P. Lavalle (Spartha Medical) : "Certaines molécules peuvent s’avérer efficaces contre le Covid-19"
Décideurs. Spécialisé dans les revêtements antimicrobiens, vous avez réorienté votre business model autour des antiviraux dans le cadre de la crise du Covid-19. Expliquez-nous.
Philippe Lavalle. Depuis quatre-cinq ans, nous travaillons sur les revêtements antimicrobiens destinés au matériel médical en contact avec les patients. Nous développons un film qui vient recouvrir les surfaces à l’aide d’un spray et leur conférer des propriétés antimicrobiennes pendant plusieurs heures. Ce revêtement est issu de deux composants : un positif et un négatif. Les molécules qui les forment peuvent être changées en fonction de leurs propriétés. Il s’avère que certaines de celles testées détiennent des propriétés antivirales, qui peuvent s’avérer efficaces contre le Covid-19.
Ce type de revêtements n’existait-il pas auparavant ?
Beaucoup de produits existent. Par exemple, pendant longtemps, l’argent a été utilisé pour ses propriétés antimicrobiennes. Problème : sa toxicité est importante. On le retrouve dans l’organisme alors qu’il est potentiellement dangereux. Pour notre part, nous travaillions avec des molécules naturelles, notamment issues des algues. Toute la difficulté consiste à développer un revêtement mauvais pour le virus ou le microbe mais qui ne soit pas toxique pour le corps humain.
Vous êtes chercheur de métier, pourquoi avoir monté une start-up ?
Historiquement, l’Inserm est un laboratoire de recherche et développement tourné vers le médical mais qui n’a pas vocation à traiter tous les sujets, ni à développer l’aspect commercial des produits, ce qui est un autre métier. La partie réglementaire et clinique est très coûteuse et nécessite de lever des fonds. Nous avons donc créé une structure privée afin de terminer le développement du spray et ainsi répondre aux besoins des hôpitaux. Si nous intéressions aussi d’autres acteurs, nous ne nous interdirions pas de travailler pour eux mais le marché prioritaire reste le médical. Si notre produit fonctionne, il y aura des retombées économiques pour le laboratoire, où quatre brevets ont été déposés.
La partie réglementaire et clinique est très coûteuse et nécessite de lever des fonds
À Hongkong, des chercheurs ont développé un revêtement antiviral qui pourrait protéger du Covid-19 pendant 90 jours. Sont-ils sur le même créneau que vous ?
Oui et non. Nous avons regardé leurs publications et l’idée est la même. Toutefois, leur produit est issu du chlore, connu pour sa toxicité et qui ne peut être mis au contact d’un patient et encore moins ingéré. Celui-ci est très bien pour nettoyer des surfaces, comme des poignées de portes dans une entreprise, mais n’est pas biocompatible. Il faut ajouter que notre solution coûte chère et a donc moins vocation à être utilisée par le grand public.
Vous prévoyez de lever 1,5 million d’euros d’ici à la fin de l’année ou au début de l’année prochaine. Auprès de qui ?
Il y a deux volets : la collaboration et l’investissement. Pour la première, de grands groupes sont intéressés pour collaborer avec des start-up dont ils peuvent ensuite commercialiser les solutions. Avec la crise, ces partenariats ne sont plus leur priorité mais ils vont forcément repartir rapidement car les industriels ont besoin de produits innovants. Pour ce qui est des investisseurs, nous sommes surtout en contact avec des experts du médical. Les discussions avancent depuis novembre même si ce n’est pas la meilleure période.
De quelles nationalités sont issus ces investisseurs et collaborateurs ? Doivent-ils être européens compte tenu du secteur ?
Non, il n’y a pas de frontières, même si, pour le moment, nous avons surtout des contacts français et allemand. Dans les investissements de départ, ce sont surtout les Français qui misent sur les start-up. Une fois qu’elles ont fait leurs preuves, alors des investisseurs comme les Américains s’y intéressent et peuvent souvent mettre des montants plus importants.
Propos recueillis par Olivia Vignaud