Dans un livre blanc intitulé "Commerce spécialisé : une chance pour la France", Procos et EY évaluent l’impact de la crise sanitaire sur le secteur et avancent plusieurs idées pour assurer sa survie. Décideurs met en lumière les principaux enseignements du document.

Les difficultés rencontrées par le secteur du commerce ces dernières années ne sont un secret pour personne. Mais EY et Procos ont précisément mesuré le problème. "Le modèle économique était déjà sous tension avec une croissance relativement faible, une pression très forte sur les prix et les marges, et des frais fixes élevés représentant souvent la moitié du chiffre d’affaires", souligne Olivier Macard, associé responsable du secteur grande consommation et distribution France au sein du cabinet d’audit.

Dans ces conditions, le niveau de marge opérationnelle s’avère limitée selon l’étude (4 % d’excédent brut d’exploitation dans l’habillement par exemple) tandis que les besoins en fonds de roulement pèsent fortement sur la trésorerie. "L’équilibre économique est très sensible à la baisse du chiffre d’affaires par magasin et par mètre carré, ajoute Olivier Macard. La baisse de 5 % de la fréquentation d’un magasin entraine en moyenne une baisse du taux de marge opérationnelle de 2 à 3 points." L’impact de la crise sanitaire ne peut dès lors qu’être dévastateur pour le secteur.

Le Covid-19, coup de grâce pour le commerce ?


Le taux d’indépendants avec une Ebitda inférieur à 2 % du chiffre d’affaires (ndlr : un niveau qui empêche d’investir pour transformer les commerces) passerait selon EY et Procos de 26 % fin 2018 à 68 % d’ici la fin de l’année dans l’habillement et de 19 % et à 75 % dans la restauration. La photographie n’est guère plus reluisante pour les réseaux de magasins avec une perte estimée de 6 à 10 points d’Ebitda, une rentabilité négative entre -5 % et 0 en 2020, une hausse de 10 % des besoins de fonds de roulement à cause du surstockage et une possible multiplication des plans de sauvegarde pour l’emploi (PSE).

"En l’absence d’accompagnement et d’aides supplémentaires, il existe un risque de multiplication des défaillances à compter de septembre 2020 avec la destruction potentielle de 150 000 à 300 000 emplois directs et la fermeture de 50 000 points de vente", s’alarme Laurence Paganini, la présidente de Procos qui rappelle par ailleurs que le commerce de détail spécialisé rassemble près de 350 000 établissements et totalise 1,5 million d’emplois directs. Le livre blanc avance plusieurs propositions pour empêcher la réalisation de ce scénario catastrophe.

Le manuel de survie d’EY et Procos


Dans une logique de "sauvegarde d’un secteur essentiel", EY et Procos suggèrent d’élargir au commerce spécialisé les mesures mises en place pour l’exonération de charges sociales et fiscales, de mettre en place un moratoire de 2 ans pour les PGE et d’organiser les solutions de refinancement ultérieur, de supprimer ou moduler les impôts de production (y compris les impôts locaux), d’inciter les bailleurs à annuler les loyers impactés par la fermeture et de fluidifier les reconfigurations au sein des parcs de magasin.

En parallèle, pour engager une relance « favorable à l’emploi et aux territoires, le livre blanc recommandent de débloquer les PEL sur 2020 et d’instaurer un déblocage défiscalisé des plans de participations avant échéance. "Cette mesure a déjà été prise par le passé et a montré son efficacité", précise Laurence Paganini. La mise en place généralisée de "chèques commerce solidaire" et l’organisation d’une campagne de communication pour promouvoir la consommation en magasin et au restaurant sont également préconisées.  

"Nous sommes en contact avec Bercy pour alimenter le plan de relance transversal de relance qui sera présenté à la rentrée, complète la présidente de Procos. Nos propositions seront présentées et discutées dans ce cadre." Et il ne sera pas seulement question de survie immédiate du commerce car le livre blanc s’est également penché sur les moyens à mettre en œuvre pour accélérer la transformation du secteur.

Un effort d’adaptation à accompagner


"Le commerce spécialisé doit adapter le réseau de points de ventes à la concurrence d’internet et à la décroissance structurelle de certains marchés comme l’habillement, accomplir sa transformation numérique et digitale, et relever les défis écologiques et sociétaux, liste Laurence Paganini. Nous estimons l’effort d’investissement pour opérer cette bascule entre 9 et 15 Mds€ par an."

EY et Procos ont identifié quatre leviers pour rendre cette démarche possible : inciter et accompagner la transformation responsable sociale et environnementale par des subventions ou à défaut des crédits d’impôts ; inciter et accompagner la transformation numérique et les efforts d’innovation pour tous les commerçants ; aider les collectivités locales à déployer une politique "territoires de commerce" ; soutenir le maintien de champions français pour permettre le développement de la filière et promouvoir les start-up françaises retail.

"Le plan pour le commerce de proximité, l’artisanat et les indépendants présenté par Bercy lundi 29 juin va dans le bon sens, conclut Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos. Mais les grandes enseignes sont également en difficulté. Le secteur du commerce est un pilier de l’économie, de l’emploi et des territoires en France, il est donc indispensable de l’aider à survivre et à se transformer." Rendez-vous est pris en septembre pour voir si le message aura été entendu par le gouvernement.   

Par François Perrigault (@fperrigault)

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