Passeport sanitaire. Comment ça marche ?
Si la propagation du Covid-19 est de plus en plus contenue dans le monde, son éradication est loin d'être gagnée. Certains experts estiment que le virus pourrait devenir saisonnier, comme de nombreux autres. Sa contagiosité imposerait une surveillance stricte, notamment celle des voyageurs pour éviter qu'ils ne disséminent à nouveau la pandémie partout dans le monde.
Sera-t-on totalement libre de nos mouvements à l'avenir ? Probablement pas. Ne serait-ce qu'à travers les nouveaux contrôles mis en place dans les aéroports pour vérifier la température de chacun et parfois même les précédentes escales. À peine le mot "pandémie" était-il prononcé par l'OMS que plusieurs gouvernements avaient déjà décidé de barrer le chemin aux voyageurs en provenance de certains pays. Ou de leur imposer une stricte quarantaine. À Taïwan par exemple, impossible d'échapper aux 14 jours d'isolement après une simple escale en Chine ou à Hong-Kong. Une contrainte difficilement supportable aujourd'hui, tant pour les voyages d'affaires que le tourisme.
Un passeport immunitaire en attente…
Rapidement évoqué pour lever les restrictions aériennes, le projet de passeport immunitaire fait l'objet de vifs débats. Scientifiques d'abord, face aux incertitudes qui subsistent sur la fiabilité des tests et la durée de l’immunité. Éthiques ensuite. S'il fallait apprendre à vivre avec le coronavirus, des dérives ne sont pas à exclure. Un employeur pourrait ainsi n’embaucher que des personnes immunisées pour limiter le risque dans son entreprise. Voire, certaines personnes pourraient s'efforcer d'attraper le virus, à travers des "Covid party", pour disposer du précieux sésame. Sans oublier le coût des tests qu'il faudrait proposer régulièrement aux populations.
Un employeur pourrait ainsi n’embaucher que des personnes immunisées pour limiter le risque dans son entreprise.
Un tel dispositif s'annonce par ailleurs très restrictif, alors même que dans les pays les plus touchés, moins de 5 % de la population auraient effectivement contracté la maladie. Envisagé au plus haut de l'épidémie par de nombreux pays – notamment le Chili, qui avait débuté fin avril la distribution de certificats aux personnes guéries du coronavirus avant d'y renoncer, mais aussi l'Allemagne et les États-Unis – ce système est plutôt mis de côté aujourd'hui, à l'exception notable de la Chine.
… Et en préparation
Mais celui-ci pourrait revenir rapidement sur la table en cas de deuxième vague. Ou si certains pays n'arrivaient pas à contenir le virus. Plusieurs entreprises préparent d'ailleurs leur mise en place. En France, Sita, spécialiste dans les échanges de données entre les acteurs du transport aérien, travaille à intégrer dans ses plateformes gouvernementales des certificats sanitaires, sans vraiment savoir quelle forme ils prendront. Sa directrice générale, Barbara Dalibard, regrette le manque de dialogue des gouvernements sur le sujet. Certains veulent les résultats d'une récente prise de sang avant l'embarquement, d'autres un carnet de santé qui témoigne d'une infection, ou non, au coronavirus.
Seul un vaccin pourrait lever tous ces doutes. Le "passeport sanitaire" s'installerait alors dans le carnet de vaccination, qui devra être à jour pour participer à certaines activités et, peut-être à l'avenir, pour voyager.
Des tests pour tous les voyageurs
Pour établir ce "filtre sanitaire", d'autres pays veulent généraliser les tests de dépistage. L'Islande ouvrira ainsi ses portes cet été à tous les voyageurs, immunisés ou non, à condition toutefois de passer un test PCR. Les voyageurs resteraient ensuite la journée dans leur logement, le temps d'obtenir les résultats. En cas de résultat positif, ils seront placés en quarantaine pour au moins 14 jours. Un dispositif efficace, rendu possible par la taille du pays, qui ne compte qu'un aéroport international.
Pour établir ce "filtre sanitaire", d'autres pays veulent généraliser les tests de dépistage
En France, la Corse aussi cherche à imposer une telle mesure afin de protéger sa saison touristique. Mais le président du conseil exécutif, Gilles Simeoni, reconnaît qu'il n'a pas aujourd'hui la "volonté ou les moyens d'imposer à quiconque" ce "green pass" pour accéder à l'île de Beauté.
De la surveillance épidémique à la surveillance sanitaire
La Chine, quant à elle, propose – ou plutôt impose – le dispositif de surveillance le plus abouti. Obligatoire, il consigne au sein d'applications mobiles le statut immunitaire de chaque personne, mais aussi leur historique de déplacement. À chaque personne, est ainsi attribué un QR Code à scanner un peu partout pour accéder à l’espace public. Un code rouge indique un cas confirmé ou des symptômes de Covid-19 : les gardiens doivent alors appeler la police pour placer la personne à l’isolement. Un code orange indique un cas possible, après un passage par exemple dans une zone où des cas ont été rapportés. La personne doit obligatoirement rester chez elle, jusqu'au retour au vert de son code, synonyme de circulation libre, mais constamment surveillée.
Un dispositif facile à transformer en arme de surveillance : un samedi matin, les ressortissants étrangers ont eu la surprise de voir leur code santé passer à l’orange, sans raison particulière, leur interdisant ainsi de sortir. Les autorités en profitent également pour renforcer le contrôle sanitaire. La métropole de Hangzhou, dans la région de Shanghai, envisage ainsi de mettre en place une appli qui classerait en temps réel ses 10 millions d'habitants sur une "échelle santé" de 0 à 100 points. Selon le site Internet des services sanitaires municipaux, la note des citoyens dépendrait de sa consommation d'alcool, de tabac, ou encore du nombre de pas effectués chaque jour.
Fabien Nizon
Retrouvez ici notre dossier spécial "Gagner la guerre sanitaire"