Fondé en 1994, Paprec a connu une incroyable croissance au point d’être devenu le numéro 3 français de la gestion des déchets, réalisant un chiffre d’affaires de plus de 1,5 milliard d’euros. Une réussite qui s’explique par la combinaison de deux mantras chers à Jean-Luc Petithuguenin, son président : la protection de la planète et l’engagement social.

Décideurs. À première vue, le recyclage des déchets ne paraît pas être l’activité la plus touchée par la crise sanitaire et économique. Comment cette année s’est-elle déroulée pour votre groupe ?  

Jean-Luc Petithuguenin. L’activité a bien été touchée par la crise avec un volume de déchets industriels collectés en baisse de 50 % lors du premier confinement. Cependant, nous allons tout de même présenter un résultat opérationnel en hausse. Conscientes de leurs responsabilités économiques et sanitaires, nos équipes ont été particulièrement rapides et mobilisées auprès de nos clients. Nous n’avons fermé aucun site, aucune usine. Nous savons, nous, le rôle indispensable que jouent nos matières premières issues du recyclage pour l’emballage de l’industrie agroalimentaire et pharmaceutique. Sans papiers, cartons, plastiques pour emballer nourriture et médicaments, la vie de la Nation s’arrête, tout simplement. Le gouvernement ne s’y est pas trompé qui a classé nos activités comme indispensables. Pour moi, les crises révèlent les ADN des groupes : nous avons confirmé dans cette période notre rapidité, notre motivation, comme en 2008, et c’est cela qui nous a permis des résultats 2020 en progression malgré la situation sanitaire.

"Sans papiers ni plastiques pour emballer nourriture et médicaments, la vie de la Nation s’arrête"

Que pensez-vous, en tant que dirigeant, des mesures d’aide mises en place par l’exécutif ? 

Je suis très impressionné par tout ce qui a été mis en place par l’exécutif. J’étais en lien assez proche avec les membres du gouvernement au début de la crise et qu’il s’agisse d’aides économiques ou de suivi de la sécurité et de la santé des salariés, ils ont été au rendez-vous. Et ils ont agi avec une rapidité peu commune.

Paprec connaît une croissance très soutenue depuis des années. Comment la financez-vous ? Un nouveau recours à de la dette obligataire verte est-il envisagé ? 

Notre croissance est en effet importante, par acquisitions – nous avons racheté 60 entreprises en 25 ans – mais aussi par croissance organique. En 2019, nous avons inauguré une usine de tri très moderne – qui a représenté 25 millions d’euros d’investissements –, pour la collecte sélective mais aussi ouvert une série d’agences, comme à Orléans ou Amiens pour être au plus près de nos clients industriels. Fin 2020, nous avons inauguré deux nouvelles usines de tri pour les collectivités. Nos partenaires financiers nous soutiennent vraiment et, en effet, nous avons été la première entreprise de taille moyenne à recourir aux green bonds en 2015. Nous y avons eu aussi recours en 2018. Cela nous permet de continuer à investir dans l’outil industriel et regarder les acquisitions intéressantes.

"Quoi qu’il arrive entre Veolia et Suez, le mouvement de concentration continue de s’accélérer dans ce métier"

Quels axes de développement privilégiez-vous pour les prochains mois ? Quelles opportunités l’hypothétique fusion entre Veolia et Suez vous apporterait-elle ? 

Nous regardons toujours les dossiers qui peuvent permettre d’étendre notre offre, géographiquement ou techniquement, et de servir au mieux nos clients. Quoi qu’il arrive entre Veolia et Suez, le mouvement de concentration continue de s’accélérer dans ce métier qui est très capitalistique. Il y a vingt-cinq ans, pour démarrer, il suffisait d’investir dans quelques camions. Désormais, c’est 25 millions d’euros qu’il faut avoir pour sa première usine ! Contrairement à ce que beaucoup pensent encore, l’univers du traitement des déchets est une industrie de haute technologie, qui demande des emplois qualifiés et des investissements considérables. 92% de nos salariés occupent ainsi des emplois qualifiés. Et même avec de nouvelles acquisitions, nous recrutons près de mille personnes par an.  

"On m’a prédit à mes débuts que mes bonnes intentions feraient couler mon entreprise"

Vous êtes l’un des rares dirigeants à préconiser ouvertement un management bienveillant. Comment expliquer cette situation ?  

Oui, j’ai créé mon entreprise sur deux visions. La première : il faut sauvegarder la planète et ses ressources. En cela, les déchets sont les matières premières du XXIe siècle. La deuxième : la bienveillance et le respect de la diversité peuvent et doivent être les moteurs de la société. Mon crédo se résume ainsi : pour une planète plus verte et une société plus fraternelle. On m’a prédit à mes débuts que mes bonnes intentions feraient couler mon entreprise. Cela n’a pas été le cas, bien au contraire. Ces derniers mois montrent bien l’importance du besoin de fraternité – en particulier pendant cette période de Covid - et je pense, moi, que sur cette intuition aussi, je serai suivi à l’avenir.

Propos recueillis par Sybille Vié

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