J.B. Crucis (Birchbox) : "Certaines marques de luxe sont encore frileuses à l’idée de vendre leurs produits en ligne"
Décideurs. Birchbox France a été rachetée par ses fondateurs en début d’année. Racontez-nous.
Jean-Baptiste Crucis. L’idée de séparer Birchbox France du reste du groupe américain a été prise de manière conjointe. La vitesse de croissance du marché français sur le e-commerce était considérable, alors que le marché outre-Atlantique se concentrait sur l’expérience client et le retail. Les choix et orientations stratégiques n’étaient donc plus les mêmes. Deux des cinq fondateurs initiaux, encore dans le groupe, – Quentin Reygrobellet, co-fondateur et directeur général de Birchbox France, et Martin Balas, co-fondateur et directeur des opérations – ont souhaité reprendre la main pour mettre en place les projets plus rapidement et se développer en Europe. Le choix d’Otium Capital a donc été un choix stratégique, puisque le créateur du fonds, Pierre-Edouard Stérin, qui a suivi le développement de Birchbox France depuis ses débuts, est aussi un fin connaisseur du marché de la beauté et des digitally natives vertical brands (DNVB).
Birchbox combine un système d’abonnement à une box de produits de beauté et un site de commerce en ligne. Pourquoi ce choix ?
La box, personnalisée selon le profil de chaque abonnée, fait découvrir à nos clientes leurs futurs produits du quotidien, dont de nombreuses nouvelles marques pas encore présentes en magasins. Notre e-shop unique regroupe, quant à lui, la globalité de l’offre, y compris quelques soins destinés aux hommes. Nous les distribuons également en coffret, généralement à Noël ou pour la fête des Pères, car nous ne pouvons pas encore proposer douze box par an avec des produits masculins. Ce modèle hybride fonctionne, puisque notre chiffre d’affaires a crû de près de 20 % l’an dernier. La box est notre produit d’appel, mais le véritable travail reste l’e-shop. Nous comptons aujourd’hui 230 000 abonnées et notre site reçoit 1,7 million de visites par mois. Notre volonté est de faire de Birchbox un corner de la beauté.
"La box, personnalisée selon le profil de chaque abonnée, fait découvrir à nos clientes leurs futurs produits du quotidien"
Le confinement a profité aux acteurs du digital en général. Est-ce le cas pour Birchbox ? Dans quelle mesure ?
Les ventes sur le site ont naturellement augmenté – de 40 % sur la période –, car notre clientèle habituée à se rendre en magasin, dont les portes sont restées closes pendant près de deux mois, s’est tournée vers l’e-commerce. Notre principal avantage réside dans le nombre de marques référencées sur notre site unique. Les abonnements à la box, envoyée à domicile chaque mois, ont crû également, même s’il est plus difficile d’expliquer cette progression. Dans ce contexte quelque peu anxiogène, la réception du coffret Birchbox a été perçue comme une petite dose de bonheur mensuelle à prix très accessible. Les abonnées ayant plus de temps pour tester les produits.
Comment gérer une croissance aussi rapide ? Anticipez-vous déjà une nouvelle levée de fonds ?
Tout d’abord, s’assurer de la rigueur de tous les processus, qui doivent tout couvrir, jusqu’à la trésorerie, est une priorité. En effet, une croissance induit beaucoup de sorties de cash, en particulier le renflouement des stocks, financé par les ventes suivantes, et non par les ventes passées. Il y a donc un vrai travail de projection de trésorerie. C’est d’autant plus vrai chez Birchbox, car la majorité de nos abonnements sont mensuels et sans engagement. Grâce à une bonne gestion du cash, nous maîtrisons notre levée de fonds. La transaction entre le groupe américain et la reprise par les fondateurs et Otium s’est faite de manière très juste pour les deux parties. Nous pouvons ainsi subvenir à nos besoins.
"Le renflouement des stocks est financé par les ventes suivantes, et non par les ventes passées"
Quelles conséquences la crise sanitaire a-t-elle eu sur le marché des cosmétiques ? Quelles relations entretenez-vous avec les marques ?
En Chine, le marché des cosmétiques a basculé sur le digital. En France, nous sentons que les ventes en ligne s’accélèrent, et ce d’autant plus avec la période que nous venons de traverser ; nous croyons à la transformation du marché. Le confinement a montré aux clientes que le concept fonctionne, que les produits arrivent bien à domicile et qu’ils n’ont pas besoin de les tester en magasin. Nous réfléchissons donc à la manière de faciliter le parcours client pour que celui-ci reste connecté.
Certaines marques de luxe sont encore frileuses à l’idée de vendre leurs produits en ligne et se concentrent sur l’expérience client. D’autres ont confiance dans le digital, mais tiennent tout de même à ce que leurs produits soient présents dans notre boutique à Paris. Birchbox fait partie des vitrines sur le digital et c’est le business du digital en général qui va les convaincre. Il y a quelques mois, nous avons d’ailleurs mis en place Birchbox Analytics, qui partage les statistiques de vente avec nos marques partenaires. Cette transparence démontre la force du digital et les opportunités qu’il offre.
Le gouvernement a affirmé sa volonté d’une relance verte. Comment Birchbox s’inscrit-elle dans la transition écologique ?
Depuis sa création, Birchbox s’appuie sur la connaissance client pour envoyer le bon produit à la bonne personne. Le but étant de réduire le gaspillage et de pousser la consommatrice à essayer avant d’acheter. Désormais, notre box mensuelle n’utilise plus que des matières recyclées. À la rentrée, nous lancerons une édition limitée en carton recyclé, avec des soins bons pour la santé et en privilégiant des marques de cosmétiques solides ou qui utilisent des emballages recyclés. Nous sommes également les premiers sur le marché à avoir lancé un corner green qui rassemble toutes les marques de beauté responsables et labellisées green. Tout ce que l’on propose sur notre site doit être de qualité suffisante pour être présenté à la vente. La transparence est notre cheval de bataille !
Propos recueilis par Anne-Gabrielle Mangeret