Chateaudun Crédit : "L’affacturage est le financement robuste en période de ralentissement économique"
Décideurs. Pourquoi avoir fondé une société de conseil en affacturage en 2005 ?
Thibaut Robet. Les associés ont toujours travaillé dans le financement des entreprises notamment dans des groupes bancaires. En 2000, le marché de l’affacturage était en pleine expansion. Il connaissait une croissance de 15% par an. Les Factors qui s’adressaient aux TPE et PME, ont commencé à proposer leurs services aux ETI et grands groupes. Mais l’affacturage reste différent des crédits bancaires tels que le Découvert, l’Escompte ou la Dailly. Il permet d’obtenir un financement important mais la négociation est complexe et la mise en place technique. Les dirigeants d’entreprises ou directeur financiers méconnaissent les mécanismes de ce financement. Nous avons décidé de créer la première société de conseil spécialisée en affacturage.
Gaëtan du Halgouët. Dans tout projet d’affacturage, il faut négocier les conditions tarifaires du contrat mais également les clauses qui impactent le financement (le fonds de garantie, les clauses de concentration, etc.). Ensuite, la mise en place nécessite un développement informatique pour dématérialiser les cessions de factures et la formation des équipes comptables. Nous accompagnons l’entreprise dans toutes les étapes du projet. Nous disposons également d’une équipe d’informaticiens et d’un logiciel d’affacturage qui permettent la mise place des fichiers en 48h puis le pilotage du contrat et l’amélioration du financement.
Pourquoi l’affacturage connait-il un tel succès ?
G. du H. En 2000, on comptait 21 000 entreprises factorées qui utilisaient 10 Mds d’euros de financement. Aujourd’hui, 43 000 entreprises travaillent avec les factors et utilisent 35 Mds d’euros de financement. La niche que constituait l’affacturage est devenu un vrai segment de marché pour les banques. Les années 90 ont été un tournant dans l’histoire de l’affacturage. Durant cette période, les ETI et les grands groupes ont découvert les atouts de l’affacturage avec notamment le contrat confidentiel et la dématérialisation des échanges. D’autres innovations apparues dans les années 2000, telles que la cession de balance et la déconsolidation, ont convaincu les grandes entreprises.
Par ailleurs, l’affacturage est le financement robuste en période de ralentissement économique, tel que cela a été démontré par le maintien de l’activité après la crise financière de 2008-2009.
Quel est votre positionnement sur ce marché ?
T.R. Nous sommes un intermédiaire entre les entreprises et les factors. Notre rôle est de conseiller les entreprises pour une première mise en place de contrat d’affacturage ou pour renégocier leur contrat existant. A l’origine, notre intervention était focalisée sur l’évaluation du potentiel de financement et la négociation des conditions avec les factors. Elle s’est élargie au fil des ans, pour y inclure toutes les étapes du projet à savoir : la négociation des clauses et la relecture du contrat, les échanges avec les conseils juridiques et les commissaires aux comptes, l’implémentation technique et le pilotage du contrat au quotidien via notre logiciel d’affacturage. De plus, nous accompagnons l’entreprise pendant toute la durée de vie de son programme d’affacturage.
Sur la base de quels facteurs évaluez-vous le potentiel de financement de vos clients ?
T. R. Pour financer correctement les créances qui lui sont cédées, le factor aura besoin d’être le bénéficiaire d’une couverture d’assurance-crédit. L’assurance-crédit permet au factor d’obtenir une indemnisation en cas de défaillance d’un ou plusieurs clients de l’entreprise. Négocier ce type de contrat auprès des compagnies d’assurance spécialisées (Euler, Coface, Atradius, AIG…) fait partie de notre métier de courtier.
Vous intervenez régulièrement aux côtés d’entreprises en restructuration. Quelles sont les spécificités de ces situations ?
G. du H. Que l’on soit une PME ou un grand groupe, ce qui compte le plus souvent est l’urgence d’une part, la taille du financement obtenu d’autre part. S’il existe déjà un contrat d’affacturage, nous allons tenter de déterminer s’il est possible d’obtenir des financements plus importants, et, sinon, de changer rapidement de factor.
Certaines sociétés d’affacturage sont très sensibles aux procédures collectives, tandis que d’autres sont plus enclines à intervenir dans ce genre de contexte : notre rôle est d’aider nos clients à choisir le bon partenaire. Dans le cadre d’une restructuration, la direction financière subit une pression importante. Nous faisons en sorte que l’entreprise, malgré sa situation difficile, ne se voie pas imposer sa stratégie de financement par son environnement et puisse faire un choix éclairé et objectif.
T. R. Effectivement, les banques qui sont autour de la table des négociations veulent très souvent imposer leurs propres filiales d’affacturage. Or, le choix d’un factor est très structurant pour l’entreprise. Faire appel à nos services permet aux entreprises de mettre en concurrence les acteurs du marché pour obtenir la meilleure offre possible, mais aussi de transférer la pression que peuvent exercer les banques vers un tiers sur lequel elles ont beaucoup moins de prise. Dans le cadre d’une procédure amiable, cela peut être un véritable levier de négociation pour l’entreprise envers ses créanciers.
Pouvez-vous nous donner des exemples de solutions adaptées au contexte de la restructuration ?
G. du H. Je peux évoquer avec vous des cas concrets. Nous sommes intervenus pour une ETI de 500 personnes, leader dans le domaine de l’audiovisuel. Comme souvent, la société avait déjà un factor, filiale d’une des banques de son pool. Cette ETI a connu une forte baisse de son activité de tournage sur plateaux et a dû renégocier les termes de son endettement avec ses partenaires bancaires afin de faire face à des besoins de trésorerie plus importants. Dans un premier temps, notre mission consistait à négocier avec le factor en place l’augmentation du financement. Puis, ce dernier ayant décidé de durcir ses conditions d’intervention, nous avons organisé un appel d’offres afin de trouver un autre Factor, dans un calendrier serré.
T. R. Nous sommes également intervenus pour une société française du secteur papetier, pendant la procédure collective (« concurso ») de sa maison-mère espagnole. Un fonds d’investissement était en train de racheter certaines entités européennes, dont la France. Nous avons négocié avec le factor français le maintien du financement afin d’attendre la sortie effective de la procédure. Nous avons obtenu une amélioration des conditions.
G. du H. À titre d’exemple, nous avons été missionnés par un groupe de sous-traitance automobile, dans un contexte de procédure amiable. Nous avons étudié les différents contrats en place avec deux sociétés d’affacturage, notamment leurs dysfonctionnements. Nous avons préconisé les aménagements puis accompagné l’entreprise pour remplacer l’un des deux factors. L’entreprise a souhaité utiliser notre logiciel d’affacturage pour sécuriser le changement simultané des 3 entités concernées.
T. R. Cet exemple montre que nous ne sommes pas de simples négociateurs. Nous assurons le pilotage du projet dans son ensemble. Plusieurs métiers et compétences sont nécessaires à la mise en place d’un programme d’affacturage : du juridique à l’informatique en passant par la négociation. Notre rôle est de co-piloter et coordonner les opérations avec le management et les services concernés dans l’entreprise, tout en respectant des délais souvent serrés.
G. du H. Les sociétés en retournement, ou leurs conseils, font appel à nous pour notre capacité à diagnostiquer les marges de manœuvre, à préconiser des solutions concrètes et à mettre en œuvre les plans d’actions. Notre connaissance pointue des acteurs du secteur et notre capacité à engager des négociations en urgence permettent d’obtenir les meilleures conditions.
Propos recueillis par Firmin Sylla.