Oaklins, l’heure de la maturité
Quinze ans après son lancement, Oaklins s’est fait une place de choix sur le marché du M&A hexagonal. En regardant dans le rétroviseur, aviez-vous anticipé ce que deviendrait votre maison aujourd’hui ?
Eric-Felix Faure. Ce serait un peu présomptueux de notre part mais dès la création d’Oaklins en 2004 [Ndlr. la structure s'appelait alors Aelios], nous avions pour ambition de développer un modèle dédié au small et au mid market, basé sur trois piliers : le travail par expertises avec des compétences croisées permettant d’intervenir sur tous les métiers, une approche résolument internationale ainsi qu’un parti pris visant à toujours privilégier la meilleure solution pour l’actionnaire - y compris, lorsque cela impliquait de tirer un trait sur nos fees. C’est ce que nous avons construit tout au long de ces années et vers quoi nous continuons de tendre.
Nos trois piliers : des expertises fortes, une vision internationale, la garantie d’un conseil indépendant
Concrètement, comment cela s’est matérialisé ?
E-F.F. Notre marché était principalement travaillé par des intermédiaires, avec des mono-spécialités, ou qui disposaient d’une compréhension généraliste de l’industrie. Mais notre diagnostic nous a amenés à conclure que cela ne permettait pas d’offrir un résultat optimal à nos clients. Il est indispensable de bien comprendre les problématiques d’un secteur, de l'approfondir, de se l'approprier en France mais aussi à l’international pour être capable d’intervenir sur toutes les opérations.
À l’époque, nous avons commencé sur les secteurs d’où nous étions issus, à savoir la tech et le healthcare mais avec l’idée d’ouvrir très rapidement de nouveaux chantiers. Cela s’est concrétisé avec la constitution d’expertises dans les matériaux pour la construction, le peoplecare, l’aérospace/défense, les business services mais aussi l’agroalimentaire ou encore le retail. L’intégration en 2019 de Kross Partners, spécialiste du bien-être et de la nutrition, va dans ce sens.
Aelios était à l’origine une boutique franco-française. Comment avez-vous abordé l’angle international ?
E-F.F. Tout d’abord en rejoignant, dès 2005, une alliance d’acteurs du M&A qui nous ressemblaient. Nous partagions la même vision du marché, les mêmes valeurs, avec la même exigence sur nos dossiers. Tout cela nous a permis de travailler toujours plus efficacement ensemble, de faire monter en puissance nos axes de collaboration jusqu’à créer Oaklins en octobre 2016. Plus qu’un nom commun, Oaklins a matérialisé le passage de l’Union à un état fédéral. L’international ne fonctionne qu’avec un intérêt commun, un profil commun, des outils ad hoc, tout cela couvert par une marque commune.
Le partnership d’Oaklins s’ouvre pour la première fois en France. Pourquoi avoir attendu si longtemps ?
E-F.F. Être actionnaire, c’est être porteur, animateur de la maison. Avec Thibaud de Monclin, nous partageons une même vision du monde, les problématiques économiques sont secondaires par rapport au reste. Cet alignement était indispensable pour réussir notre projet sans prendre le risque de créer des dissensions en ouvrant la gouvernance. Aujourd’hui, cette première étape est derrière nous. Il était important de ne pas créer un plafond de verre, qui n’aurait eu aucun sens et donc d’associer ceux qui étaient en mesure d’amener ce que nous avions apportés jusque-là. Cela nous a permis de faire évoluer Hadrien Mollard, entré chez nous comme chargé d'affaires en 2006. Expert reconnu des consumers goods et redoutable dealmaker, son parcours et son professionnalisme ont déterminé sa promotion. Notre groupe a su reconnaître la contribution de ce professionnel, qui compte désormais au nombre de nos associés. L’arrivée, aujourd’hui, de Guillaume Piette traduit également notre volonté d’attirer des talents partageant nos valeurs.
Et demain ?
E-F.F. Nous poursuivons notre croissance à l’international avec une structure permettant d'allier un noyau dur, qui intègre 25 pays et 20 membres affiliés partageant notre professionnalisme et nos méthodes mais ne disposant pas forcément de la taille critique pour nous rejoindre. En France, notre ambition est de continuer à grandir. Le nombre d’opérations n’est pas uniquement une question de rentabilité ; cela nous permet aussi de garantir l’indépendance de nos conseils. Il est indispensable de dérisquer son P&L pour assurer l’objectivité de ses recommandations. Pour ne pas dépendre des allers-retours, notamment en LBO, un tiers de nos opérations sont des deals primaires.
Il est indispensable de dérisquer son P&L pour assurer l’objectivité de ses recommandations
Nous montons aussi en taille avec 5 opérations supérieures à 200 M€ de VE en 2019. Nos cibles étaient comprises entre 20 et 80 M€ en 2014 ; aujourd’hui, elles s’échelonnent entre 20 et 300 M€. En termes d’expertises, nous les couvrons toutes par le biais de notre réseau mais il est évident que certains professionnels pourraient nous rejoindre sur des domaines tels que les FIG. Il faut savoir être patients pour trouver les bonnes personnes. Quoi qu’il en soit, Oaklins continuera de se développer sans oublier les fondamentaux qui lui ont permis d’émerger.
Propos recueillis par Alexis Valero.