Crise du Coronavirus : la BCE sort l’artillerie lourde
À situation exceptionnelle, réaction exceptionnelle. Quelques jours seulement après avoir annoncé des mesures de soutien à l’économie, la Banque centrale européenne (BCE) récidive. Devant l’urgence de la situation et alors que sa dernière intervention n’avait pas convaincu les marchés financiers, Christine Lagarde, patronne de l’institution, a dévoilé dans la nuit de mercredi à jeudi un nouveau programme d’achats d’obligations d’un montant de 750 milliards d’euros, afin de protéger la zone euro des répercussions de la crise due au Coronavirus.
Pas de limites
« Notre engagement envers l’euro ne connaît pas de limites. Nous sommes résolus à utiliser tous les outils à notre disposition, dans le cadre de notre mandat », précise sur Twitter la présidente de la BCE. Une déclaration qui fait écho au fameux « whatever it takes », prononcé par son prédécesseur Mario Draghi durant la crise des dettes souveraines.
La France a immédiatement réagi. Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, salue l’action de la Banque centrale qui a pris « des décisions massives pour répondre à la crise ». De son côté, Emmanuel Macron, qui estimait que la BCE n’était pas allée assez loin la semaine dernière, soutient ce changement de politique monétaire. « À nous, États européens, d’être au rendez-vous par nos interventions budgétaires et une plus grande solidarité financière au sein de la zone euro », ajoute-t-il.
Dans le détail, en plus des 120 milliards d’euros supplémentaires déjà débloqués pour faire face à la pandémie, la BCE achètera 750 milliards d’actifs des secteurs public et privé au moins jusqu’à la fin de l’année, soit une enveloppe de 1 000 milliards d’euros sur neuf mois. Un rythme jamais atteint jusqu’à présent. Baptisés Pandemic Emergency Purchase Programme (PEPP, programme d’achats d’urgence pandémique), ces acquisitions porteront notamment sur la dette souveraine grecque, qui était exclue des programmes de la BCE. En effet, depuis quelques jours les rendements des obligations souveraines de certains pays de la zone euro se tendaient. L’action de la BCE produit ses premiers effets, puisque, jeudi matin le taux à dix ans grec reculait de 161 points de base à 2,271 %, d’après TradeWeb. D’autres pays profitent de cette bouffée d’air, comme l’Italie, l’Allemagne et la France.
Un signal fort
La BCE songe à aller plus loin. Elle pourrait rétablir la confiance des marchés en levant une limite qu’elle s’est elle-même fixée, à savoir : ne pas acheter plus d’un tiers des obligations souveraines éligibles d’un pays et agir de manière proportionnelle au poids de l’investissement de chaque État à son capital. Le changement de paradigme est à l’étude. « Dans la mesure où certaines limites auto-imposées pourraient entraver les actions prises par la BCE pour remplir son mandat, le conseil des gouverneurs envisagera de les réviser », indique l’institution dans un communiqué.
« C’est un signal très très fort envoyé aux marchés, commente dans le Wall Street Journal, Torsten Slok, chef économiste de Deutsche Bank Securities à New York. C’est un bazooka. » La réponse de la BCE est « massive à tous les niveaux – taille, flexibilité, portée et engagement, selon Frederik Ducrozet, stratégiste chez Pictet Wealth Management. À condition que la réponse budgétaire (des États) continue de s’accroître, cela changera la donne pour l’économie de la zone euro et les marchés du crédit. » Ces commentaires s’avèrent bien plus positifs que ceux émis à la suite des annonces de la semaine dernière, les opérateurs estimant que Christine Lagarde avait fait une erreur de communication en affirmant qu’il ne revenait pas à la BCE de détendre le spread entre les États (l’écart de taux entre les obligations des pays). Cette sortie de route relève du passé, aux gouvernements de continuer à agir.