Après les mesures d’urgence pour faire face à la crise liée au coronavirus, la Commission européenne propose un examen de sa politique commerciale. Pour ce faire, elle dévoile un projet de consultation sur le long cours ainsi qu’un livre blanc.

Avec la crise, la Commission européenne adapte ses normes et autres dispositifs financiers afin de donner de l’air à l’économie du Vieux Continent. Des mesures d’urgence ont été prises : Bruxelles desserre la vis sur les déficits budgétaires, octroyant ainsi aux États membres davantage de marges de manœuvre pour soutenir leurs économies, ou encore assouplit l’encadrement des aides d’États. Ces évolutions répondent à un besoin de flexibilité et de pragmatisme en ces temps de crise. S’il n’est pas exclu que certaines puissent perdurer, la Commission européenne entame déjà des réflexions sur le plus long terme. Réflexions qui rythment sa communication cette semaine.

Ainsi mercredi 17 juin, le Collège adopte un livre blanc sur les effets de distorsion causés par les subventions étrangères au sein du marché unique. La veille, Bruxelles proposait d’examiner en profondeur la politique commerciale de l’UE et lançait pour cela une consultation sur le sujet à destination des différentes parties prenantes (États membres, Parlement, société civile, etc.). Enfin, jeudi, le rapport annuel sur les barrières techniques au commerce sera dévoilé.

Les initiatives européennes se multiplient à cause de la crise du coronavirus et des défaillances que celle-ci a mises à jour mais aussi parce que l’UE doit s’adapter plus globalement au nouvel ordre économique, que ce soit pour faire face à une Chine toujours plus agressive sur le plan concurrentiel ou à l’unilatéralisme américain exacerbé sous la présidence de Donald Trump.

Le livre blanc

En ce qui concerne le livre blanc : il s’agit pour l’UE de garantir que les subventions étrangères ne pervertissent pas notre marché, tout comme les subventions nationales. « L'UE figure parmi les économies les plus ouvertes du monde, ce qui attire des niveaux d'investissement élevés de la part de nos partenaires commerciaux, note Phil Hogan, commissaire chargé du commerce. Toutefois, notre ouverture est de plus en plus remise en question par des pratiques commerciales étrangères, y compris les subventions, qui faussent les conditions de concurrence équitables pour les entreprises de l'UE. » Le livre blanc, ouvert à la consultation jusqu’au 23 septembre, complète la boîte à outils, qui contient déjà des règles telles que le filtrage des investissements directs étrangers et les mesures de défense commerciale.

"Notre ouverture est de plus en plus remise en question par des pratiques commerciales étrangères"

Celui-ci vise notamment à combler un vide réglementaire qui permet à des pays tiers d’octroyer des subventions étrangères parfois sources de distorsions. Par exemple, lorsque ces subventions prennent la forme de flux financiers simplifiant l'acquisition d'entreprises de l'UE ou lorsqu'elles soutiennent directement l'activité d'une société.

Plusieurs approches sont proposées afin de pallier cette situation. La première consiste à mettre en place un instrument général de contrôle du marché pour identifier toutes les situations dans lesquelles des subventions étrangères peuvent entraîner des distorsions au sein du marché unique. Par ailleurs, les entreprises bénéficiant d'un soutien financier de la part d'autorités de pays tiers devraient notifier leurs acquisitions d'entreprises de l'UE, au-delà d'un certain seuil, à l'autorité de surveillance compétente. Ces évolutions sont un vrai changement de paradigme pour l'exécutif européen, qui jusque-là ne semblait pas prendre la mesure du niveau de concurrence déloyale que pouvait subir certains pans de son économie.

La consultation

Outre cette petite révolution, Bruxelles a lancé mardi 16 juin un autre grand chantier. Elle a donné le coup d’envoi à la révision de sa politique commerciale, à travers une consultation dont les résultats seront présentés vers la fin de l’année. « Une Union européenne forte a besoin d'une politique commerciale et d'investissement solide pour soutenir la relance économique, créer des emplois de qualité, protéger les entreprises européennes contre les pratiques déloyales dans l'Union et en dehors de celle-ci, et assurer la cohérence avec les priorités plus larges dans les domaines de la durabilité, du changement climatique, de l'économie numérique et de la sécurité. »

La consultation met l’accent sur les points suivants : bâtir une économie européenne résiliente et durable après le coronavirus, réformer l'Organisation mondiale du commerce, créer des débouchés commerciaux à l'échelle mondiale pour les entreprises, notamment les PME, optimiser la contribution de la politique commerciale face aux grands défis mondiaux tels que le changement climatique, le développement durable ou la transition numérique. Elle vise aussi à renforcer les relations commerciales et d'investissement avec les principaux partenaires commerciaux ainsi qu’à améliorer les conditions de concurrence et protéger les entreprises et les populations de l'Union. Ces sujets devraient engendrer de nombreux débats, d’où le calendrier de plusieurs mois annoncé cette semaine. Néanmoins, l’Europe ne peut se permettre l’économie de ce travail de fond.

Olivia Vignaud

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