P. Rey (UMR) : "La croissance mondiale est entrée dans une phase de ralentissement"
Décideurs. Avant d’évoquer votre stratégie pour 2019, revenons sur 2018, une année particulièrement difficile pour les marchés actions. Comment avez-vous vécu la chute brutale des principaux indices mondiaux ?
Philippe Rey. L’UMR est un investisseur de long terme ; la durée moyenne de nos engagements est de vingt ans. Tactiquement, nous pouvons ajuster notre allocation à la marge, comme ce fut le cas l’année dernière, alors que les marchés actions ont connu leur pire année depuis 2011. L’optimisme des investisseurs du début d’année n’a pas résisté à l’accroissement du risque politique et le ralentissement synchronisé des principales économies mondiales. Ces craintes, nous les avions assez bien anticipées. Nous nous étions allégés au printemps 2018. En fin d’année, les investisseurs ont sombré dans le pessimisme, tant et si bien que nous avons assisté à un sell off sur les marchés actions mondiaux. Même le marché américain, qui avait jusqu’alors bien résisté, a baissé à partir du quatrième trimestre. En 2018, notre portefeuille d’actions européennes s’est replié de près 14,5%. Notre poche consacrée aux actions internationales a cependant joué son rôle d’amortisseur en ne cédant que 7,8 %. Les valeurs cycliques sont celles qui ont le plus souffert. À l’inverse, le secteur des services publics, de la santé et de l’énergie ont fait preuve d’une belle résistance.
Avez-vous allégé vos positions après le rebond des marchés au cours du premier trimestre 2019 ?
En fin d’année dernière, nous avions le sentiment que la correction était un peu sévère. La croissance mondiale est entrée dans une phase de ralentissement, et non de récession comme certains investisseurs avaient pu le craindre. Nous nous sommes donc repositionnés de manière marginale en toute fin d’année sur les marchés actions. Les performances de ce début 2019 sont exceptionnelles sur les marchés actions. Ces derniers ont rebondi très rapidement et nous nous sommes donc de nouveau allégés pour écrêter nos plus-values.
« Notre poche consacrée aux actions internationales a joué son rôle d’amortisseur en 2018 »
Malgré votre préférence pour les actions européennes, vous n’hésitez pas à diversifier vos investissements sur d’autres zones géographiques. Quelles parts réprésentent les marchés américains et japonais ? Qu’en est-il de la Chine ?
Plus de 40 % de nos investissements en actions le sont en dehors de l’Europe. Les États-Unis sont la première puissance mondiale et les voyons comme une zone de refuge davantage recherchée lorsque les marchés financiers sont secoués. Notre exposition globale à cette zone est légèrement supérieure à 26 %. Le Japon représente entre 4 ou 5 % de notre allocation. Malgré les problèmes de vieillissement de la population et du manque de main-d’œuvre, le pays fait partie des économies intéressantes, en partie décorrélé des autres zones géographiques. Outre nos expositions marginales sur le Canada et l’Australie, 10 % de notre portefeuille actions est investi sur les émergents, dont une majorité sur la Chine. Un attrait qui vise à la fois les grandes sociétés chinoises de croissance comme des actions d’entreprises locales gérées par des spécialistes.
Le segment de la dette privée est-il aujourd’hui attractif ? Comment gérez-vous les risques associés à ces investissements ?
La France est le deuxième marché européen de la dette privée. Nous investissons sur cette thématique par l’intermédiaire de fonds spécialisés, principalement sur la dette senior, et de façon plus modeste sur la dette mezzanine et l’unitranche. Dès 2012, nous nous étions par exemple positionnés sur les premiers Euro Private Placement (Euro PP). Nos engagements portent sur des tickets allant de 10 à 20 M€. Les fonds sur lesquels nous sommes investis sélectionnent une dizaine d’ETI et proposent un taux de rendement net oscillant entre 3 % et 3,5 %. Nous sommes très vigilants lorsque nous réalisons nos due diligence. Nous vérifions notamment la capacité des sociétés de gestion à bien mesurer les taux de défaut hypothétiques et le taux d’endettement des sociétés financées. Un regard très soutenu est également porté sur les aspects juridiques.
Propos recueillis par Aurélien Florin