A.Desseigne-Barrière (groupe Barrière) : "Nous passons à une nouvelle organisation, plus transversale et agile"
Décideurs. Le groupe s'est doté d'une direction de la transformation il y a un an. Pourquoi l'avoir constituée à ce moment précis ? Quels sont ses objectifs et ses attributions ?
Alexandre Desseigne-Barrière. Depuis sa création, notre groupe familial a su se réinventer pour rester leader sur ses métiers historiques. Pour poursuivre cet esprit d’innovation, nous avons décidé il y a bientôt un an de créer un département de la transformation dont la direction m’a été confiée. Nous devons donner une nouvelle impulsion à notre groupe, le transformer pour le préparer aux enjeux actuels et à venir, ce qui passe notamment par le renforcement de notre présence à l’international et le développement de nouvelles activités. Tout cela ne sera possible qu’en passant à une nouvelle organisation plus transversale et plus agile. Dans cet esprit, nous avons identifié trois missions prioritaires. La première est d’améliorer ce que nous faisons aujourd’hui en appréhendant mieux les nouvelles attentes de nos clients et collaborateurs. La « symétrie des attentions » est essentielle : la qualité de la relation entre une entreprise et ses clients doit être comparable à celle entre l’entreprise et ses collaborateurs. Ensuite, il nous faut déployer progressivement de nouveaux outils pour proposer une expérience enrichie et plus personnalisée. Enfin nous cherchons à étendre notre périmètre, par l’exploration de nouveaux marchés et le déploiement de nouvelles activités.
Quelles missions avez-vous menées à bien ?
Ma plus grande satisfaction est de voir à quel point nos 7000 collaboratrices et collaborateurs se sont approprié cette démarche de transformation. Mieux, ils sont force de proposition. La réussite du groupe tient à celles et ceux qui sont au quotidien sur le terrain. Se concentrer sur le développement de leur carrière et de leur épanouissement a été notre priorité. C’est dans ce sens que nous avons créé Campus Barrière, un hub de formation et de développement de carrière. Nous avons également mis en place un outil de sondage régulier pour mieux écouter et comprendre les attentes de nos collaborateurs et recueillir leurs idées sur la façon d’améliorer l’expérience de nos clients. En juin 2019, nous avons lancé notre programme d’Open innovation qui a déjà initié plusieurs projets dont l’un vise à mieux comprendre les parcours de nos clients au sein de nos resorts comme Deauville ou La Baule, grâce à une technologie d’analyse de flux qui doit nous permettre à terme de mieux anticiper leurs attentes.
« Airbnb et consorts sont là pour rester. À nous de nous adapter. »
Depuis quelques années maintenant, le secteur de l'hôtellerie est en plein bouleversement avec le succès fulgurant des plateformes digitales, Airbnb en tête. Quelles conséquences cette évolution a-t-elle eu sur l'organisation du groupe ?
Les attentes des clients, notamment des nouvelles générations, ne sont évidemment plus les mêmes que par le passé. Airbnb et consorts sont là pour rester. À nous de nous adapter en proposant de nouvelles expériences, en repensant nos offres de bien-être, nos chambres, nos lobbys, nos jeux, nos designs de services et évidemment nos futurs établissements. Ainsi, en diversifiant notre offre hôtelière, nous pouvons répondre à des clients préférant une expérience plus autonome et intimiste dans une villa ou un appartement plutôt que dans un hôtel « traditionnel ». D’ailleurs, l’hôtellerie n’est pas la seule activité concernée par cette nécessité d’innover. C’est aussi le cas du secteur du jeu, premier métier du groupe en termes de chiffre d’affaires. Un développement de notre offre sur de nouveaux marchés géographiques via de nouveaux médias comme le mobile est essentiel.
Vous avez créé il y a peu Campus Barrière. L'un de ses objectifs est d’anticiper les évolutions du secteur. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Campus Barrière, lancé l’année dernière, a déjà permis de réaliser près de cinq cents formations développées en interne ou en partenariat avec des écoles renommées – de la prestigieuse école de Savignac aux grandes écoles de management –, en France et à l’international. Des parcours passerelles et qualifiants seront mis en place cette année pour favoriser la mobilité des salariés et leur montée en compétence, assurant la succession sur les postes clés, mais également une meilleure qualité de vie au travail à travers la diminution de la répétition des tâches. À terme, nous réfléchissons à un programme de développement personnalisé pour les hauts potentiels. Avec Campus Barrière, nous nourrissons l’idée de créer un esprit « promotion » au sein de l’ensemble du groupe. Cela fait partie depuis toujours de notre l’ADN. Des collègues ayant débuté aux côtés de mon grand-père, Lucien Barrière, avant même ma naissance, comme barman ou DJ, occupent aujourd’hui des responsabilités parmi les plus importantes au sein du groupe. Il est important que chaque collaboratrice et collaborateur se dise qu'il a un avenir à long terme chez Barrière.
« Le programme innovation vise à accélérer notre transformation. »
La collaboration avec des start-up est plébiscitée par beaucoup de firmes pour s'assurer d'être toujours à la pointe de l'innovation. Nouez-vous ce genre de partenariats ?
Le programme Barrière Innovation vise à accélérer notre transformation. Il doit permettre à des start-up de challenger et d’enrichir la manière dont nous souhaitons réinventer nos métiers. Barrière Innovation est donc ouvert aux start-up capables d’apporter une réponse disruptive à nos problématiques et enjeux métiers. Prenons le cas de notre politique de jeu responsable. Nous comptons miser sur les nouvelles possibilités qu’apportent l’intelligence artificielle et la reconnaissance faciale pour être encore plus innovants dans ce domaine. Nous sommes fiers d’avoir co-créé avec chacune des deux premières start-up qui ont rejoint Barrière Innovation un produit sur-mesure, que nous testons actuellement dans certains établissements. Nous souhaitons avant tout apporter du business aux start-up en créant les meilleures conditions pour que ces collaborations débouchent sur un contrat commercial. Le programme fait grandir les start-up tout autant que nos équipes en insufflant une culture de l’innovation et une agilité nécessaire pour le groupe. Le rachat de jeunes pépites est bien évidemment un sujet – en 2020, nous accueillerons quatre autres start-up – et nous avons une approche très pragmatique sur la question. Cette décision relève d’un enjeu stratégique fort et nécessite avant tout un lien de confiance réciproque avec les entrepreneurs aux commandes.
À quels besoins les récents changements opérés dans la gouvernance du groupe répondent-ils ?
Dominique Desseigne, mon père, a souhaité franchir une nouvelle étape et accélérer la transformation engagée l’an dernier en faisant évoluer l’organisation du groupe et en réorganisant ses instances de direction à plusieurs niveaux. Il a donc mis en place un nouveau comité exécutif dans lequel je suis entré après quatre ans passés au département développement. M’a ensuite été confiée la direction de la transformation du groupe, nouvellement créée, en juillet 2018 ainsi que la direction générale hôtellerie et restauration quelques mois plus tard. J’ai également rejoint le conseil d’administration que nous avons fait évoluer avec l’arrivée de deux personnalités : Nicolas Sarkozy qui nous fait bénéficier de sa connaissance de l’hôtellerie et des enjeux stratégiques internationaux et David Layani, fondateur et président de Onepoint, dont la vision sur les grandes transformations, les nouvelles technologies, organisations et façons de travailler nous apporte énormément. J’ai confiance en nos équipes pour permettre au groupe de grandir et réaliser ses ambitions dans les années qui viennent. Je suis convaincu de notre potentiel de croissance.
Propos recueillis par Sybille Vié