Les géants du Net sont prévenus : il faudra désormais compter sur la taxe Gafa en France. Malgré le ton menaçant de Donald Trump, le texte a été voté le 11 juillet. L’Hexagone s’impose comme l’un des pays les plus en pointe sur le sujet, réaffirme sa souveraineté … et trouve un moyen supplémentaire de renflouer ses caisses.

« La France décide souverainement de ses dispositions fiscales ». C’est sur un ton diplomate mais résolument ferme que Bruno Le Maire s’est félicité de l’adoption de la désormais célèbre taxe Gafa. Cette déclaration qui confine à la lapalissade prend tout son sens au regard du contexte international ambiant. Piqué par ce qui n’était encore qu’un projet de réforme fiscale, Donald Trump avait haussé le ton. Le président des États-Unis a en effet annoncé l’ouverture d’une enquête outre-Atlantique sur les effets de l’instauration de cette nouvelle taxe, un pouvoir qu’il tire de l’article 301 du Trade Act de 1974. Objectif de la manœuvre ? Établir son éventuel caractère discriminatoire ou déraisonnable et trancher la question de savoir si elle alourdit ou pénalise le commerce américain. Une attitude destinée à intimider la France, voire à la faire renoncer à son projet d’imposition des poids lourds du Net, dont beaucoup sont américains. Un coup d’épée dans l’eau. Adopté par Sénat le 11 juillet, le texte, qui prévoit une imposition de 3 % du chiffre d’affaires issu de la publicité en ligne, de l’utilisation de données personnelles et des ventes réalisées sur les places de marché, s’appliquera rétroactivement au 1er janvier 2019.

Coup double

Le France aura donc tenu bon dans le bras de fer engagé avec son homologue américain. Avec ce vote, le gouvernement fait coup double. Non seulement il affirme la place du pays comme pionnier sur le sujet mais il concrétise également l’une de ses priorités pour le quinquennat. S’inspirant largement du projet de directive européenne rejeté en mars faute d’avoir recueilli l’unanimité des suffrages des vingt-huit membres, le texte cible les entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros sur leurs activités numériques dans le monde, dont 25 millions d’euros en France. Concrètement, ce sont majoritairement des groupes américains qui devraient être concernés par cette mesure. Au-delà des Google, Apple, Facebook et Amazon, Airbnb et Instagram ne devraient pas échapper au couperet fiscal.

Le texte n'a pas vocation à s'inscrire dans la durée

De là à taxer ce dispositif d’anti américain, il n’y a qu’un pas qu’il ne faut pas franchir. Le français Criteo fait partie de la trentaine de groupes répondant aux critères d’application de la nouvelle taxe. À écouter Bruno Le Maire, la seule chose qui compte est de « rétablir la justice fiscale », et ce quelle que soit la nationalité des groupes concernés. D’ailleurs, le texte n’a pas vocation à s’inscrire dans la durée puisque, comme l’a rappelé le gouvernement, dès qu’une solution mondiale aura été trouvée, elle se substituera au dispositif français. Au regard de l’impossibilité pour les vingt-huit de se mettre d’accord sur le sujet, il n’est pas impossible que la taxe Gafa ait de très beaux et longs jours devant elle d’ici à ce qu’un consensus émerge. En attendant, elle permet au gouvernement de tabler sur des revenus supplémentaires estimés à 400 millions d’euros en 2019 puis 650 millions d’euros en 2020. Une aubaine dans un contexte budgétaire tendu.

Sybille Vié

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