REA 2019 : L’enjeu de la confiance
Plus de 350 intervenants, quelques 5 000 participants, des économistes de haut vol, des politiques, des grands patrons, mais aussi des penseurs, philosophes, leaders syndicaux, entrepreneurs… Vendredi 5 juillet s’ouvrait la 19ᵉ édition des Rencontres économiques d’Aix, le rendez-vous désormais incontournable des observateurs du monde en marche et artisans de ses métamorphoses au cours duquel, trois jours durant, décideurs et acteurs de la société civile parlent tendances économiques et enjeux de société. Fidèle à la tradition, Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes et initiateur de l’événement, a ouvert les débats. Rappelant que l’édition 2018 avait eu pour thème « Les métamorphoses du monde », il a expliqué pourquoi, cette année, les Rencontres porteraient sur la confiance, sur les raisons de son érosion et sur l’urgence qu’il y a à la restaurer.
Le grand paradoxe
« Le sujet de la confiance s’est imposé à nous il y a un an, au terme de l’édition précédente dédiée aux chocs qui ont bouleversé nos représentations du monde », a-t-il expliqué. « Nous nous sommes dit que la notion qui sous-tendait ces métamorphoses, c’était celle de la confiance. » Cette confiance dont on constate le recul depuis des années, non seulement à l’égard des institutions et des élites au sens large mais aussi des autres, de soi-même et de l’avenir.
Une récente enquête réalisée par McKinsey pour Le Cercle des économistes en témoigne. D’après ses conclusions : 49 % des 100 000 personnes interrogées dans 29 pays du monde estiment que leurs enfants vivront moins bien qu’eux. « Dans le monde, près de la moitié de la population n’a plus confiance en l’avenir ! », résume Jean-Hervé Lorenzi. C’est incroyable ! » Plus stupéfiant encore, si la tendance est mondiale, elle est particulièrement marquée en France où la proportion de personnes ayant confiance en l’avenir chute à 20 %... C’est ce que Karim Tadjeddine, en charge de l’étude, appelle « le grand paradoxe ». « Plus le pays va bien, plus la confiance est dégradée », explique-t-il. « Tous les indices de développement humain se sont améliorés : croissance, espérance de vie, temps de travail, baisse de la pauvreté… Et pourtant la confiance est au plus bas dans les pays qui se portent le mieux. » Pour Jean-Hervé Lorenzi, le phénomène s’explique d’abord par la perte d’un socle fondamental. Celui que constitue l’ensemble des valeurs sur lequel ont toujours reposé nos sociétés.
"Les valeurs qui fondent la confiance, le sous-bassement de ce qui nous permet de vivre ensemble, de ce qui fait nos références, ont disparu"
Socle de valeurs
«Les valeurs qui fondent la confiance, le sous-bassement de ce qui nous permet de vivre ensemble, de ce qui fait nos références, ont disparu », estime-t-il en rappelant le risque majeur auquel cette perte de valeurs communes et l’érosion de la confiance qui en découle expose nos sociétés. Non seulement parce que l’ensemble des mécanismes financiers, des orientations politiques et, finalement, des équilibres sociétaux reposent sur un prérequis de confiance, mais aussi parce que cette vacance de valeurs partagées laisse aujourd’hui la place à d’autres croyances collectives. « C’est lorsque les valeurs communes disparaissent qu’émergent d’autres « refuges » qui conduisent à des positions extrêmes. Des croyances brutales qui nous donneraient d’autres références », a alerté Jean-Hervé Lorenzi, avant d’évoquer la montée des populismes. Et de conclure son allocution d’ouverture sur l’urgence qu’il y a aujourd’hui à restaurer la confiance et, pour cela, à « faire émerger un contenu, un socle de valeurs partagées qui sous-tendront le monde pendant les prochaines décennies et lui permettront de ne pas dériver vers quelque chose d’inacceptable. » Cette situation de chaos qui, déjà, se profile et que des « rustines » économiques et politiques ne suffiront pas à endiguer.
Caroline Castets