P.Marol (Alstef) : "Le soutien d'un fonds permet de gagner en crédibilité"
Décideurs. Pourquoi avoir racheté Alstef en 2006 ?
Pierre Marol. Il faut revenir rapidement sur l’histoire de l’entreprise : fondée en 1961, elle est revendue en 1978 à Alstom puis acquise en 2000 par un fonds de private equity anglais. En 2006, le fonds souhaitait se séparer du groupe. J’en étais alors le dirigeant depuis six ans et j’ai décidé de le racheter en prenant 51 % du capital et en proposant aux membres du comité de direction et aux salariés qui le souhaitaient d’acquérir le reste. L’opération a été financée à 25 % par l’actionnariat et le reste par un emprunt bancaire. Les banques, la Société générale et Fortis, nous ont suivis sans problème. Nous sommes ainsi redevenus une PME française indépendante et nous avons pu poursuivre notre croissance ainsi que traverser la crise de 2007-2009 en restant profitables.
En 2011, vous vous tournez vers un fonds. Pour quelles raisons ?
Nous voulions alors accélérer notre développement, en particulier grâce à de la croissance externe. Nous nous sommes rendu compte que, non soutenus par un fonds, nous n’étions pas forcément pris au sérieux par certains vendeurs. Recourir au private equity nous permettait de bénéficier d’un conseil, de financements et de gagner en crédibilité. Nous avons retenu l’offre de CM CIC Capital qui, avec la Société générale, a pris 20 % du capital. L’une des raisons de ce choix est qu’ayant financé l’investissement sur fonds propres, CM CIC n’avait pas fixé de date de sortie. L’opération s’est réalisée en achat de titres –certains actionnaires ont pu réaliser un cash-out – sans passer par une augmentation de capital. L’entrée du fonds a accéléré notre croissance organique en finançant notre internationalisation.
"Le principal frein n'est pas le financement mais le recrutement"
Nouvelle étape en 2018 avec le rapprochement avec BA Systèmes et l’entrée d’un nouveau fonds, Future French Champions (FFC)…
À cette étape de notre croissance, il nous a semblé opportun de redonner un peu de liquidités aux actionnaires mais aussi de mettre en œuvre une opération de croissance externe un peu particulière en construisant un projet industriel commun avec BA Systèmes, le spécialiste français de la robotique mobile. Ce sont nos deux entreprises réunies sous le chapeau d’une holding, B2A Technology, qui sont parties en quête d’un nouveau financement, et le projet a suscité un grand intérêt. Nous avons reçu une quinzaine d’offres et retenu celle de Future French Champions, un fonds détenu à parité par Bpifrance et Qatar Investment Authority. Ce rapprochement a permis à deux PME de devenir une ETI de 530 salariés affichant 108 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018.
Quel futur pour Alstef et B2A Technology ? Et avec quel accompagnement financier ?
Nous allons poursuivre notre croissance organique, qui est d’environ 15 % par an, avec un chiffre d’affaires attendu de 125 millions d’euros cette année. Nous avons aussi deux projets d’acquisition en cours de réflexion pour lesquels nous pourrons soit recourir à notre trésorerie, soit bénéficier de la ligne ouverte auprès de notre pool bancaire, soit faire appel à FFC. Pour conclure, j’aimerais souligner que, pour une entreprise en croissance, le principal frein n’est pas celui du financement (le marché regorge de liquidités) mais celui du recrutement : trouver les bons collaborateurs.
Cécile Chevré