Société d’investissement soutenant les PME et ETI dans leurs projets de croissance, Geneo Capital Entrepreneur vient de réaliser son septième investissement en prenant une participation dans la société ConvictionsRH. Une entrée au capital qui met notamment en lumière le dynamisme de certaines entreprises, qui ont transformé la période de confinement en opportunité. Entretien avec Fanny Letier et François Rivolier, les fondateurs de Geneo Capital Entrepreneur.
F. Letier et F. Rivolier (Geneo) : "Il faudra donner du sens à la reprise"
Décideurs. Quels conseils avez-vous apportés aux dirigeants pour affronter la période de confinement qui a frappé la France pendant deux mois ?
Fanny Letier. Nous leurs avons conseillé de mettre en place une cellule de crise. Cette organisation a permis aux entrepreneurs d’appliquer dans les meilleures conditions possibles leur plan de continuité et a ainsi donné aux différentes équipes les moyens de poursuivre leur activité et de communiquer régulièrement en interne pour garder les collaborateurs impliqués et positifs. Absorber le choc que fut le confinement nécessitait aussi de préserver le cash. Si les sociétés de notre portefeuille disposaient d’un bon matelas de trésorerie, il était cependant essentiel de suivre de près les évolutions réglementaires et les dispositifs d’aides aux entreprises, comme le chômage partiel ou le prêt garanti par l'État (PGE).
François Rivolier. La gestion des liquidités est centrale dans une telle période. L’entreprise doit échanger en permanence avec ses partenaires bancaires. Il faut superposer les temps d’action. Le temps court, où l’on encaisse le choc, et le temps plus long, dans lequel on met en œuvre les décisions stratégiques sans lesquelles on ne peut pas motiver les équipes.
F. L. Il faut aussi veiller à ne pas perdre le contact avec le terrain : les fournisseurs et les clients. C’est dans ces périodes plus agitées que les entreprises doivent démontrer leur valeur, se rendre utiles, être à l’écouter, innover pour s’adapter, jouer collectif avec leur écosystème. Nous avons également beaucoup œuvré pour la mise en place de « Recovery Rooms », pour pivoter et relancer. La crise va nécessairement entraîner des transformations. Les cartes concurrentielles sont rabattues. Il faut rester en veille sur son environnement, bien comprendre les changements en cours, notamment en matière digitale et d’organisation des chaînes de valeur.
F. R. En plein cœur de la crise, nous faisions intervenir chaque semaine nos experts ainsi que des entrepreneurs expérimentés. Nous avons également organisé des échanges collectifs réunissant les six dirigeants des sociétés investies par Geneo. L’idée était d’être plus fort ensemble, de partager les bonnes pratiques mais aussi de laisser les entrepreneurs échanger entre eux sur leurs préoccupations.
F. L. Nos experts et actionnaires sont intervenus sur différents thèmes : monter son dossier de chômage partiel ou un dossier de PGE dans un premier temps, mais aussi manager à distance et en période de crise, "faire du M&A en période de crise ?" ou encore « réussir le déconfinement ». L’aspect humain ne doit pas être sous-estimé. Le choc émotionnel est fort. Les peurs sont légitimes : peur de la maladie, peur de retrouver ses collègues, peur de ne pas être à la hauteur, peur de perdre son emploi. Des tensions familiales peuvent s’y ajouter. Il faudra donner du sens à la reprise, travailler sur la raison d’être de l’entreprise et accompagner les managers dans la gestion de ces sujets.
"Il faut superposer les temps d’action. Le temps court, où l’on encaisse le choc, et le temps plus long, dans lequel on met en œuvre les décisions stratégiques"
Cette période soulève aussi la question de la gouvernance.
F. L. La gouvernance est une hygiène de vie. Le défi est de savoir la faire fonctionner par tous les temps : c’est en période de crise que l’on réalise si on est bien entouré ou s’il faut le faire davantage ou mieux. Les PME investies par Geneo ont réuni leur conseil ou leur comité stratégique de façon informelle, chaque semaine, pendant 2 mois. Pour celles qui n’en disposent pas, nous les encouragerons fortement à s’entourer : ne serait-ce qu’en échangeant régulièrement avec un ou plusieurs autres entrepreneurs, en mode sparring partners ou en mode collectif. La plus grande erreur serait de rester seul.
Geneo Capital Entrepreneur n’est pas un fonds mais une société d’investissement, avec un temps d’investissement potentiellement beaucoup plus long. Où en êtes-vous de vos levées de fonds ?
F. L. Nous venons de porter notre véhicule d’investissement à plus de 200 millions d’euros. Cette nouvelle marque de soutien valide le modèle « evergreen » que l’on porte depuis notre création. Toute notre énergie est déployée dans un seul objectif : aider les entreprises à passer les cycles et à faire de la croissance. Apporter un nouveau modèle d’accompagnement et du capital humain. Le partage de la valeur est essentiel à nos yeux. Cette idée cardinale résonne encore plus en ce moment.
F. R. Ces levées de fonds vont continuer, en cohérence avec notre rythme d’investissement. D’autres nouvelles pourraient être annoncées en juillet et en septembre prochain.
"Toute notre énergie est déployée dans un seul objectif : aider les entreprises à passer les cycles et à faire de la croissance"
Quel est le profil de vos investisseurs ?
F. L. Nos investisseurs sont majoritairement des entrepreneurs, de grandes familles et des family offices. Nous comptons également plusieurs investisseurs institutionnels.
Cette période peut-elle vous amener à ralentir le déploiement de vos capitaux ?
F. R. Absolument pas. Nous sommes là au contraire pour aider les pépites françaises à poursuivre la réalisation de leurs projets d’avenir. Nous venons d’ailleurs d’annoncer notre septième investissement. Nous sommes entrés au capital de Convictions RH, une société que l’on suit depuis plusieurs mois. C’est un cabinet spécialisé dans le conseil en management et en organisation, expert en transformation RH et digitale, Sa stratégie repose sur la digitalisation des entreprises et le développement de l’humain au travail. Elle déploie notamment des projets d'implémentation de système d'information RH.
F. L. Nous sommes à leurs côtés pour préparer l’avenir en mettant en place un intéressement au capital plus large pour leurs collaborateurs, en les aidant à ouvrir leur gouvernance, à réaliser de nouveaux recrutements et des opérations de croissance externe. La société surfe sur un rythme de croissance à deux chiffres depuis une dizaine d’années. Ils sont, par ailleurs, capables d’intervenir aux côtés de leurs clients entièrement à distance. Ils ont pu continuer à exécuter leur contrat dans d’excellentes conditions durant la crise.
Vous avez aussi récemment inscrit votre raison d’être dans vos statuts.
F.L. Effectivement. La raison d’être de Geneo Partenaires, notre société de gestion, est de "mettre au service de l’économie réelle une finance durable et à impact positif". Concernant, notre premier véhicule d’investissement, Geneo capital entrepreneur, il s’agit de "Mettre à disposition des PME et des ETI investies les moyens de leurs ambitions, dans une approche durable et à impact positif". Nous nous inscrivons dans une finance positive, qui est d’abord une finance de long terme et s’adapter au rythme naturel de l’entreprise, l’aider à saisir, avec agilité, les opportunités d’accélération et à traverser les cycles plus défavorables. Nous veillons aussi à développer le capital humain. Une entreprise doit, à notre sens, avoir un impact social positif, une contribution positive à la société de demain. Tout ceci ne peut se mettre en musique que s’il y a un partage de la valeur avec l’ensemble des parties prenantes. Notre comité des parties prenantes veillera au respect de ces engagements.
