Fiscalité internationale, l'Europe maintient la pression
C’est dans une tribune commune publiée le 22 février dans Le Monde que Bruno Le Maire et trois de ses homologues européens – l’espagnole Nadia Calviño, l’italien Roberto Gualtieri et l’allemand Olaf Scholz – ont réaffirmé leur volonté de refondre la fiscalité internationale. Et le plus tôt sera le mieux. Les quatre politiques visent en effet un accord avant la fin de l’année, dans le cadre des travaux de l'OCDE. Un objectif ambitieux tant le sujet est politique, les sensibilités diverses et les intérêts divergeants.
Le numérique dans le viseur
À en croire les signataires de la tribune – et comment leur donner tort ? –, le système fiscal actuel est dépassé. « Créer une nouvelle fiscalité internationale adaptée aux réalités du XXIe siècle est un des grands défis de notre temps », affirment-ils. Pour ce faire, deux chantiers prioritaires ont été identifiés. Le premier concerne expressément la taxation des firmes du Net. En effet, elles parviennent aujourd’hui à échapper largement à l’impôt dans les lieux où elles créent de la valeur en exploitant les données de leurs utilisateurs tout en y disposant d’une présence physique limitée. Une injustice fiscale injustifiable vis-à-vis des autres entreprises. Ce point de vue est d’ailleurs partagé par plusieurs acteurs de premier ordre du secteur comme Facebook qui, par la voix de son patron, s’est dit prêt à payer plus d’impôts dans le cadre du lancement des travaux de l’OCDE devant aboutir à l’adoption d’une taxe Gafa.
« Légitime colère »
Le second point d’attention mis en exergue par les quatre ministres est le dumping fiscal. En transférant leurs bénéfices d’un État vers un autre fiscalement plus avantageux, les multinationales de tous secteurs d’activité créent des distorsions de concurrence qui « nourri[ssen]t une colère légitime ». Pour y remédier, Bruno Le Maire et ses homologues préconisent l’instauration d’un impôt plancher pour décourager ce type de montages. « L’impôt minimum est la seule solution efficace contre l’optimisation fiscale agressive exercée par une poignée de grandes multinationales », font-ils valoir.
Avec cette prise de position, la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne veulent envoyer un signal politique fort. En faisant montre d’avoir entendu le mécontentement de leurs administrés, ils se posent en chantre de l’égalité fiscale. En réaffirmant leur volonté d’agir rapidement, ils espèrent maintenir la pression sur les États-Unis, malgré l’échéance proche des élections présidentielles. Mais surtout, ils savent la manne financière qu’une taxation plus équilibrée peut représenter pour eux. Estimées à 100 milliards de dollars par an par l’OCDE, ces recettes sont « nécessaires pour la construction d’écoles, d’hôpitaux et pour l’investissement dans la transition écologique » avancent-ils. Un appel d’air salutaire en cette période de disette budgétaire.
Sybille Vié