Slack, le Snap de 2019 ?
Le 29 avril, la plate-forme de communication collaborative Slack annonce sa prochaine entrée sur le Nyse avec une petite subtilité : elle ne prendra pas la forme d’une introduction classique (IPO, initial public offering) mais celle d’une cotation directe (DPO, direct public offering), sans émission d’actions mais avec la mise en vente d’une partie de celles détenues par les investisseurs de la première heure ou les employés de la start-up.
Entreprise de demain
Après l’IPO de Pinterest et de Lyft et avant celles d’Uber et d’Airbnb, cette cotation fait partie des entrées en Bourse de valeurs technologiques les plus attendues de 2019. La messagerie made in Slack dessine ce que pourrait être l’entreprise de demain – toujours plus connectée, plus collaborative, plus flexible, plus mobile... L’application revendique déjà 10 millions d’utilisateurs et 600 000 entreprises clientes dont 88 000 disposent d’une version payante – un chiffre en hausse de 49 % en 2018.
Les récentes IPO dans le secteur pourraient laisser présager d’un bel avenir pour Slack, dont la valorisation a été estimée à 13 milliards de dollars. Le cours de Zoom, la start-up de vidéoconférence collaborative, s’est envolé de 72 % le 18 avril au cours de sa première séance de cotation. De quoi viser les plus de 20 milliards de valorisation pour la messagerie et expliquer l’engouement des investisseurs pour cette DPO.
Snap, le contre-exemple
Un engouement, certes, mais pas unanime alors que certaines valeurs technologiques ont connu des parcours boursiers compliqués au cours des derniers mois. Le cours de Lyft évolue toujours en dessous de son niveau d’introduction et le destin boursier de Snap, l’éditeur de l’application de partage de photos et de vidéos Snapchat et IPO phare de 2017, reste dans toutes les mémoires. Introduite à 17 $ en juin 2017, l’action s’est ensuite effondrée jusqu’à atteindre les 5 $ en décembre 2018 et plafonne désormais autour des 11 $.
Une déception boursière qui s’explique à la fois par la concurrence d’Instagram et par l’incapacité de Snap à renouveler son application. Le réseau social de partages de photos de Mark Zuckerberg a en effet vampirisé Snapchat en intégrant des fonctionnalités (stories, filtres…) très proches de celles proposées par son concurrent. Snap, quant à lui, s’est enferré dans une mise à jour très critiquée et ne fait toujours pas jeu égal avec le très populaire Instagram.
Conclusion, l’application ne recrute pas de nouveaux utilisateurs à un rythme suffisamment soutenu pour rassurer les marchés. Au premier trimestre 2019, l’entreprise d’Evan Spiegel affichait 320 millions de dollars (+ 39 % sur un an) mais des pertes de 310 millions tandis que le nombre d’utilisateurs restait stable, autour de 190 millions.
Teams en embuscade
Certains craignent que Slack connaisse un destin similaire face à un autre géant de la tech, Microsoft. L’entreprise a développé sa propre messagerie collaborative, Teams, intégrée aux services d’Office 365. Face aux 155 millions d’abonnés payants de la suite logicielle de Microsoft, les 88 000 de Slack ne font pas le poids.
Sous la houlette de de Satya Nadella, la firme de Redmont applique en outre une stratégie toute différente que celle des deux précédents PDG, Bill Gates et Steve Balmer, en s’ouvrant au logiciel libre et en intégrant la concurrence. Slack a ainsi récemment annoncé sa compatibilité avec Outlook, le logiciel de messagerie de Microsoft. La stratégie de Satya Nadella porte ses fruits : la valorisation boursière s’envole au-delà des 1 000 milliards de dollars et l’entreprise s’empare régulièrement de la place de première capitalisation de la planète devant Google et Amazon.
Pour tenter d’éviter un destin similaire à celui de Snap, Slack mise le marché des « grands comptes », les grandes entreprises, en tentant de les convaincre de passer à sa messagerie. L’autre axe fort de son développement porte sur l’automatisation de certaines tâches. De quoi faire face à la concurrence de Microsoft et de Teams ? La réaction des marchés à son DPO sera une première réponse.
Cécile Chevré