Bercy propose un « partenariat fiscal » entre les entreprises et l’administration
« Pour que les gens méritent notre confiance, il faut commencer par la leur donner. » C’est avec cette citation de Marcel Pagnol que Gérald Darmanin a entamé, le 14 mars, la présentation des initiatives pour une nouvelle relation de confiance entre les entreprises et l’administration fiscale. « C’est une véritable révolution culturelle que nous engageons », a affirmé le ministre de l’action et des comptes publics, ajoutant qu’elle « n’allait pas de soi » mais était « absolument nécessaire ».
Sept mesures ont ainsi été présentées, pour faciliter la vie économique et contribuer à la compétitivité des entreprises. « Nul n’est censé ignorer la loi, c’est vrai, mais c’est devenu un adage bien théorique face aux deux mille pages du code des impôts », a indiqué Gérald Darmanin avant de dévoiler la nouvelle démarche de l’administration, qui ne nécessite aucune création législative nouvelle.
Le partenariat fiscal
Présenté comme « la principale innovation » de cette démarche, le partenariat fiscal pour les ETI et les grandes entreprises s’appuie sur un outil déjà existant, le rescrit. Il propose, pour éviter la très grande fréquence des contrôles pour les sociétés de grande taille, de privilégier « la contemporanéité » au redressement a posteriori, en permettant aux entreprises de discuter de leurs choix fiscaux avec l’administration avant de les figer. L’interlocuteur des entreprises ne sera non pas un service de contrôle mais un service dédié au sein de la direction des grandes entreprises (DGE) pour les ETI et les grands groupes, et au sein des équipes juridiques des directions régionales (DRFiP) pour les PME. Ce partenariat permettra à la fois une plus grande sécurité juridique et un allègement des contrôles.
Privilégier « la contemporanéité » au redressement a posteriori, en permettant aux entreprises de discuter de leurs choix fiscaux avec l’administration
Douze entreprises ont d’ores et déjà signé des partenariats fiscaux avec l’administration : Air Liquide, Air France, Arkema, BPCE, Engie, Safran, Saint-Gobain, Total, Nestlé France, General Electric France, Parts Holding Europe et Haulotte Group.
L’accompagnement fiscal personnalisé pour les PME
Un accompagnement spécifique a été pensé pour les PME. Il leur permet de solliciter l’administration fiscale lors d’opérations à fort enjeu financier ou d’étapes clés de leur développement économique ou de leur restructuration – cession, rachat, développement à l’international... Sont éligibles les entreprises innovantes exerçant dans des secteurs stratégiques pour l’économie nationale. Le ministre a annoncé qu’il souhaitait que « quelques centaines de PME bénéficient de l’accompagnement fiscal personnalisé » d'ici la fin du quinquennat.
La mise en conformité spontanée
Bercy souhaite faciliter la mise en conformité spontanée d’une situation fiscale. Un service dédié a été constitué et appliquera une grille de pénalités connue à l’avance et non négociable. Il permettra notamment de régler les situations suivantes : découvertes d’anomalies fiscales à la suite d’une reprise d’entreprise, fiscalité des dirigeants type pacte Dutreil, montages impliquant des structures à l’étranger... Ce service n’est ouvert qu’aux demandes spontanées, c’est-à-dire à qui interviennent en dehors de tout contrôle fiscal.
L’examen de conformité fiscale
Pour sécuriser des questions simples, pour lesquelles il y a convergence entre le droit fiscal et la comptabilité, Bercy crée l’examen de conformité fiscale. « Un tiers certificateur pourra auditer ces sujets et remettre aux entreprises une attestation de conformité », a détaillé Gérald Darmanin. En cas d’erreur du certificateur, l’entreprise qui a respecté les recommandations de celui-ci n’encourra aucune pénalité ni aucun intérêt de retard. Cette prestation sera réalisée par les commissaires aux comptes. Une ouverture à d’autres professions dans un second temps sera envisagée en fonction du bilan de la mesure.
Chaque année, la direction générale des finances publiques délivre pas moins de 18 000 rescrits.
Les rescrits
Chaque année, la direction générale des finances publiques délivre pas moins de 18 000 rescrits. Mais alors que la loi prévoit un délai maximal de réponse en trois mois, celui-ci peut atteindre huit mois à deux ans dans les cas les plus extrêmes. « Personne ne peut se satisfaire de cette situation », a affirmé le ministre lors de la présentation officielle de ces mesures. Plusieurs changements ont été mis en place pour changer la donne. La DGFIP s’est fixée pour objectif de répondre dans un délai de trois mois à au moins 80 % des demandes de rescrit. Elle fera un reporting public du respect de ces délais.
L’amélioration du dialogue dans le contrôle
La loi Essoc avait déjà amélioré les voies de recours des entreprises. L’administration fait un pas de plus en proposant la mise en place d’une instance de dialogue entre le fisc et les organisations patronales deux à trois fois par an, afin d’apporter une réponse aux problématiques fiscales complexes abordées, que l’administration s’engage à respecter ensuite lors des contrôles. La « garantie fiscale » est également renforcée, notamment par le recours à des procédures de contrôle ciblées sur des points précis, portés à la connaissance de l’entreprise dès le début du contrôle. L’absence de rappel sur un des points cités dans l’avis de vérification entraînera ipso facto l’application de la garantie fiscale.
Le soutien des entreprises à l’international
Un appui est finalement mis en place pour les entreprises qui rencontrent des difficultés à l’international, notamment de double imposition. Un guichet dédié à ces acteurs est désormais ouvert à la DGFIP, afin de permettre aux entreprises de faire part de leurs difficultés. Il vient renforcer le dispositif déjà existant, composé d’un service de rescrit spécifique et d’un service dédié à l’élimination des doubles impositions.
Camille Prigent