Secteur aérien : la reprise à pas comptés
Parmi les secteurs les plus touchés par la crise, l’aérien est sans doute celui dont la relance soulève le plus d’interrogations et d’incertitudes. Et pour cause. Il y a quelques semaines, l’IATA, l’Association internationale du transport aérien regroupant quelque 290 compagnies aériennes, estimait à 314 milliards de dollars le manque à gagner des compagnies sur l’année en cours, soit une chute historique de près de 55 % par rapport à leurs revenus de 2019. Face à cette débâcle commerciale causée par le Covid-19, les États dégainent les uns après les autres mesures d’urgence et plan de sauvetage pour éviter que la crise du secteur ne vienne plomber encore davantage les économies nationales.
Distanciation sociale vs seuil de rentabilité
Ainsi, sans attendre le plan de relance promis d’ici au 1er juillet par le gouvernement, Bruno Le Maire annonçait il y a peu le déblocage d’une aide de 7 milliards d’euros à destination d’Air France alors que l’IATA communiquait ses préconisations en matière de mise en conformité de ses appareils avec les nouvelles exigences sanitaires. Parmi celles-ci : contrôle des températures et déclaration sanitaire pour chaque passager et, à bord, port du masque obligatoire, désinfection des appareils et déplacements limités mais… pas de siège sacrifié au nom de la distanciation sociale. Motif : si cette mesure devait être imposée aux compagnies, elle les contraindrait soit à voir chuter le taux de remplissage de leurs avions au point de voir chaque vol passer « sous son seuil de rentabilité », soit à augmenter massivement le prix de vente de leurs billets - de l’ordre de 50 % selon l’IATA. Rédhibitoire. Et, estime son président, Alexandre de Juniac, de nature à « profondément modifier les fondamentaux économiques » d’un secteur dont la reprise, rappelait-il dernièrement, promet déjà d’être longue et chaotique.
"À bord, port du masque obligatoire, désinfection des appareils et déplacements limités mais… pas de siège sacrifié au nom de la distanciation sociale"
"À genoux"
« On a préparé pour le monde entier mais en particulier pour l’Europe et la France un plan de redémarrage de l’industrie en trois phases : d’abord les marchés domestiques au mois de juin, ensuite à partir de juillet l’Europe, l’Amérique du Nord ou l’Asie-Pacifique, et ensuite, au quatrième trimestre, l’intercontinental », détaillait-il y a peu avant d’évoquer un nombre de destinations appelé à rester limité des mois durant et un retour à la normale du trafic attendu pour 2023 seulement. De quoi placer le secteur dans une situation d’autant plus critique qu’à une activité pour ainsi dire à l’arrêt depuis des semaines s’ajoute aujourd’hui la perspective de milliers de billets à rembourser pour cause de vols annulés… Une obligation – comme l’a récemment rappelé la Commission européenne - qui pourrait porter le coup de grâce à des dizaine de compagnies et qui, il y a peu, amenait Alexandre de Juniac à demander « à genoux » aux passagers de privilégier l’avoir au remboursement.
Regagner la confiance
Au sol, même effervescence du côté des aéroports qui, progressivement, organisent la reprise en déployant des dispositifs sanitaires destinés à rassurer les usagers, comme l’indiquait il y a peu Edward Arkwright, directeur général exécutif du groupe ADP qui, après avoir rappelé que « l’immobilité (avait) coûté entre 2 et 2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires » au groupe, expliquait que ce dernier entrait aujourd’hui en phase de « reprise et de reconquête de la confiance ». Au programme : port du masque et distribution de gel hydroalcoolique dans les terminaux mais aussi prise de température par caméras thermiques aux départs et aux arrivées. Pour l’heure déployé au sein de Roissy CDG, le dispositif devrait rapidement être étendu à Orly, à l’arrêt depuis fin mars et, selon le site d’actualité aéronautique et spatiale Air&Cosmos, appelé à connaître « un déconfinement progressif » d’ici à la fin du mois.
Caroline Castets