Private equity : priorité aux build-up
Peu de LBO à l’horizon
“Je suis plutôt pessimiste sur le retour du marché du LBO à l’heure actuelle, beaucoup d’opérations patinent”, confie Jacques Ittah, banquier d’affaires réputé pour sa fine connaissance de l’industrie. Et pour cause! Entre avril et juin, seule une dizaine de LBO ont été réalisés en France à travers tous les segments de marché, du small-cap au large-cap, un chiffre famélique pour une période historiquement propice aux deals avant le départ en vacances. On notera, en particulier, le rachat de la société de courtage d’assurances CEP par Bridgepoint pour 1,3 milliard d’euros, ou le buy-out du spécialiste de la fibre optique Telenco par Ergon Capital. Bien sûr, les secteurs d’activité épargnés, voire dynamisés par la crise sanitaire, constituent l’essentiel des transactions enregistrées et peuvent même partir sur la base de multiples très élevés ; les métiers liés à la santé, aux nouvelles technologies d’information et de communication et aux logiciels figurent en tête de liste. D’une façon générale, “de nombreuses questions restent en suspens, parmi lesquelles le déconfinement à plusieurs vitesses selon les pays, et une seconde vague hypothétique de coronavirus à l’automne”, reconnaît le banquier.
Priorité donnée aux build-up
Dans le contexte actuel, s’ils n’investissent pas directement, les fonds peuvent également accompagner les sociétés de leur portefeuille à l’occasion de leurs build-up. C’est en substance le sentiment de Jean Eichenlaub, président de Qualium Investissement, qui a identifié avec ses équipes de nombreuses opérations de consolidation à mener : “Nous estimons que les sociétés les plus fragilisées, en général plus petites, auront intérêt à trouver des repreneurs plus solides”. Les portfolio companies de Qualium, dont “plus de la moitié ont bien résisté à la crise sinon superformé en Ebitda à périmètre constant”, continuent ainsi de consolider leurs marchés respectifs, à l’image d’IMV Technologies (insémination artificielle animale), ou de se développer géographiquement, s’agissant notamment de Kermel (équipement de protection de la personne). Tandis que certains secteurs d’activité affichent toujours une bonne résilience, Jean Eichenlaub, visionnaire, estime que cette crise, aussi malheureuse soit-elle, “sera peut-être aussi l’occasion de mener de nouveaux projets structurants, de digitalisation notamment, et pour le tissu économique français de transformer ses PME en ETI internationales”.
Prix du financement en hausse
Quand bien même les banques - surtout françaises - ont été extrêmement sollicitées dans le cadre de la mise en place des prêts garantis par l’Etat (PGE), le marché du financement n’est pas du tout fermé. Pour autant, comme le rappelle Daniel Rudnicki Schlumberger, Co-Head Leveraged Finance EMEA chez JPMorgan, il convient de distinguer plusieurs situations. D’abord, il existe “un bon nombre de banques qui restent prudentes pour de nouvelles opérations car elles sont chargées de dettes LBO underwrité avant la crise et qui n’ont pas été placées”. En l’espèce, selon le Financial Times, c’était le cas des banques engagées sur le LBO des ascenseurs Thyssenkrupp, à hauteur de 10 milliards d’euros, bien que la dette commence à être placé en ce moment. En revanche, “un certain nombre de banques, à l’image de JPMorgan, ont placé toutes les opérations signées avant la crise et sont tout à fait disponibles pour de nouveaux underwrites de taille significative”, poursuit le managing director. Cela étant précisé, il est évident que “les prêteurs, banques comme direct lenders, demandent plus de protection et de marge sur les financements levés dans le monde d’aujourd’hui que dans celui d’hier”. Impact sur les transactions? Les deals autour de 100 millions d’euros de valeur d’entreprise profitent aux unitrancheurs qui ne supportent pas le risque de syndication.
Firmin Sylla