N. Calcoen (Amundi) : "L’acquisition de Sabadell AM va permettre de doubler notre taille en Espagne"
Décideurs. Quel bilan faites-vous de vos trois premiers trimestres de l’année 2019 ?
Nicolas Calcoen. Le bilan est positif, et ce pour plusieurs raisons. La dynamique commerciale fut bonne, malgré l’aversion au risque des investisseurs. Notre collecte s’est accélérée tout au long de l’année, portée notamment par nos joint-ventures en Asie. Celle-ci s’est ainsi établie à 43 Md€ au troisième trimestre 2019. Au-delà de ces chiffres, nous avons mené de nouvelles initiatives pour accélérer notre développement. Parmi celles-ci, on notera l’obtention d’une autorisation de principe pour lancer une nouvelle coopération en Chine avec Bank of China, le rachat de Banco Sabadell Asset Management en Espagne couplée d’un accord de distribution de long terme avec la banque Banco Sabadell et le renforcement de notre positionnement d’investisseur responsable. Sur ce dernier point, Amundi a innové sur le marché des Green Bonds en se positionnant dans le secteur des infrastructures situés dans les pays émergents, en partenariat avec la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (AIIB) et dans celui des projets liés à la transition énergétiques des PME européennes avec la BEI.
Comment s'est portée votre collecte ? Quelles ont été les classes d'actifs les plus prisées ?
La collecte demeure bien diversifiée. En 2019, les investisseurs ont montré leur intérêt pour les segments du Fixe Income, des actifs réels (produits immobiliers, private equity et infrastructures) et des produits structurés. Ces derniers représentent ainsi plus de 6 milliards d’euros de collecte sur les trois premiers trimestres. Notons également que nos plateformes de gestion passive et de smart beta ont poursuivi leur croissance.
Amundi est un leader européen de la gestion d’actifs. Cependant, le groupe peine encore à se développer en dehors du Vieux-Continent. Quelle part est aujourd’hui investie hors d’Europe ?
Au moment de la création d’Amundi, la France représentait plus de 75 % de son activité. Aujourd’hui, c’est un peu moins de la moitié. Ce chiffre traduit la dynamique de notre développement international. L’Europe et l’Asie sont nos marchés cœur. Fin septembre 2019, 20 % de nos encours, soit 300 Md€, venaient de nos activités situées hors d’Europe, essentiellement en Asie. Un chiffre loin d’être anecdotique.
"Les autorités chinoises incitent les acteurs locaux à créer des alliances avec des sociétés étrangères"
Pour réussir cet objectif, vous avez fait le choix de constituer des joint-ventures avec des partenaires locaux. Pourquoi une telle stratégie ?
Nous sommes très pragmatiques. C’est une question de cohérence avec la nature de ces marchés et des opportunités qui peuvent se présenter. Dans certains pays, nous travaillons sous forme de joint-venture, alors que dans d’autres, nous bénéficions d’une présence en direct comme à Taiwan, à Singapour ou au Japon. Souvent choisie pour des raisons réglementaires, la joint-venture constitue un bon moyen d’entrer dans un marché, à condition de trouver le bon co-investisseur. C’est un modèle que nous avons notamment appliqué en Chine avec Agricultural Bank of China (ABC) – et prochainement avec BOC - et en Inde avec State Bank of India (SBI), la première banque retail en Inde. Cela nous permet de combiner la profondeur du réseau de notre partenaire, son aura sur un marché d’une taille significative et la qualité de notre expertise.
Que doit vous apporter la société commune créée avec Bank of China Wealth Management ? Pourquoi avoir choisi ce partenaire ?
Les autorités chinoises ont souhaité ouvrir davantage le pays et inciter les acteurs locaux à créer des alliances avec des sociétés étrangères. Des évolutions réglementaires sont ainsi venues faciliter la conclusion de partenariats internationaux. Bank of China, l’une des banques de référence en Chine, a saisi cette opportunité et nous a contacté pour créer une joint-venture en wealth management. Avoir été choisi par un tel acteur est une forme de reconnaissance pour nous. Amundi sera d’ailleurs actionnaire majoritaire de la nouvelle structure. C’est une première pour le secteur.
Le renforcement de votre partenariat avec ABC a-t-il été envisagé ?
Le groupe chinois n’a pas, pour le moment, pris la décision de mettre en place ce type de structure, avec un partenaire qui serait majoritaire. ABC reste cependant un partenaire majeur pour Amundi.
Ne craignez-vous pas les fragilités du secteur financier chinois ?
Un certain nombre de points d’attention et de fragilité sont connus. Nous sommes toutefois confiants sur la capacité du marché chinois à résister. Le pays s’appuie sur une croissance incontestable. La capacité d’épargne des chinois est également très importante. Nous œuvrons par ailleurs dans le domaine de la gestion pour compte de tiers. Nous n’avons donc pas une exposition directe sur les actifs qui seront gérés par la structure.
"L’approche ESG ne doit pas se réduire aux fonds labélisés comme tels"
L’heure est à la concentration du secteur. Après avoir mis la main sur Pioneer en 2017, pensez-vous réaliser d’autres acquisitions structurantes au cours des prochains semestres ?
Le développement d’Amundi repose avant tout sur la croissance organique. La croissance de nos encours depuis 2010 (ils sont passés de 670 millions d’euros à 1 563 milliards d’euros à fin septembre) a été réalisée aux trois quarts par croissance organique. Et nous entendons poursuivre ainsi. Des opportunités peuvent cependant se présenter à l’instar de Banco Sabadell Asset management qui va nous permettre de doubler notre taille en Espagne et renforcer notre capacité de distribution et ainsi de conforter notre position de leader européen. Nous avons en effet les reins solides et la capacité à intégrer des entreprises au sein de notre groupe. Mais pour se faire, nous devrons être convaincus qu’une acquisition nous permettra d’accélérer notre développement.
Il ne faut cependant pas oublier que les mouvements de rapprochement dans le secteur restent souvent liés à ceux opérés dans le secteur bancaire puisque la majorité des sociétés de gestion en Europe sont des filiales de banques ou d’assureurs.
Vous êtes fortement engagés dans l'application des critères ESG. Où en est la feuille de route d’Amundi dans ce domaine ?
Amundi a fait de l’engagement responsable l’un de ses piliers fondateurs lors de sa création en 2010. Aujourd’hui nous gérons plus de 300 Md€ en prenant en compte les critères ESG. Nous avons annoncé il y a un an et demi un plan ambitieux qui vise à ce que, d’ici 2022, 100% de nos fonds ouverts en gestion active soient ESG et à doubler les montants levés pour financer des projets de transition énergétique.
Nos équipes sont en ordre de marche. Nous avons entrepris une révision approfondie de nos méthodes d’analyse ESG, défini nos priorités pour concernant notre politique de vote autour du climat et des inégalités, et augmenté de 20% l’encours de nos solutions innovantes dédiées à la transition environnementale ou aux fonds à impact social.
Le label Greenfin a été lancé en 2019. Quel regard portez-vous sur cette initiative ? Pensez-vous labelliser certains de vos fonds ?
Pour les épargnants, les labels apportent une visibilité supplémentaire aux questions environnementales. Là aussi, nous mettons en œuvre une approche pragmatique. Il est possible que nous ayons des fonds labelisés Greenfin à l’avenir. L’approche ESG ne doit cependant pas se réduire aux fonds labélisés comme tels. L’enjeu est bien plus important que cela. Notre plan d’action est centré sur la dimension ESG, et pas uniquement dans l’obtention des labels. Leur avenir est peut-être lié à une harmonisation européenne. Si l’Union européenne doit en principe mettre en place un marché unique, les labels proposés aujourd’hui en Europe sont en effet très différents selon les pays.
La loi PACTE apporte un soutien au développement de l'épargne salariale et de l'épargne retraite. Quelles opportunités de croissance y décelez-vous pour Amundi ?
La loi PACTE contient des dispositions renforçant l’attractivité de l’épargne salariale. Je pense notamment à la baisse du forfait social et aux mesures soutenant le développement de l’actionnariat salarié. La simplification des dispositifs d’épargne retraite est également une bonne nouvelle. Cela crée surtout des opportunités pour les épargnants, notamment dans le cadre de leur investissement de long terme.