Direction financière : Comment le "cost killer" des années 90 s’est converti en business partner ?

« Le terme de DAF sera bientôt insuffisant pour désigner le métier tellement les domaines d’action du directeur financier se sont multipliés. » Voilà le constat, unanimement partagé tout au long du Sommet des leaders de la finance qui s’est tenu le 11 avril 2019, que dresse Patrick Vizet, directeur général de PerfectSight. Il faut dire que la fonction occupe une place toujours plus transversale au sein de l’entreprise. Le directeur financier reste évidemment un professionnel du chiffre. En témoignent les enjeux de la gestion du cash, notamment du suivi des composantes du BFR, qui font partie du podium des priorités des DAF selon l’enquête menée par PwC : Priorité du DAF en 2019. Néanmoins, les dimensions non-comptables comme la communication ou l’analyse des données ont indéniablement fait leur entrée dans le quotidien du directeur financier et cela à cause du rôle croissant des systèmes d’information au sein de l’entreprise.

L’ERP au cœur de la création de valeur

Les systèmes d’information ne sont pas fondamentalement révolutionnaires, pour preuve : le MRP, ancêtre de l’ERP, a été créé dès 1960. Cependant, c’est la nouvelle manière de les utiliser qui a bouleversé l’entreprise. Laurent Leenhardt, directeur de marché ERP chez CEGID confirme : « L’avènement des réseaux sociaux a contribué à la vulgarisation de la technologie. Il y a vingt ans quand on présentait de beaux tableaux aux directions, on nous rétorquait : ‘‘parlez-nous de choses réelles’’, aujourd’hui ce n’est plus le cas. » Situées au carrefour des flux d’informations de plus en plus denses que l’ERP centralise (données financières et comptables, ressources humaines, marketing, CRM…), les directions financières s’efforcent d’avoir une information simplifiée. Pour ce faire, de plus en plus de DAF s’entourent progressivement de data scientists pour traiter ces données. Vincent Salmon, VP professional services chez CCH Tagetik ajoute : « Il n’y a jamais eu autant de data au niveau du pilotage de la performance. » En faisant « parler les données », les DAF apportent une réelle valeur ajoutée au sein de l’entreprise et participent activement au pilotage de leur performance.

Une gouvernance décentralisée

L’expansion des données élargit indéniablement l’angle de vue du directeur financier. Patrick Vizet précise : « Le directeur financier n’avait que le rétroviseur comme outil, aujourd’hui il a l’occasion de se tourner vers la route. » L’aspect prévisionnel vient donc s’ajouter à la dimension de contrôle qui a toujours été l’apanage de la direction financière. Cette transition est exigeante, d’autant plus que la fonction purement financière du DAF fait face à de nombreux enjeux, notamment en matière de fiabilité et de vérification de l’information financière. Une nouvelle fois, la technologie sera un appui important pour les directeurs financiers. Aujourd’hui, l’automatisation du cloturing ou encore la digitalisation du reporting par l’intermédiaire d’éditeurs permet de dégager du temps pour les directeurs financiers. Ils deviennent ainsi de vraies forces de proposition au sein de l’entreprise, notamment en matière d’investissement pour la croissance. Ces changements structurels amènent les DAF à devenir des communiquants. En effet, « faire parler » les données et les chiffres ne résulte pas de la seule expertise, les DAF doivent avoir la capacité d’embarquer les équipes dans les projets qu’ils portent. Ils sont ainsi aujourd’hui de véritables business partners qui donnent du sens dans la direction de l’entreprise. Cet élargissement des compétences ne passe pas inaperçu au sein des conseils d’administration, en attestent la promotion de Bob Swann chez Intel ou la nomination de Jean-Dominique chez Renault tous deux anciens DAF devenus CEO cette année.

Sandy Andrianabiby