Acteur de place du capital-investissement et de la gestion d’actifs, Nextstage AM fait partie des premières sociétés à avoir obtenu le label relance. Son directeur général, Jean-David Haas, revient sur les objectifs poursuivis par cette certification sans cacher une certaine déception quant au degré d’exigence du label.

Décideurs. Votre FPCI (fonds professionnel de capital investissement) NextStage Championnes III fait partie des dix premiers fonds labellisés Relance. Qu’est-ce qui vous a poussé à sauter le pas ?

Jean-David Haas. Il est évident que la création de ce label intervient à un bon moment. Quand on lève un fonds, il faut qu’il y ait une utilité à l’investissement. Or, les PME et ETI ont des besoins énormes de capitaux. C’est le cas des entreprises intervenant dans des secteurs sinistrés par la crise – tourisme, aéronautique, distribution, etc. – qui, pour les plus agiles, vont devoir consolider leur position. Mais le raisonnement est également valable pour des groupes à qui la crise a plutôt profité et qui voudront accélérer leur développement. Le label est une véritable occasion de démocratiser l’accès aux fonds d’investissement. Aujourd’hui encore, les réticences à investir dans les PME sont vivaces aussi bien auprès des institutionnels que des particuliers qui sont difficiles à convaincre par méconnaissance et habitude. Forcément, quand l’immobilier est un actif qui rapporte depuis 40 ans, que les fonds euros sont garantis par les assureurs et que les produits structurés sont quasiment garantis par les banques, les investisseurs ont logiquement développé une aversion au risque. Les rassurer quant au capital-investissement, par essence non garanti, est impératif et le label relance pourrait y contribuer.

"Le système actuel qui revient quasiment à de l’auto-labellisation pourrait être perçu comme pas assez rigoureux et de facto se discréditer"

Qu’attendez-vous de cette certification ?

Les objectifs poursuivis lors de l’obtention du label sont multiples. Il s’agit tout d’abord d’un outil de communication. Alors que la période que nous connaissons est anxiogène et propice au repliement sur soi, le label permet de rassurer et de mobiliser les bonnes volontés désireuses d’irriguer notre économie qui en a bien besoin. Ensuite, cette certification permet, pour les petits investissements – dont on ne connaît pas précisément le montant pour l’instant – de bénéficier d’une garantie en cas de faillite de la société dans laquelle les fonds auront été investis. Pour l’instant, les modalités et conditions de ce mécanisme ne sont pas encore connues. Nous attendons des orientations fortes pour renforcer la lisibilité. Enfin, le label impose une implication en matière ESG et un reporting dédié. Cet impératif est l’occasion de communiquer auprès des investisseurs et des entrepreneurs et de leur redire à quel point les fonds d’investissement stimulent la croissance, l’emploi, l’innovation, la créativité mais aussi les comportements vertueux.

Le label suffira-t-il à flécher les investissements vers les PME et ETI ? Que lui manque-t-il pour atteindre cet objectif ?

Je ne suis pas persuadé que cela suffise. Ce qui est certain c’est que le gouvernement prend la mesure de l’ampleur de la crise économique qui se profile. J’aurais préféré qu’il aille plus loin avec ce label. Les pistes pour ce faire sont nombreuses. Outre une forme de garantie qui devrait être plus claire et plus lisible, on pourrait imaginer la possibilité, en cas de contre-performance d’un fonds labellisé, d’un système de déduction fiscale de la perte subie. Une telle mesure de la part du gouvernement sonnerait comme un acte fort au soutien de l’activité des PME et ETI et plus généralement, de l’emploi. D’ailleurs, cela rapporterait bien plus à l’État que ça ne lui coûterait : les éventuelles premières pertes ne se constateraient pas avant une petite dizaine d’années, ce qui laisserait largement le temps à l’activité de reprendre.

"Aujourd'hui, il n’existe aucun avantage particulier à souscrire à un fonds labellisé relance"

Le cahier des charges, assez léger, pour l’obtention du label peut-il avoir un effet pervers et le décrédibiliser ?

Effectivement, le système actuel qui revient quasiment à de l’auto-labellisation pourrait être perçu comme pas assez rigoureux et de facto se discréditer. Cela pourrait donner l’impression que n’importe quel fonds peut se prévaloir de ce label. Nous avons la chance d’avoir une équipe fonds de fonds très professionnelle chez Bpifrance, leur confier l’étude et l’analyse des dossiers de demande de labellisation aurait été une excellente chose. Cela étant, nous étions dans une situation d’urgence et pour que ce label soit efficace et que les fonds affluent rapidement vers les PME et ETI, un processus de labellisation rapide était nécessaire. L’aspect positif est que pour l’instant, seuls des fonds réputés ont été certifiés relance, mais ce ne sera sans doute pas toujours le cas. En rendant le cahier des charges de ce label un peu plus sélectif, nous aurions d’autant plus rassuré les particuliers. Cela aurait également contribué à inciter les investisseurs institutionnels qui ont beaucoup de fonds à placer à voir le capital-investissement comme une classe d’actifs de référence. Mais nous n’en sommes qu’au début, et je ne doute pas que l’État sera vigilant.

Quelle perception vos investisseurs ont-ils de ce label ?

Les investisseurs institutionnels ont réservé un accueil enthousiaste à l’annonce de la labellisation de notre fonds NextStage Championnes III. Pour ce qui est des entrepreneurs, des particuliers et des réseaux de distribution, c’est encore un peu tôt pour le dire. Cela s’explique par le peu de recul que nous avons sur un label encore très récent mais aussi et surtout par le fait qu’aujourd’hui il n’existe aucun avantage particulier à souscrire à un fonds labellisé relance. La situation actuelle, aussi difficile soit-elle, et le label relance étaient une occasion en or de réconcilier les Français avec l’investissement dans les PME et les entrepreneurs. Pour y parvenir, il faut catalyser une mobilisation des investisseurs privés en leur accordant une forme de « garantie » que si un fonds labelisé relance terminait négatif, les souscripteurs puissent le déduire de leurs impôts.

Propos recueillis par Sybille Vié

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