S. de Frouville (Comgest) : "Sans surprise, les sociétés ne sont pas égales face au virus"
Décideurs. La crise sanitaire de 2020 a-t-elle bouleversé votre activité ?
Sébastien de Frouville. Nous avons dû nous adapter et nous avons découvert que notre métier est très ‘télé travaillable’, du moins à court terme. A ce jour et en ce qui concerne uniquement la collecte, l’année 2020 ressemble à l’année 2019 : nos actifs sous gestions sont désormais mieux répartis entre nos différents fonds. Nous avons également continué à renforcer certaines équipes notamment Europe et ESG.
Avez-vous procédé à des adaptations dans votre méthodologie d’investissement ?
La réponse courte est non ! La star chez Comgest, c’est la méthode, soit notre approche qualité / croissance. C’est le mandat qui nous est confié par les investisseurs et cette philosophie d’investissement ne doit pas et ne peut pas changer. Nous investissons dans une niche : les sociétés capables de croitre sur longue période. Une fois identifiées, nous les gardons en moyenne cinq ans en portefeuille, voire bien plus pour certaines. Si la croissance bénéficiaire est au rendez-vous, le passage du temps via les intérêts composés viennent généralement rogner des multiples de valorisation qui facialement peuvent apparaitre élevés.
"Dans l’ensemble, cette pandémie accélère les grandes tendances en cours "
Depuis quelques années, les valeurs de croissance ont réalisé des performances boursières exceptionnelles. N’y a-t-il pas un risque de bulle ?
C’est une hypothèse valable puisqu’il peut y avoir des bulles partout, y compris sur ce pan de la cote, mais nous ne pensons pas que ce soit encore le cas. Au cours des dix dernières années, le style croissance a certes bien fonctionné. Il y a plusieurs explications à cela, la principale à nos yeux est le rythme de croissance des bénéfices : certaines sociétés ont continué à connaitre un développement rentable à un moment où la croissance se raréfiait. En tenant compte de cet écart de croissance bénéficiaire, l’appréciation relative du style croissance est nettement plus mesurée, les taux très bas ayant inflaté tous les actifs.
La reprise en « K » est-elle la plus probable ?
L’approche qualité nous amène à investir dans des sociétés que nous jugeons moins sensibles aux facteurs externes, cela évite de se poser ces questions difficiles. Avant la pandémie, cette lettre résumait bien cette dichotomie entre les sociétés qui bénéficient de ‘méga trends’ et/ou gagnent des parts de marché et les autres qui font bien souvent du sur-place et qui éventuellement risquent la disruption. La pandémie a tendance à accélérer cet état de fait.
Quelle est votre politique en matière d’ISR ?
Lorsque vous conservez les titres en moyenne 5 ans et parfois bien davantage, l’analyse des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance est indispensable autrement la croissance ne peut pas être durable. La recherche ESG est davantage formalisée depuis une dizaine d’année. L’équipe compte quatre analystes ESG un cinquième est en cours de recrutement. Concrètement, nous excluons certains secteurs comme le tabac, nous intégrons ces critères dans notre modèle de valorisation à cinq ans. Enfin nous nous engageons en proposant à certaines sociétés des pistes d’améliorations. Sur ce dernier point, nous pouvons aller jusqu’à faire de l’activisme comme lors de l’AG 2019 d’Essilux ou nous avons proposé la nomination de deux administrateurs indépendants. Pour résumer, qualité rime avec long terme. Par conséquent qualité rime également avec ESG. Nos fonds Comgest Monde, Renaissance Europe et Magellan ont obtenu au début de l’année la label ESG LuxFlag.