Le ministre de l'Économie s'exprimait mercredi 15 avril devant la commission des finances. Il estime que quatre piliers seront nécessaires pour assurer la reprise après le confinement.

"Cette crise n'est pas une affaire de semaines. Elle n’est pas une affaire de mois. Elle est une affaire d'années et je pense qu'il faut mesurer que nous en avons pour des années avant de sortir des conséquences économiques de cette crise", déclarait mercredi 15 avril Bruno Le Maire, lors d'une audition par la commission des finances. Ce jour-là, le gouvernement présentait le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020, qui prévoit une récession à 8 % et un déficit public à 9 % du PIB. Des chiffres au plus bas, jamais vus depuis 1945, qui pourraient néanmoins s'avérer optimistes, selon le Haut Conseil des finances publiques, qui s'exprimait aussi mercredi sur le sujet. 

Une reprise en deux temps

La reprise se déroulera en deux temps. D'abord graduellement lorsque le déconfinement sera en marche, mouvement qui pourrait débuter à partir du 11 mai. "L'industrie tourne à 60 %. Il faudra progressivement, qu'avec une stratégie de déconfinement adaptée, nous puissions retrouver un rythme plus normal. Je dis bien 'plus normal', mais pas 'normal' parce qu’il est évident que les choses seront différentes après", insiste le ministre de l'Économie. Selon lui, la clé d'un déconfinement réussi tient dans la sécurité sanitaire des salariés, nécessaire à la confiance des Français. Le gouvernement travaille notamment avec Jean Castex dans ce sens.

"Ensuite, il faudra réfléchir effectivement à une reprise de plus long terme et une stratégie de relance", précise le locataire de Bercy, qui met en avant quatre piliers pour réussir ce pari. Il s'agit de l'investissement des entreprises, du soutien de la demande, d'une stratégie spécifique destinée à certains secteurs complètement ou quasiment à l'arrêt (automobile, restauration, aéronautique, tourisme, etc.) ainsi que de la coopération européenne. "Si nous décidons, ce que je crois sage, de soutenir les salaires les plus modestes, les salaires des personnes non qualifiées qui nous ont permis de continuer à avoir une vie à peu près normale pendant cette période de confinement, faisons attention à ce que, de l'autre côté, l'Allemagne n'ait pas une stratégie de modération salariale, car sinon, nous risquerions fort de nous retrouver exactement dans la situation des vingt dernières années où la France prend du retard par rapport à son voisin allemand", souligne Bruno Le Maire.

Risques et opportunités

Afin d'étayer ses inquiétudes, le ministre donne quelques chiffres parlants. L'épargne s'intensifie alors que le pays a besoin d'investissement. En février 2020, le montant total des dépôts sur le Livret A et le Livret de développement durable était de 1,5 milliard d'euros. Il est passé en mars à 3,8 milliards d'euros. Manque de stratégie européenne ? L'Allemagne dépense 4 % de son PIB pour soutenir son économie quand l'Italie est à 2 %. "C'est l'inverse au regard des niveaux de développement économique de ces deux États qui serait raisonnable et bon pour la zone euro", estime Bruno Le Maire. Autre point de tensions : le 30 mars, le prix du baril tombait à 23 dollars - soit à un niveau trois fois moins élevé qu'en janvier. Or, l'or noir représente 40 % des ressources budgétaires des pays d'Afrique centrale...

Le ministre veut toutefois saisir les opportunités offertes par cette crise. Celle-ci est l'occasion de repenser l'économie nationale, que ce soit en accélérant la transition vers une finance durable, en relocalisant une partie de la production, en ouvrant des perspectives aux personnes moins qualifiées ou encore en redonnant du sens à la construction européenne. Bruno Le Maire en a profité pour énumérer toutes les nombreuses mesures prises par le gouvernement pour soutenir l'économie et qui permettent d'éviter le chaos. Celles-ci vont faire passer le montant total du plan de soutien en trésorerie et en dépenses publiques de 45 à 110 milliards d'euros, ce qui portera le niveau d'endettement de la France à 115 %. "Mais dans ces situations de crise, je pense qu'il faut faire des choix clairs", insiste-t-il. Et il n'est pas dit que les programmes ne continueront pas à se renforcer.

Olivia Vignaud

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