Pour Edouard Jozan, chief investment manager chez Allianz France, le marché s'approche d'une fin de cycle économique avec un atterrissage en douceur. Il se sert de la volatilité pour saisir des opportunités d'investissements attractifs.

Décideurs. Après les fortes turbulences du dernier trimestre 2018, les marchés financiers ont repris des couleurs en ce début d’année. Malgré cela, certains investisseurs demeurent très prudents. Comment vous positionnez-vous dans cet environnement ? 

Edouard Jozan. Nous sommes un investisseur de long-terme, avec un passif long. Actuellement, la fin du cycle économique apporte de la volatilité, qui est exacerbée par la guerre commerciale sino-américaine et les annonces des banques centrales. Notre scénario de base demeure autour d’une évolution dans un environnement de taux bas. Malgré cet environnement de taux bas et des marchés relativement élevés, en accord avec notre stratégie long-terme et notre solidité financière, nous continuons de chercher et trouver des opportunités d’investissement différenciantes. Nous investissons au bon prix, tout en poursuivant notre politique de contenance de risque, et la volatilité des marchés nous apporte des opportunités plus attractives en ligne avec notre horizon d’investissement long-terme.

La pente de la courbe des taux américains s’est récemment inversée. Faut-il anticiper un renversement du cycle macroéconomique aux États-Unis ?

Il est vrai qu’historiquement c’était un leading indicator. Chez Allianz, nous estimons que le marché s’approche d’une fin de cycle économique avec un soft landing. Récemment, la FED a annoncé qu’elle temporisait sa politique monétaire. Depuis quelques mois, les observateurs s’attendaient à une remontée des taux, conformément au mouvement entamé par la FED. Aujourd’hui, c’est l’inverse qui se produit. De fait, le marché anticipe un ralentissement économique et donc une baisse des taux aux Etats-Unis. Ce qui reste le cas en Europe où les taux sont à 0. Les taux allemands négatifs et français à zéro confirment notre scénario de base de fin de cycle économique et de taux bas. Finalement, il n’y a rien de très nouveau sous le soleil…

Quels sont vos choix d’investissement sur les marchés actions ? Privilégiez-vous certaines zones géographiques ou secteurs d’activité ?

Notre approche long-terme dans l’allocation action consiste à diversifier notre allocation géographique. Notre allocation action se situe autour de 5 %. Nous avons une approche diversifiée sur une logique environ 40-50 % en Europe, et le reste diversifié entre les États-Unis, les pays émergents et l’Asie-Pacifique. Cette répartition stratégique nous garantit de capter la prime de risque en bénéficiant d’effets de diversification. À l’intérieur de cette poche action, nous diversifions notre allocation tactiquement en fonction des mouvements de marché, à la recherche de bons points d’entrée et de sortie. Par ailleurs, nous avons un programme ambitieux de développement de notre allocation dans la dette émergente. Les pays émergents continueront d’être des marchés extrêmement moteurs d’ici cinq à dix ans. Ces pays ne sont pas encore totalement explorés en matière d’investissement, et notre approche d’investissement avec les bons partenaires de gestion  devrait nous permettre un engagement plus direct et pérenne. En somme, la volatilité des marchés nous impose d’être vigilants, tout en restant innovant, diversifiant et sélectif. Dans cette logique, nous apprécions également les actifs réels, les investissements alternatifs.

Quels types d’investissements cette stratégie recouvre-t-elle ?

Les actifs alternatifs recouvrent l’immobilier, le private equity, les infrastructures, les renouvelables et la dette ou prêts en direct. Ces classes d’actifs représentent environ 20-25 % de notre bilan. Ces actifs illiquides sont relativement naturels pour des assureurs. Le fait d’investir à long-terme nous apporte des rendements courants en phase avec nos passifs. C’est une logique similaire à des investissements obligataires dans lesquels nous captons une prime de liquidité supplémentaire ainsi qu’une diversification intéressante quel que soit le secteur et quelles que soient les régions. Au sein du groupe Allianz, nous déroulons ces programmes partout dans le monde. Cette posture nous donne un accès différenciant et nous permet de devenir partenaires long-terme d’émetteurs importants. Nous nous plaçons souvent de manière à prendre la majorité ou la totalité du projet ce qui nous permet de mieux négocier les covenants de couverture de risque. Explorer, trouver du rendement courant au bon risque au bon prix. Ces investissements sont par ailleurs tout à fait naturels par rapport à notre rôle sociétal d’investisseur de long-terme en investissant dans l’économie réelle sous toutes ses formes.

La FED a récemment stoppé le processus de normalisation de sa politique monétaire. La BCE maintient sa politique accommodante. Ces décisions sont favorables à un environnement de taux bas. Comment créer de la valeur sur les marchés obligataires ?

La dette émergente et l’investissement en direct peuvent être des solutions intéressantes. À titre d’exemple, le format en direct de type prêts seniors représente un produit de très bonne qualité. Nous avons lancé un programme Allianz France de plus d’un milliard d’euros dans l’économie française avec notre partenaire Allianz Global Investors. Notre rôle consiste à financer une partie de la dette d’acteurs privés dans une logique gagnant-gagnant.

Comment s'inscrit la démarche d'Allianz en matière ISR/ ESG ? 

La démarche d’Allianz reflète les valeurs de l’entreprise et son rôle dans la société. L’investissement responsable est partie intégrante de notre approche depuis longtemps et reflète nos ambitions à tenir compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance pour l’ensemble de notre portefeuille. Aujourd’hui la thématique est plus formalisée, structurée et donc renforcée, notamment par l’article 173 de la loi sur la transition énergétique suite à la Cop 21, la France a pris un leadership important.  Il est nécessaire d’approfondir nos études, de renforcer nos métriques afin d’être plus explicite sur les mesures d’impacts en continuant de développer des stratégies sur le long-terme.

Propos recueillis par Yacine Kadri

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