Edito. Votre mission si vous l'acceptez
Le discours est minoritaire, mais pourtant trop mis en avant dans le débat public : le capitalisme mènerait le monde au bord de l’abîme. Premiers coupables, les patrons qui, mus par l’appât du gain, détruiraient les ressources naturelles et l’économie de proximité. Pourtant, il semblerait que depuis quelques années, le capitalisme tende vers plus de respect de l’environnement, des consommateurs et des collaborateurs. Derrière ce cercle vertueux, se trouvent des leaders qui, désormais, font fi gure de visionnaires et de businessmen à succès.
Pionniers américains
C’est aux États-Unis que tout commence. Si le pays est bien souvent perçu comme le symbole de la mondialisation dérégulée (parfois à juste titre), il est également précurseur en matière de capitalisme à visage humain. Certains entrepreneurs ont très tôt perçu la nécessité de « faire de l’entreprise à mission avant l’heure ». Dans les années 1970, dans le prolongement du mouvement hippie californien, Yvon Chouinard a peu à peu fait de Patagonia un modèle d’entreprise responsable. À la même époque, à l’autre bout du pays, dans les verdoyantes collines du Vermont, Ben Cohen et Jerry Springfield ont lancé une entreprise singulière : Ben&Jerry’s, un fabricant de glaces privilégiant les circuits courts et la protection sociale de ses salariés. Résultat : en cette deuxième décennie du XXIe siècle, les deux sociétés sont des multinationales plus fl orissantes que jamais.
De quoi inspirer la création du statut B Corp, qui est parti d’outre-Atlantique pour essaimer sur toute la planète, notamment en Europe. Citons le moteur de recherche allemand Ecosia qui, né de la volonté de Christian Kroll, lutte contre la déforestation grâce aux technologies de l’information. Mais le nouveau phare de l’entreprise responsable pourrait bien être l’Hexagone.
Relève française
Les entrepreneurs tricolores se sont pleinement saisis du statut B Corp. Ce dossier met notamment en avant Élisabeth Laville du cabinet Utopies ou encore Emery Jacquillat qui a repris le très kitsch catalogue Camif pour bâtir ce qu’il nomme « l’Anti-Amazon ». Certes, pour faire triompher cette nouvelle vision, des entrepreneurs audacieux sont nécessaires. Mais les pouvoirs publics peuvent aussi s’attribuer un rôle de poids. En mars 2018, le rapport « Entreprise et intérêt général » rédigé par Jean-Dominique Senard et Nicole Notat est remis au ministre de l’Économie Bruno Le Maire, on pouvait légitimement s’attendre à ce qu’il reste lettre morte ou fasse l’objet de quelques « mesurettes ». Il n’en a rien été. La France devient peu à peu le phare de l’économie responsable, notamment grâce à la loi Pacte qui met à l’honneur le statut juridique de « raison d’être ». Hier utopie, aujourd’hui à la mode, demain incontournable ? Très probable, car il répond aux besoins des consommateurs, des travailleurs et des entrepreneurs.