit plus utilisée sur les marchés anglophones ?

Nous sommes présents dans ces pays pour plusieurs raisons. D’abord du fait de la différence culturelle, des habitudes de consommation, comme en témoigne le marché des transactions sur mobile aux États-Unis, qui connaît une certaine maturité. L’autre explication est économique. Les jeunes sont plus indépendants financièrement. Ils disposent de cartes de crédit plus tôt qu’en France. Ensuite, le phénomène est surtout lié à la densité. Si notre concept se développe sur le continent nord-américain, c’est aussi grâce à la présence d’un plus grand nombre d’utilisateurs. La concentration influe sur nos revenus car plus les usagers sont en ligne en même temps, plus il y a d’interactions en temps réel pour en générer. Le marché français à terme sera sans doute le nôtre mais aujourd’hui il reste encore trop petit.

Quels défis ce type de réseau social doit-il relever ?

Notre premier challenge est celui de la sécurité. Cela fait partie de notre mission et des valeurs que nous défendons. Beaucoup de choses sont à réaliser dans ce domaine. Au-delà, côté business, le défi consiste à croître. La levée de fonds permettra aussi de conquérir de nouveaux territoires comme l’Asie, où Yubo détient un véritable potentiel de développement. Et ensuite, de faire évoluer notre produit en recrutant les bonnes personnes dans tous les domaines pour qu’il puisse se développer en permanence et s’adapter aux besoins de notre communauté.

Vous avez commencé un partenariat en juin dernier, avec e-Enfance. En quoi consiste-t-il et réfléchissez-vous à en réaliser d’autres ?

La sécurité des utilisateurs constitue une mission évidente pour un réseau social. C’est une de nos responsabilités. C’est pourquoi nous avons développé des technologies et des algorithmes pour détecter les contenus inappropriés sur Yubo. Mais, nous essayons d’aller encore plus loin, de prévenir les dangers qui peuvent survenir dans notre application et d’éduquer notre public, les 13-25 ans, concernant son utilisation, d’où le partenariat avec e-Enfance. Si un de ces jeunes rencontre des difficultés d’ordre psychologique, mal-être, état dépressif ou autre, nous pouvons le mettre en contact direct sur notre plateforme avec cette association. Il pourra parler avec un expert qui l’épaulera et l’accompagnera. Nous travaillons en ce moment avec différents organismes dans les pays anglo-saxons, pour réaliser le même type de partenariat qu’avec e-Enfance.

Propos recueillis par Agathe Giraud

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