P. Setbon (Ostrum AM) : "Le mouvement de concentration dans la gestion d’actifs ne fait que commencer"
Décideurs. Vous venez de remplacer Matthieu Duncan comme directeur général d'Ostrum AM. Pourquoi avoir fait le choix de quitter Groupama AM pour rejoindre ce groupe ?
Philippe Setbon. Je n’ai pas fait le choix de quitter Groupama AM mais plutôt celui de rejoindre Ostrum AM, pour porter un projet industriel majeur, ambitieux, soutenu par deux groupes de premier plan : BPCE-Natixis et la Banque Postale.
Votre action s’inscrit-elle dans la continuité du plan stratégique New Dimension ?
Ce projet ne marque pas une rupture, il s’inscrit pleinement dans la continuité du plan stratégique New Dimension et nourrit l’ambition de Natixis sur le volet gestion d’actifs. La création d’un leader européen de la gestion taux, crédit et assurantielle est en totale cohérence avec l’objectif de Natixis Investment Managers de se positionner comme un acteur incontournable sur le marché, avec une offre de gestion complète au service de ses clients.
Comment va se matérialiser l’élargissement de votre offre ?
Le projet de rapprochement entre certaines activités d’Ostrum AM et de la Banque Postale AM a pour ambition de constituer une société de gestion de premier plan au niveau européen. Le nouvel ensemble ferait près de 435 Md€ d’actifs au démarrage (sur base des encours à fin juin 2019). Cette plateforme aurait vocation à s’adresser principalement aux investisseurs institutionnels, mais aussi aux fonds de pension et aux corporates. La fondation de notre offre reposerait sur l’excellence de nos gestions de taux et de crédit et nos expertises en gestion assurantielle. Une seconde dimension, clé dans notre dispositif, concernerait la mise à disposition, pour nos clients d’une plateforme de prestations de services, notamment technologiques et opérationnels. Ces services répondraient notamment aux besoins des investisseurs prêts à revoir leurs modèles opérationnels.
"La diversification est essentielle pour les investisseurs"
Que doit vous-apporter le rapprochement des activités de taux avec celles de la Banque Postale AM ?
Ce rapprochement nous permettrait d’atteindre une taille d’encours significative. L’idée serait aussi d’enrichir les savoir-faire mutuels, par des approches et des stratégies d’investissement complémentaires. Ainsi, en disposant d’une taille conséquente, d’une offre de gestion de qualité et d’un prix de revient adéquat, notre capacité d’investissement serait étendue et notre visibilité sur le marché renforcée. La diversification est essentielle pour les investisseurs. Nous devons être capables d’y répondre. Pour cela, il nous faut disposer d’une surface suffisante pour couvrir nos propres investissements.
Taux durablement bas, frais impactés par la concurrence de la gestion passive et environnement réglementaire difficile, la période ne semble guère favorable aux sociétés de gestion. La solution passe-t-elle nécessairement par la réalisation d’économies d’échelle ?
La pression sur les prix se fait de plus en plus forte, et pas uniquement dans le secteur de la gestion d’actifs. Les sociétés de gestion doivent par ailleurs absorber les coûts du renforcement règlementaire et investir pour faire face aux défis technologiques et proposer à leurs clients de nouvelles façons d’aborder les stratégies d’investissement.
En parallèle, les besoins des clients évoluent et ceux-ci recherchent désormais, au-delà des solutions d’investissement, une proposition de services qui leur permettent de revoir leurs modèles opérationnels ou une mise à disposition de reporting 100 % adaptés à leurs propres contraintes. Là aussi des investissements sont nécessaires… Prix de vente sous pression et investissements en hausse, la réalisation d’économies d’échelle est en effet une solution.
Ce n’est bien sûr pas la seule voie ; la spécialisation des acteurs sur certaines stratégies d’investissement créatrices de valeur en est une autre.
"Soutenus par deux actionnaires extrêmement solides, nous aurons, je pense, un rôle significatif à jouer dans la recomposition du paysage"
Les opérations de concentration sont aussi un moyen d’y parvenir ?
Le mouvement de concentration dans la gestion d’actifs ne fait que commencer. Cela fait plusieurs années que l’on en parle mais, pour l’instant, nous n’avons encore rien vu en Europe continentale.
Le renforcement des règles sur la transparence amène naturellement une pression supplémentaire sur les prix. Le métier de gérant d’actifs est un métier de stock. Tant que vous vivez sur des stocks offrant une marge élevée, votre modèle économique est pérenne. Or, les nouveaux contrats ou versements ne dégagent pas les mêmes marges. Lorsque ces derniers représenteront une part importante des stocks des gérants d’actifs, la rentabilité de ces derniers en souffrira. Pour cette raison, un mouvement de concentration semble inéluctable.
Pourriez-vous revenir sur votre positionnement en matière d’ISR ? Vous mettez actuellement en œuvre une politique globale de labélisation ISR avec pour objectif l’accréditation complète de votre gamme à moyen terme. Où en êtes-vous aujourd’hui ? Pourquoi avoir choisi ce chemin ?
Ostrum AM est signataire des principes pour l'investissement responsable (PRI) depuis 2008. Nos engagements sur ce thème sont parfaitement en ligne avec ceux de Natixis et de BPCE. Notre Groupe offre, en effet, une large place à la finance verte et la finance durable. Au regard de nos convictions, il nous semble logique d’aller au bout de ce raisonnement. La labellisation de la gamme de fonds est en cours avec aujourd’hui 13 fonds labellisés ISR. Cette stratégie est pleinement cohérente avec celle initiée par la Banque Postale AM et le projet de rapprochement de nos activités.
Quels seront les principaux leviers de croissance pour Ostrum AM dans les prochaines années ?
Cette nouvelle plateforme de gestion va être enrichie en termes de ressources et d’offre de services pour répondre le mieux possible aux besoins de nos clients et les accompagner dans leur croissance.
Un mouvement de concentration se prépare sur le marché de la gestion d’actifs. Notre ambition pourrait être de jouer un rôle d’agrégateur dans cette industrie. Soutenus par deux actionnaires extrêmement solides, nous aurons, je pense, un rôle significatif à jouer dans la recomposition du paysage.