D.Le Guludec (HAS) : "Samu et Smur vont être intégrés dans le périmètre de certification"
Décideurs. Quel est le rôle et quelles sont les grandes missions de la HAS ?
Dominique Le Guludec. La Haute autorité de santé (HAS) est un organisme scientifique, indépendant, garant de la cohérence et de la qualité de notre système de santé, afin qu’il assure à tous nos concitoyens un accès durable et équitable à des soins et des accompagnements efficaces, sûrs et pertinents.
Son rôle est de mesurer et d’améliorer la qualité, la sécurité des soins et des accompagnements sur l’ensemble du territoire français. Pour y parvenir, notre première mission consiste à évaluer les médicaments, les dispositifs médicaux et les actes en vue de leur remboursement par la Sécurité sociale. La deuxième mission est de recommander les bonnes pratiques professionnelles qui s’étendent aux parcours de santé et d’élaborer des recommandations de santé publique. La troisième grande mission consiste à mesurer et améliorer la qualité des parcours de soins au sein des établissements de santé, par la certification, mais aussi en dehors.
Quels liens avez-vous avec toutes les parties prenantes qui composent l’écosystème de la santé ?
Nous évaluons les produits et les actes au travers de trois commissions réglementées : la commission de la transparence pour les médicaments, qui rend un avis en vue de leur remboursement. Une autre commission s’intéresse aux dispositifs médicaux et aux technologies de santé. La troisième commission fait de l’évaluation économique et élabore des politiques de santé publique.
Nous avons donc naturellement des relations avec toutes les parties prenantes qui composent cet écosystème : industriels du médicament et des dispositifs médicaux, professionnels de santé, décideurs publics ainsi que les patients.
Quel est le rôle de la HAS en matière de pénurie de médicaments ?
Le sujet est géré essentiellement par l’ANSM [Agence nationale de sécurité du médicament, Ndlr] mais nous pouvons apporter notre aide lorsqu’il s’agit de trouver des alternatives thérapeutiques et de conseiller les professionnels pour les aider à gérer une pénurie, voire une crise.
Concernant la qualité et la sécurité des soins hospitaliers, quels résultats en 2018 et quelles perspectives pour 2019 ?
L’amélioration de la qualité et la sécurité des soins recouvrent un certain nombre de dispositifs. Ils concernent historiquement les établissements de soins et depuis peu, les établissements médico-sociaux. Nous disposons en France d’une procédure d’évaluation externe de tous les établissements de santé, aussi bien publics que privés. Cette certification est réalisée par des professionnels mandatés par la HAS qui mesurent la qualité dans les établissements de santé. Une note qui reflète la dynamique d’amélioration de la qualité leur est ainsi attribuée.
Nous utilisons aussi d’autres processus tels que le pilotage des indicateurs de qualité et de sécurité de soin que la HAS développe en lien avec les professionnels de soins, les usagers et les patients ainsi que l’accréditation des médecins dans les professions à risque, qui bénéficient d’un mécanisme spécifique encadré par la HAS. Nous encadrons aussi l’habilitation des organismes d’évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux.
"Nous disposons en France d’une procédure d’évaluation externe de tous les établissements de santé, aussi bien publics que privés"
Des processus boostés par le plan Ma santé 2022 puisque la qualité des soins y occupe une place centrale ?
Oui, en effet car le fil conducteur des chantiers à mener, identifié par la ministre de la santé dans son plan Ma santé 2022, est la qualité des soins et, notamment, la qualité organisationnelle via le décloisonnement de certains secteurs. Pour y parvenir, nous misons sur une approche centrée sur les résultats et non plus sur des processus.
Pour que ce travail soit le plus exhaustif possible, nous devons prendre en compte à la fois la qualité perçue par les patients et celle perçue par les professionnels de santé. Au niveau des patients, nous ne partons pas de rien. Le dispositif national « e-Satis +48 heures MCO » évalue, depuis trois ans maintenant, la satisfaction et l’expérience des patients hospitalisés plus de 48 heures dans un établissement de santé de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO). Le questionnaire suit les étapes importantes du parcours de soins : accueil, prise en charge, chambre et repas, et sortie de l’établissement. Plus d’un million de questionnaires ont déjà été remplis. L’objectif est de mesurer l’expérience patient.
Comment cela fonctionne-t-il ?
Concrètement, deux semaines après sa sortie, le patient reçoit un mail, envoyé automatiquement, contenant un lien unique, individuel et sécurisé lui permettant de se connecter au questionnaire e-Satis en ligne. Il peut y répondre jusqu’à dix semaines à la suite de l’envoi.
Côté établissements, leur participation se fait au niveau du site géographique et consiste à recueillir les e-mails des patients concernés, ou de parents ou proches, à extraire les patients éligibles dans un fichier au format prédéfini par l’ATIH [Agence technique de l’information sur l’hospitalisation, Ndlr] et à déposer, à un rythme régulier en continu − tous les quinze jours et au moins une fois par mois − les fichiers d’e-mails de patients sur la plateforme nationale e-Satis.
Nous avons étendu ce dispositif de questionnaires en 2018 pour évaluer les suites d’une opération en chirurgie ambulatoire et sommes en train de faire de même pour l’hospitalisation à domicile.
Avez-vous développé des indicateurs de résultats ?
Nous développons en effet de plus en plus d’indicateurs de résultats. En 2018, nous avons mis en place un indicateur de sécurité du patient, dans 740 établissements de santé en France, en chirurgie orthopédique à même de mesurer la survenue de complications thromboemboliques après une prothèse totale de hanche ou de genou. Cet indicateur permet ainsi à chaque établissement de savoir où il en est et de mener si nécessaire une politique d’amélioration et, côté patient, de pouvoir comparer les établissements.
"En 2018, nous avons mis en place un indicateur de sécurité du patient, dans 740 établissements de santé en France"
Nous travaillons actuellement sur d’autres indicateurs de résultats comme les infections après une prothèse de hanche ou de genou, la durée de l’antibiothérapie, ou des complications spécifiques comme la mortalité à trente jours après un infarctus du myocarde. Autant de données qui permettront aux équipes d’améliorer leurs pratiques.
Quels chantiers avez-vous menés pour mesurer la qualité des services d’urgence en France ?
Des recommandations vis-à-vis des activités menées dans ces services sont en cours d’élaboration actuellement. Nous travaillons aussi sur les coopérations interprofessionnelles (professions paramédicales, etc.). La finalité de ces chantiers étant de fluidifier l’activité des urgences.
De plus, historiquement, la certification n’incluait ni les Samu ni les SMUR. Ceci est actuellement en train de changer, et nous allons les intégrer dans le périmètre de certification.
Par ailleurs, dans le cadre de Ma santé 2022, a été confiée à la HAS et la CNAM l’élaboration d’indicateurs de qualité des parcours de soins notamment sur des maladies chroniques via treize chantiers que nous avons identifiés comme prioritaires. Ils peuvent être centrés également sur des approches populationnelles (personnes âgées ou vivant avec un handicap).
Concrètement, nous déterminons d’abord avec les professionnels de santé et les patients, les points clefs des parcours et les indicateurs pertinents. Des indicateurs que nous allons rechercher au sein des bases médico-administratives avant d’en vérifier la validité. Enfin, une démarche d’appropriation devra être déployée par les ARS [Agences Régionales de Santé, Ndlr] et les communautés professionnelles territoriales de santé.
Où en êtes-vous dans l’identification de ces treize chantiers prioritaires avec la CNAM ?
Treize parcours ont été définis avec la CNAM et seront adressés d’ici 2021. Nous avons élaboré et testé la méthode grâce à un chantier pilote (broncho-pneumopathie chronique obstructive, BPCO) et travaillons beaucoup avec les ARS pour décliner ces indicateurs et apprécier la qualité des parcours à l’échelle régionale. Restera ensuite à définir comment les rendre opérationnels afin qu’ils soient utilisés massivement par les professionnels de santé.
Propos recueillis par Anne-Sophie David