Assurtechs : les clés de la réussite
L’assurance fait peau neuve : elle entame sa transformation technologique. Après une apparition qualifiée de timide, les assurtechs déferlent en nombre et semblent remettre en question les solutions apportées par les grandes institutions traditionnelles. Elles tirent leur force d’« un écosystème de start-up de plus en plus puissant » et multiple nous explique Tanguy Touffut, fondateur de Descartes Underwriting, une assurtech positionnée sur le risque climatique. Alors qu’on en dénombrait seulement 42 en 2017, elles auraient, selon une étude du cabinet Klein Blue Partners, atteint sur notre territoire national le nombre historique de 106 l’année suivante et de 187 en 2019.
Révolutionner la relation client
Alors que de nombreux arguments peuvent être mis en avant pour expliquer l’augmentation du nombre de start-up de l’assurance, Philippe Mangematin, cofondateur de Seyna, une assurtech devenue compagnie d’assurance-dommage en 2019, estime que cette dynamique est notamment due à « l’émergence des besoins d’assurance qui résulte du développement de nouveaux usages et de l’évolution des modes de consommation ». Le développement de l’économie de partage et la révolution numérique sont, entre autres, les points essentiels qui motivent la majorité des acteurs à surfer sur cette nouvelle vague. Leur simplicité et des coûts défiant toute concurrence sont certainement les autres raisons du succès des assurtechs. Si le mouvement ne semble pas encore s’essouffler, c’est que les assurtechs refaçonnent le monde des assurances en proposant une multitude d’offres innovantes et technologiques qui résolvent, contrairement à celles des assurances traditionnelles, les grands problèmes qui se posent aujourd’hui. Les assurtechs révolutionnent l’expérience client et rencontrent de plus en plus d’adeptes.
Collaborer pour mieux régner
Opposer systématiquement assurance traditionnelle et assurtechs serait une erreur. Comme le souligne Tanguy Touffut, « il ne faut pas les opposer, il faut réussir à obtenir le meilleur des deux mondes. » Bien qu’elles soient différentes, ces deux formes de structures sont souvent complémentaires et ont chacune des avantages. Alors que les grands groupes parfaitement établis sur le marché affichent une image de marque dotée d’une capacité d’investissement importante, les start-up sont quant à elles capables d’agilité dans l’utilisation des technologies notamment celles relatives aux données, de mettre en œuvre des processus simplifiés. Bien que d’autres secteurs aient vu d’un mauvais œil l’arrivée de ces entreprises novatrices, le monde des assurances, lui, s’est montré ouvert à cette nouvelle forme de concurrence qui constitue, dans certains cas, une source d’opportunités partagées. En effet, « la majorité des assurtechs s’organise en plateformes de courtage. Cela leur permet de développer une relation partenariale avec les compagnies d’assurance car tout courtier a besoin d’un assureur pour offrir ses prestations », précise Philippe Mangematin. Si certaines assurances ont tenté de lancer des produits concurrençant ceux des start-up, la plupart ont fait le choix de la collaboration. Entre sagesse et stratégie, les acteurs traditionnels financent et tirent parti des avantages « des jeunes pousses » afin de combler rapidement leurs propres lacunes et participent directement au succès de plus en plus grandissant des assurtechs.
Un écosystème dynamique
Venture Capital, Private Equity ou encore certaines banques, tous investissent dans ces assurtechs et participent ainsi à leur rayonnement. C’est ce que montre l’étude 2019 « Quarterly Insurtech Briefing » du cabinet de courtage d’assurance Willis Towers Watson. Les chiffres sont édifiants et connaissent une croissance exponentielle : sur l’ensemble de l’année, 6,35 milliards de dollars (5,74 milliards d’euros) ont été levés, contre 4,15 en 2018 et 2,22 en 2017. Si les États-Unis dominent ce marché, la France n’est pas en reste puisqu’elle figure dans le top 10 des pays ayant vu les plus importantes levées de fonds en Europe avec notamment celles de Shift Technology, Alan et Luko qui ont respectivement bénéficié d’un investissement de 60 millions de dollars, 43,70 millions de dollars et 22 millions dollars. Si ces assurtechs font figure d’exemples, d’autres n’ont pas leur chance. Entre réalité du marché, réglementation et besoin de financement, beaucoup de start-up ne résistent pas car elles doivent rapidement séduire un bon nombre de clients afin d’amortir leurs frais de fonctionnement. À cela s’ajoute, depuis le début de l’année 2020, l‘impact de la pandémie du Covid-19 qui a fortement limité l’engagement des investisseurs sans toutefois interrompre les opérations de levées de fonds. Le rapport Quarterly Insurtech Briefing du premier trimestre 2020 publié par Willis Towers Watson confirme cette baisse de financement : les assurtechs ont levé 842 millions d'euros contre 1,796 milliard au quatrième trimestre de l’année 2019. Un contexte qui pourrait freiner la croissance des assurtechs car le capital-investissement demeure leur principale source de financement.
Alexandre Lauret et Yannick Tayoro