Retards de paiement : la lourde addition supportée par les entreprises
Au petit jeu de savoir qui des clients ou des entreprises s’avèrent les meilleurs payeurs, il semble qu’il faille les renvoyer dos à dos, comme après un match nul. En effet, les études en la matière se suivent et se ressemblent. Sociétés et clients rechignent encore beaucoup à payer en temps et en heure, s’affranchissant des règles impératives en matière de délais de paiement.
Les retards, risques pour la pérennité de l’entreprise
Le dernier baromètre Sellsy & YouGov s’est penché sur le cas des clients. Or, à en croire cette étude, les délais de paiement pratiqués par les clients sont de trente-sept jours en moyenne pour les TPE-PME. Un chiffre en constante augmentation au cours des cinq dernières années pour 46 % des sondés. D’ailleurs, les montants en cause sont loin d’être négligeables puisqu’ils représentent, dans un cas sur cinq, plus de 5 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. Résultat ? Les marges et bilans des sociétés créancières sont durablement affectés au point, parfois, de menacer leur activité. Quatre entreprises sur dix déclarent en effet avoir constaté une mise en péril de leur business du fait du retards de paiement de leurs clients.
Le digital : l’arme pour vaincre l’inertie de clients ?
Face à ces constats alarmants, point de fatalité. « Nerf de la guerre de la trésorerie, le retard de paiement touche toutes les entreprises. Pour certaines, la conséquence de ces retards peut être fatale. Avant d’envisager un long et coûteux recours à la justice, il existe des moyens de prévenir le fléau », confirme Frédéric Coulais, co-fondateur de Sellsy. L’une des solutions consiste à recourir à une facturation digitalisée. C’est ce que plébiscite la moitié des 60 % des répondants qui se sont dotés de logiciels adéquats et qui ont remarqué « une nette diminution des délais de paiement allant de quelques jours à plusieurs semaines ». La digitalisation, pour ceux qui en doutaient encore, semble être l’une des meilleures façons de venir à bout de la réticence de clients peu disposés à s’acquitter de leurs dettes en temps voulu. Et ce, quel que soit le motif les poussant à se dérober à leurs obligations : situation financière difficile, oublis involontaires, cessation d’activité ou … pure mauvaise foi.
Le salutaire name and shame
Dans les relations interentreprises, le constat n’est pas meilleur. Entre professionnels, le respect des délais de paiement est loin d’être devenu un réflexe, malgré le plafonnement fixé légalement à 45 jours dans le secteur privé et 30 jours dans secteur le public. Dans les faits, il faut attendre en moyenne 66 jours pour recevoir son dû, voire 120 jours pour les PME selon les chiffres du baromètre du cabinet ARC réalisé avec I’Ifop, publié l’année dernière. Une réalité qui pèse durablement sur la santé financière des entreprises, souvent forcées à recourir à des financements de court terme pour améliorer une trésorerie fragilisée.
Pourtant, l’adoption de la loi Sapin II a contribué à améliorer les choses en instaurant une publication systématique des sanctions infligées aux payeurs retardataires. Ainsi, en 2018, ce ne sont pas moins de 263 sanctions qui ont été prononcées par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) contre des entreprises payant leurs fournisseurs en retard et qui ont donc dû s’acquitter d’amendes représentant au total 17,2 millions d’euros. D’ailleurs, à la sanction financière s’ajoute celle, sans doute plus infamante et donc plus efficace, du name and shame. Parmi les groupes ainsi épinglés l’année dernière sur le site internet de la DGCCRF figurent des grands noms comme Unilever France, Cyrillus, Danone Produits Frais ou Frainkin France qui se seraient sûrement volontiers passés de cette mauvaise publicité. Bien conscient du poids de cette sanction symbolique, le gouvernement entend étendre automatiquement cette publicité à la presse. C’est en tout cas ce que contient l’une des dispositions de la loi Pacte actuellement en discussion. Une décision aisément compréhensible au regard des quatre et seize milliards d’euros que pourraient respectivement récupérer les ETI et les PME si les entreprises débitrices payaient leurs sous-traitants dans les temps, selon les derniers calculs de Bercy.
Sybille Vié